Le Pr Zitouni à propos de la lutte contre le cancer « Il faut investir davantage dans la formation »

Le Pr Zitouni à propos de la lutte contre le cancer « Il faut investir davantage dans la formation »

Le coordinateur national du plan anticancer 2015-2019 a fait une projection des moyens mis en oeuvre par les autorités pour lutter contre ce fléau. Néanmoins, il insiste sur la formation des ressources humaines.

«L’objectif n’est pas d’avoir de belles machines, mais de soigner les malades…» C’est avec cette phrase lourde de sens que le professeur Messaoud Zitouni a tenu à qualifier les priorités du Plan national anticancer 2015-2019 lors de son passage, hier, au Forum du quotidien El Moudjahid. Le Pr Zitouni qui a la lourde tâche de coordonner l’application de ce plan estime dans ce sens qu’il faut investir plus dans la formation des ressources humaines. «Il faut avoir les ressources humaines pour utiliser parfaitement les machines. Si ce point est négligé soit les machines ne seront pas utilisées, soit elles seront vite endommagées», a-t-il souligné avant de faire la comparaison avec les pays développés. «Eux consacrent plus de moyens financiers aux ressources humaines (60% contre 30%) que les pays sous-développés, comme l’Algérie où la proportion est carrément inversée (80% contre seulement 20%)», constate-t-il amèrement.

«Il faut former de vrais physiciens pour gérer les machines autant, par exemple dans le domaine de la radiothérapie que de la radiodiagnostic, une spécialité nouvelle en plein essor. Il faut valoriser ces métiers au même titre que les médecins», recommande-t-il.

Néanmoins, le coordinateur national du plan anticancer 2015-2019 a fait une projection des moyens mis en oeuvre par les autorités pour lutter contre ce fléau dont les proportions sont des plus alarmantes, qui touche «120 personnes pour 100.000 habitants». «L’Etat a consenti d’énormes efforts dans le secteur de la santé, en particulier dans la lutte contre le cancer», fait-il remarquer en donnant comme exemple le «bond spectaculaire» de l’Algérie en matière de centres spécialisés. «On a 15 centres spécialisés (10 privés et 5 publics) contre seulement cinq il y a 5 ans. deux autres devraient ouvrir en 2017», a-t-il argumenté.

Messaoud Zitouni qui a également insisté sur la prévention contre cette maladie, est revenu sur ses principales causes. «Elles sont multiples, parmi lesquelles le vieillissement de la population qui s’est multipliée par quatre depuis l’indépendance, et les facteurs exogènes tels le tabagisme, l’environnement pollué…», assure-t-il. «Le cancer continuera à évoluer si l’on ne change pas de comportement», poursuit-il en visant particulièrement le tabagisme.

«Le tabac tue. Il ne provoque pas que le cancer du poumon, mais beaucoup d’autres types sont causés par ce poison», peste-t-il. Le professeur Messaoud Zitouni veut également une révolution des mentalités avec une débureaucratisation du secteur. «Il nous faut absolument une décentralisation. La mise en oeuvre des plans de santé tels que celui du cancer a besoin d’être menée et gérée par des professionnels du terrain, qui comprennent bien la complexité des enjeux», note-t-il. «Il faut leur donner une plus grande liberté d’action. Ce n’est pas à partir du 6 ème étage du ministère de la Santé que l’on va mener un plan à Adrar par exemple», met-il en exergue avec beaucoup de lucidité.

Le docteur Farid Benhamdine, président de la Société algérienne de pharmacie était présent auprès du professeur Zitouni pour éclairer l’opinion sur son domaine de compétence. A ce sujet, il rappelle que le cancer demeure, en Algérie et dans le monde, la maladie la plus répandue et la plus coûteuse. Selon lui, «63% des médicaments importés par la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) sont destinés à l’oncologie» alors que ce taux dépassait à peine les 10% avant. A ce propos, il rejoint l’avis de son compère dans la prévention de cette maladie mais aussi dans la rationalisation des dépenses en évitant le gaspillage.

Les deux spécialistes donnent comme exemple le traitement des douleurs des cancéreux qui se fait par radiothérapie. «Alors que cela pourrait se faire comme à l’étranger en laissant les malades acquérir de la morphine ou tout autre opiacé en pharmacie. Cela coûterait moins cher, éviterait beaucoup de souffrances et de désagréments aux malades et dans certains cas cela peut même augmenter leur espérance de vie», concluent-ils avec ce qui ressemble à une plaidoirie.