Ils constituent l’essentiel du menu des Algériens pendant le Ramadhan: Sucre, gras et protéines en excès : des dégâts en perspective

Ils constituent l’essentiel du menu des Algériens pendant le Ramadhan: Sucre, gras et protéines en excès : des dégâts en perspective

Toute cette nourriture hypercalorique dont se régalent les jeûneurs, si elle est consommée de façon irrationnelle, sera susceptible, selon les spécialistes, de générer des dégâts sur de nombreux organes. D’ailleurs, ne dit-on pas que “les excès tuent plus sûrement que les épées” ?

Si la prolifération du fast-food et de la restauration orientale ont muté les habitudes alimentaires des Algériens, notamment celles de la tranche active, la gastronomie traditionnelle, patrimoine culturel ancestral, est indétrônable durant le mois du Ramadhan. Ainsi, même si la ménagère se surpasse afin de rénover et surprendre les membres de sa famille ou ses amis, à l’heure du f’tour, en mijotant de nouvelles recettes puisées dans les sites internet, les livres de cuisine ou les journaux, le tajin-hlou, la chorba, le bourek, el matloue, demeureront rois de la table. Les dattes, les salades, les desserts, les boissons gazeuses, les jus de fruits seront aussi incontournables. Pendant la soirée, zlabia, kalb el louz, baklava, chamia ou autres gâteaux et confiseries agrémenteront les plateaux à café ou à thé.

Nonobstant toute cette nourriture hypercalorique dont se régalent les jeûneurs, si elle est consommée de façon irrationnelle, sera susceptible, selon les spécialistes, de générer des dégâts sur de nombreux organes. D’ailleurs, ne dit-on pas que “les excès tuent plus sûrement que les épées” ?

La rupture du jeûne

Pourquoi rompre le jeûne avec des aliments sucrés comme les dattes, la zlabia? Et quelles quantités sont-elles permises ? En réponse à cette interrogation, le Dr Mohamed Rédha Guedjati, maître de conférences hospitalo-universitaire en physiologie clinique, explique que “le passage direct du sucre contenu dans ces aliments dans le sang, de manière rapide, active le système métabolique, en repos durant plusieurs heures. Ainsi les processus métaboliques de l’organisme déclenchent la sécrétion des hormones digestives (insuline glucagon…). Toutefois, ces aliments sucrés sont à consommer en petites quantités (trois dattes ou un petit morceau de zlabia suffisent largement), avant le repas, car l’hyperglycémie brutale engendrée par l’excès de sucre peut avoir de mauvaises répercussions sur l’organisme, à l’instar de la sécrétion d’insuline élevée. L’estomac peut également être affecté par la consommation cumulée de sucre. En effet, l’hypersécrétion rapide d’enzymes digestives et de suc gastrique peut créer des ulcères. Et plus la quantité de nourriture ingurgitée est importante, plus l’estomac secrète ces enzymes. Ces dernières pourraient ne pas être tolérées par tous, d’où des hospitalisations fréquentes de patients, suite à la rupture du jeûne”. Par ailleurs, la reine des sucreries, en l’occurrence la zlabia tant convoitée par les consommateurs, représente une menace potentielle pour la santé, de l’avis du Dr Guedjati qui affirme : “Tout le long du mois sacré, la zlabia est préparée puis exposée au consommateur, dans des conditions d’insalubrité flagrantes. Ajoutez à cela la quantité de sucre supérieure à la normale qu’elle contient et pouvant être à l’origine des soucis de santé précités. Le fait que ce gâteau soit frit dans une huile végétale réutilisée plusieurs fois (sa couleur en témoigne) est un autre inconvénient. Alors qu’il ne faut pas omettre que toutes les huiles végétales ont un point de fumée (température à partir de laquelle les huiles végétales émettent des fumées de façon continue). Atteignant ce point de fumée, les huiles se décomposent et perdent leurs propriétés nutritionnelles, tels la vitamine E et les acides gras polyinsaturés indispensables à l’organisme et non synthétisés par celui-ci, à savoir l’acide linoléique (oméga-6) jouant un rôle hypocholestérolémiant et l’acide alpha-linolénique (oméga-3) ayant, entre autres, un effet hypotriglycéridémiant. Pis encore, ces huiles végétales brûlées deviennent nocives du fait de l’apparition de composés indésirables lesquels seraient cancérigènes, d’après certaines études”, regrette Dr Guedjati.

Les pathologies cardiovasculaires liées au sucre et au gras

Pour savoir si le jeûneur a besoin de cette nourriture abondante et riche en calories pour pouvoir observer le carême, nous avons sollicité l’avis du Dr Houssem Eddine Ferrah, médecin endocrinologue. Celui-ci précise que “dans le cas où on abuse de nourriture hypercalorique, le corps assimile les éléments nutritifs, en l’occurrence, des protéines, glucides, lipides, sels minéraux, fibres et vitamines dont il a besoin. Une autre partie est stockée sous forme de cholestérol et de triglycérides, et qui se transformeront, avec le temps, en tissus adipeux ou en glycogène dans le foie. Alors que le reste est carrément éliminé sous formes de déchets (selles)”. Le Dr Ferrah met en garde : “Les troubles lipidiques (les taux de cholestérol général, du LDL, des triglycérides élevés) dus à une alimentation non équilibrée, sont à l’origine, de manière indirecte, de la genèse de la pancréatite (urgence médicale parfois mortelle), de l’athérosclérose (perte d’élasticité des artères due à la sclérose, elle-même provoquée par l’accumulation de corps gras, essentiellement le mauvais cholestérol, dit LDL, au niveau de la tunique interne des artères. Ce dépôt constitue alors l’athérome qui pourra aller de la simple plaque rétrécissant la lumière artérielle jusqu’à l’oblitération du vaisseau). L’excès des lipides est également à l’origine de l’athéromatose (maladie artérielle diffuse et progressive caractérisée par l’altération de la paroi artérielle par des dépôts graisseux, qui d’une part épaississant les parois et peuvent obstruer les artères, et d’autre part les affaiblissent et provoquent leur dilatation), l’hypertension artérielle (HTA), l’accident vasculaire cérébral (AVC), l’infarctus du myocarde (IDM), les maladies thromboemboliques (MTE) causées par la formation d’un caillot, ou thrombus, dans la circulation sanguine, l’artériopathie des membres inférieurs (AOMI), due à une atteinte artérielle touchant les membres inférieurs et aboutissant à une diminution, voire à un arrêt de la circulation dans les artères concernées, résultat de l’athérosclérose, entre autres.

La surcharge pondérale et le diabète de type 2

“Le superflu des sucres lents et rapides (contenus dans les gâteaux, les fruits, matloue, galette, brioche, frik ou dechicha, yaourt, eau gazeuse et jus de fruits), ainsi que le gras associés à la sédentarité peuvent causer l’obésité. Et plus la surcharge pondérale est importante, plus le sujet est exposé au diabète de type 2. Il faut souligner que ce type de diabètes, auparavant enregistré chez des sujets âgés, touche de plus en plus de sujets jeunes en conséquence à une alimentation trop grasse et trop sucrée. Un autre facteur de taille est le manque d’activité physique. Car les adolescents passent des heures derrière leurs écrans. D’ailleurs, le glucophage, médicament antidiabétique oral, est actuellement prescrit aux patients dès l’âge de 15 ans”, précise le Dr Ferrah avant d’ajouter que “les personnes à risque sont les sujets en surpoids, ceux présentant un taux de triglycérides élevé ou une hypertension artérielle, les femmes ayant fait un diabète gestationnel (durant la grossesse), les victimes d’un précédent évènement cardiovasculaire. Sont menacées aussi les personnes ayant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 30 kg/m2 (chez l’adulte). Cependant l’obésité androïde, en l’occurrence un important excès de masse graisseuse, localisée dans la partie haute du corps, en particulier au niveau de l’abdomen donnant un ventre très volumineux, est beaucoup plus dangereuse”. En effet, des études stipulent qu’un tour de taille supérieur ou égal à 80 cm chez la femme et à 94 cm chez l’homme constitue un facteur de risque de maladie cardio-vasculaire et de diabète. Dans le cas de diabète de type 2, le pancréas est constamment sollicité jusqu’au jour où fatigué de cette stimulation permanente, il s’arrête de produire l’insuline. C’est le diabète insulino-déficient. À cause du mode de vie des Algériens en mutation, le taux des diabétiques serait en augmentation. Il aurait, d’après le président de la Fédération algérienne des associations des diabétiques (FAAD) atteint 12% de la population. Cependant le Dr Ferrah avoue ne pas détenir de chiffres puisque le nombre de diabétiques, chez nous, est inconnu. “Beaucoup de diabétiques ignorent les signes et conséquences de cette pathologie”, dira-t-il.

La culture nutrition

“Se doter d’une culture nutrition est la seule alternative pour préserver sa santé”, affirme Saliha Bentaya, diététicienne. Celle-ci affirme : “Il ne faut pas attendre d’être malade pour surveiller son alimentation. Même un sujet en bonne santé est appelé à favoriser une alimentation saine”. Mme Bentaya recommande : “Rompre le jeûne avec un verre d’eau est le meilleur moyen d’optimiser le fonctionnement du système digestif et de se réhydrater. Car, prise au cours des repas, l’eau peut être à l’origine d’une indigestion. C’est pourquoi on doit laisser passer deux heures après le f’tour pour boire. La quantité de liquides nécessaire à l’organisme est de 1.5 l à 2 l, selon le climat. Il faut noter que ces liquides incluent l’eau, les jus de fruits, la chorba …. Cependant l’eau gazeuse est fortement déconseillée car, en sus de la quantité de sucre qu’elle contient (4 C à soupe pour un verre), cette boisson dilate la paroi de l’estomac et augmente le volume de celui-ci. Elle serait également un facteur prépondérant dans la survenue de l’arthrose”. Pour le repas du ftour, Mme Bentaya conseille : “Un bol moyen de chorba, la même quantité du plat de résistance, une ration de viande (qui sera doublée pour les adolescents en pleine croissance), un fruit moyen (100 g de pêche, pomme, fraises) ou 200 g de melon ou pastèque. Pour les sucreries, il est sage de se limiter à un gâteau par semaine”. Elle déplore l’excès de gras et de protéines (la viande dans le bourek, la chorba et le plat de résistance). Elle préfère la cuisson à la vapeur ou au four à la friture trop grasse.

Pour le shor, elle opte pour le mesfouf : “Ce plat traditionnel est riche en protéines, vitamines, sucres lents et rapides, ainsi qu’en fibres alimentaires. L’adolescent peut se permettre un œuf, du lait, du fromage ou des fruits secs.” Pour sa part, le Dr Guedjati recommande de fractionner les repas, c’est-à-dire espacer le premier plat du reste de la nourriture, de deux heures de temps. Il conseille aussi à la ménagère de débarrasser la viande de la graisse périphérique, la couper en petits cubes (pas de gros morceaux) et de préférer les viandes maigres tels le veau, la volaille (sans la peau) et le poisson. Le Dr Ferrah, lui, juge impératif de manger avec modération et penser à inclure dans son alimentation un hors-d’œuvre varié lequel est rassasiant et pas très calorique mais riche en éléments nutritifs et fibres afin de limiter la consommation abusive d’autres champs-sucres. Pour ce médecin endocrinologue, le régime destiné à un patient diabétique est un modèle pour le sujet sain. Alors qu’une personne âgée de plus de 40 ans est appelée à surveiller sa glycémie.