Médicaments: Comment réduire la consommation

Médicaments: Comment réduire la consommation

Au début de cette année 2017, la représentation nationale (APN) va examiner un nouveau projet de loi sur la santé.

Et presque au même moment, la Cnas lance une réflexion pour réduire les dépenses de santé ciblées sur la consommation du médicament. C’est alors qu’on peut se poser la question comment on peut réaliser des économies de santé sans renier la qualité des soins médicamenteux.

C’est une vaste question, qui se traite en disant: Oui, si on prescrit mieux pour soigner mieux, on peut réduire la consommation des médicaments.» C’est ce qu’on appelle la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Pour cela, je propose un plaidoyer pour promouvoir une politique ambitieuse et volontariste du bon usage du médicament. Et nous verrons, nous sommes tous concernés par cette mesure vertueuse, il suffit de regarder les choses en face. Mais que doit-on faire?

Rôle et intérêt de l’industrie pharmaceutique

Elle doit adapter les conditionnements à la durée de chaque traitement concerné par le médicament. Prenons l’exemple suivant: pour traiter une infection pendant sept jours à raison de deux comprimés par jour, il faut donc 14 comprimés. Sur le marché, on peut trouver des boîtes de 10 comprimés ou de 16 comprimés.

Dans le premier cas, on va enregistrer un surcoût de 14% et dans le deuxième cas un surcoût de 43%. L’idéal, c’est de disposer d’un conditionnement dit unitaire, mais pas de blisters (plaquettes) de plusieurs comprimés.

Rôle du médecin

Donc lorsque le malade va acheter son traitement, le pharmacien va lui dispenser un nombre de comprimés exact au regard de la durée de son traitement. Si par exemple, on prend le cas du pharmacien qui ne dispose que de boîtes de 10 comprimés, pour couvrir un traitement de 7 jours X 2 comprimés, il est obligé de disposer de 2 boîtes X 10 comprimés, donc une perte de six comprimés que l’assurance maladie aura remboursés malgré tout.

Autre exemple, c’est celui de promouvoir, à chaque fois que cela est possible, les spécialités pharmaceutiques qui permettent une seule prise par jour. Et pour les pathologies chroniques, qui nécessitent plusieurs médicaments, il est possible d’associer plusieurs principes actifs dans un seul comprimé, donc le malade ne prendra qu’un seul comprimé qui contient trois médicaments. Il est difficile d’envisager une industrie pharmaceutique prospère, sans un circuit du médicament performant et de qualité.

Les entreprises du médicament ne pourront se développer que grâce à l’export. Aujourd’hui, un des sésames pour réussir l’export d’un médicament, est que l’acheteur a besoin d’être rassuré sur la façon dont le médicament est utilisé dans le pays source. Le bon usage d’un médicament dans son pays, va le placer sur orbite auprès des prescripteurs potentiels.

Les experts du médicament d’un pays n’accepteront pas d’inscrire dans leur nomenclature un médicament qui n’est pas bien utilisé dans le pays d’origine, car les rapports des études cliniques, de pharmacovigilance et d’évaluation de terrain, doivent être très favorables.

Aux termes du Code de la santé publique, seul le médecin est habilité à prescrire les médicaments. Dans la pratique de prescription, il est impératif d’intégrer la notion de la pertinence, c’est-à-dire, chaque médicament prescrit doit être justifié par l’état du malade. Certaines études ont montré que près de 30% des médicaments portés sur les ordonnances, ne sont pas justifiés.

Il faut respecter le principe du bon médicament au bon malade, à la bonne dose. Périodiquement, Il faut également réévaluer les traitements dans le temps, un médicament peut être justifié à un moment donné, mais pour des raisons liées à l’état du patient, cette justification sera remise en cause. L’évolution de l’état du patient nécessite son arrêt ou au contraire une augmentation de sa dose.

La balance bénéfice-risque de certains traitements évolue défavorablement dans le temps, c’est le cas des anxiolytiques comme les benzodiazépines; Seresta, Lexomil, Tranxene etc… En France, on a mené une campagne de sensibilisation avec succès, qui consiste à dire «les antibiotiques ce n’est pas automatique». Grâce à cette campagne, la France a enregistré une diminution de consommation des antibiotiques de plus de 10%.

Certains traitements prescrits en prévention d’un risque perdurent même après la suppression du risque, c’est le cas des médicaments utilisés comme anticoagulants. Autre exemple classique, il s’agit de promouvoir la prévention par la vaccination, au moins chez les sujets fragiles comme les personnes âgées.

Une vaccination contre la grippe va prévenir la survenue d’un épisode grippal qui peut s’accompagner d’une surinfection. Donc, il faut traiter le malade avec des antibiotiques et des antipyrétiques pour lutter contre la fièvre, sans même parler d’un éventuel arrêt maladie à la charge de la sécurité sociale. Une dose de vaccin antigrippal coûtera dix fois moins cher.

Le rôle du pharmacien

Le rôle du pharmacien est déterminant, il doit analyser chaque ordonnance pour détecter les mauvaises posologies (doses), les interactions médicamenteuses potentiellement dangereuses (article 144 du décret n° 92-276 du 6 juillet 1992). Il doit prodiguer au patient tous les conseils et informations utiles pour la réussite de son traitement, insister sur l’observance et expliquer au patient le temps à observer entre une prise médicamenteuse par rapport à la nourriture, certains aliments ne font pas bon ménage avec les médicaments, c’est le cas du pamplemousse et certains cas les produits laitiers à cause de leur teneur en calcium.

Le pharmacien est considéré comme l’expert du médicament, cette expertise le place comme l’interlocuteur numéro un pour le bon usage du médicament, la lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse, la pharmacodépendance, les conduites addictives et la toxicomanie. Chaque patient constitue un cas particulier. L’adhésion du patient au traitement est un facteur primordial pour sa réussite.

Par adhésion, il faut entendre la croyance aux bienfaits des médicaments que l’on prend, en effet, certaines études ont montré que des échecs aux traitements, sont liés à une considération erronée du patient à l’égard de ses médicaments. Lors de chaque dispensation de médicaments, le pharmacien doit engager un entretien pharmaceutique avec son patient, il doit rechercher les éléments, qui pourront prédire comment le patient va se comporter vis-à-vis de son traitement.

Cet entretien d’évaluation est primordial lorsqu’il s’agit d’un patient qui va gérer seul son traitement à son domicile. Le pharmacien doit prendre en compte la sensibilité particulière aux médicaments des enfants en bas âges et des personnes âgées, il faut prévenir le risque d’accident iatrogénique lié à la déshydratation dans les périodes de fortes chaleurs. Si un malade ne sort pas d’une pharmacie avec des informations utiles sur ses médicaments, il risque de ne pas respecter les règles du bon usage, ce qui va se traduire par un échec au traitement et une récidive dite évitable de la maladie à cause de ce manquement au traitement.

Ces récidives évitables ont un surcoût considérable à la charge de l’assurance maladie. Si un patient va chez le médecin qui lui remet une ordonnance avec en moyenne six médicaments, qu’il achètera bien sûr, mais au lieu de les prendre, il va les ranger dans ses placards, ça s’appelle du gâchis par mauvaise observance. Naturellement, la maladie ne se range pas dans le même placard, elle continue d’évoluer, lors de la prochaine décompensation, bis repetita, on recommence tout et aux frais de l’autre, car il est remboursé dans tous les cas.

Rôle de l’infirmier

Les infirmiers sont au contact permanent des malades, notamment en milieu hospitalier, ils sont souvent les premiers témoins d’un traitement inefficace, voire délétère. Un infirmier qui n’enregistre pas une baisse de la fièvre chez son patient alors qu’il est sous antibiotiques, doit le signaler au médecin pour réévaluer le traitement. Chaque jour passé avec un traitement sans résultat, s’ «accompagne d’un surcoût évitable, si une surveillance appropriée du traitement est respectée.» Autre exemple, un malade qui présente des hématomes, l’infirmier doit penser à un déséquilibre d’un traitement anticoagulant. Lorsqu’on prend en charge un déséquilibre de traitement, plus tôt sera pris en charge ce déséquilibre, mieux seront les chances de rétablir une situation normale, et mieux sera la maîtrise du coût.

Il est important d’inclure dans la formation des professionnels de santé, le principe et la notion de prescrire mieux pour soigner mieux. Et les fondamentaux sur le mécanisme de financement du système de santé. Une formation initiale par l’université doit être assurée sur la qualité, la sécurité et la gestion du risque lié aux soins. Les différentes iatrogénies et les effets indésirables liés aux soins sont une réalité qu’il ne faut pas occulter. Le déni de cette réalité conduit à des échecs ou des catastrophes de santé très coûteux, d’abord sur le plan humain et aussi financier. Une harmonisation des pratiques de prescription par l’établissement des recommandations sous forme de protocoles, a démontré sa plus-value, notamment en cancérologie et en antibiothérapie.

C’est un échange d’expériences, qui a comme objectif soigner bien et triompher de la maladie à moindre coût». En conclusion, donc à la question posée par le titre, on peut répondre oui. Mais pour réduire les dépenses de santé ciblées sur le médicament, il est urgent de promouvoir une politique soutenue sur le bon usage du médicament. C’est l’affaire de tous, c’et un exercice pluridisciplinaire.

Réussir un traitement et produire des soins médicamenteux efficaces à moindre coût et sans complications est un challenge de tous les jours. Le circuit du médicament fait intervenir plusieurs métiers différents, l’industriel, le médecin, le pharmacien et l’infirmier, chacun doit jouer son rôle et être complémentaire et s’articuler avec les autres. Mais dans tous les cas, si le patient ne respecte pas ou ne s’approprie pas la gestion de son traitement, il serait difficile d’obtenir un résultat satisfaisant.

Importance de la formation initiale et continue

Les écarts au traitement médicamenteux peuvent finir par des récidives et des réhospitalisations répétées, qui génèrent un surcoût évitable, et un gaspillage de ressources! Il sera difficile de soigner un patient qui n’est pas motivé par sa propre prise en charge. Un certain moment, l’assurance maladie en France, a envisagé de dérembourser un dispositif de traitement de l’apnée du sommeil, chez les patients qui n’observent pa leur traitement, faut-il arriver à ce genre de mesures? Je termine par cet adage, bien de chez nous: «Ce sont les ruisseaux qui font de grandes rivières.»