Le DR Zeggane, Psychiatre à l’hôpital Fernane-Hanafi, à l’Expression: “La lutte contre la violence est l’affaire de tous”

Le DR Zeggane, Psychiatre à l’hôpital Fernane-Hanafi, à l’Expression: “La lutte contre la violence est l’affaire de tous”

Présent au 6ème Congrès national de psychiatrie qui s’est tenu à l’EHS d’Oued Aïssi, Dr Soufiane Zeggane psychiatre chef de service (fermé) à l’établissement Fernane-Hanafi a voulu répondre à nos questions sur divers zones d’ombre dans le phénomène de la violence. «A ce sujet, la violence collective est motivée par l’effet d’entraînement de groupe qui amplifie les charges émotionnelles et le degré de violence des actes»

L’Expression: Jusqu’à quel point, cette présentation peut s’appliquer à la violence qui sévit en notre société et quelle votre définition de celle-ci?

Soufiane Zeggane: En effet la violence est native du manque de communication entre les individus tel que le professeur Ziri l’a si bien précisé lors de son allocution d’ouverture du congrès. Il a aussi expliqué que la violence est multiforme dont les tenants et aboutissants sont aussi complexes que protéiformes. Le sentiment de frustration est le moteur émotionnel essentiel dans la naissance de la pensée, puis de l’acte violent. Ces frustrations peuvent être individuelles ou collectives. De toute l’histoire de l’humanité, à commencer par le fratricide originel de Cain et Abel. Ainsi, toutes les civilisations humaines sont nées de violence et en sont mortes.

La société algérienne présente des propensions de plus en plus grandes à recourir à la violence dans presque toutes les situations d’interaction entre les individus et entre les groupes. Quelles sont selon vous, Dr Zeggane, les causes?

Il faut reconnaître que la société algérienne a connu des mutations importantes tant sur le plan démographique qu’intellectuel. Le passage au mode de vie moderne occidentalisé est marqué de par ses exigences quotidiennes par une forte charge de stress. Il est vrai que l’Algérien est réputé par ses nerfs à fleur de peau, cependant comme tout être humain il se bat pour une vie décente, à savoir l’accès au logement, au travail et un cadre de vie agréable, c’est légitime. Sur ce plan, les pouvoirs publics ont fourni assez d’efforts en vue d’améliorer le quotidien de l’Algérien. Mais la conjoncture actuelle est difficile; ce qui exige des efforts partagés de tout un chacun pour éviter justement le recours à la violence comme moyen d’expression. A ce sujet la violence collective est motivée par l’effet d’entraînement de groupe qui amplifie les charges émotionnelles et le degré de violence des actes.

On évoque souvent, la décennie noire du terrorisme comme une cause principale de la violence qui caractérise les relations sociales dans notre pays. Et si les causes remontaient réellement à bien avant cette période? Qu’en pensez-vous?

Effectivement, il est évident que cette page tragique qu’a connue l’histoire de notre pays est très douloureuse, où la violence a atteint son acmé avec des procédés des plus barbares de tueries, de génocides et du climat de terreur qui y a régné. Les victimes et/ou de simples témoins de cette période gardent des séquelles psychologiques à des degrés divers. Chacun a sa capacité de coping ou de gestion de stress. Pour parler d’une manière collective, on ne peut attribuer les actes violents actuels à cette période. Une autre génération jeune actuellement a ses propres exigences existentielles qui, si elles ne sont pas satisfaites, expliqueraient le recours à la violence sous toute ses formes: verbales, physiques, déni de l’autorité parfois une violence dirigée contre soi, comme la toxicomanie, l’alcoolisme, voire même des actes désespérés de suicide ou de tentatives de suicide.

La drogue fait des ravages dans notre société. Y a-t-il un parallèle à établir entre ce fléau et la violence en expansion dans toutes les strates de notre société?

Le mal-être ou le désespoir conduit effectivement à des comportements déviants tels que la consommation de drogues. La substance toxique est un moyen de soulager cette frustration émotionnelle qui prend la forme d’une violence subie tel que le vocable «hogra» peut caricaturer. L’action de ses drogues sur le cerveau peut entraîner des déchaînements émotionnels et/ou comportementaux qui peuvent entraîner des comportements violents. C’est, pour ainsi dire un cercle vicieux. Il faut cependant clarifier que ces phénomènes sont universels et ne sont pas spécifiques à notre société.

Quels sont selon vous, Dr Zeggane, les meilleurs moyens de lutte contre ce fléau?

Il apparaît que ce n’est pas une tâche aisée. Car ça demande de conjuguer les efforts de tous les acteurs de la société ainsi que des pouvoirs publics. Le meilleur moyen reste la prévention et c’est dans ce sens que cette journée pensée et réalisée conjointement par le Pr Ziri psychiatre de formation et DG du CHU de Tizi Ouzou et M.Bounous Lounès directeur de l’EHS Oued Aïssi. Le cheminement de l’acte préventif commence dès l’enfance dans la cellule familiale puis dans ses premières expériences de socialisation dans les crèches et l’école par une bonne éducation civique afin d’en faire des citoyens «non-violents». Ailleurs, le mouvement associatif, les mosquées, les pouvoirs publics et les professionnels de la santé, chacun dans son domaine de compétence a un rôle à jouer pour faire face à ce fléau.

Le mot de la fin?

Merci à vous pour cet espace d’expression qui nous permet de faire passer un message de prévention. Par la même occasion, je remercie les organisateurs du congrès et tous les professeurs qui nous ont bien éclairés sur ce thème, ainsi que toute personne ayant contribué à la réussite de cette manifestation scientifique. J’espère que le message de sensibilisation et de prévention est bien transmis.