Le chef du service cardiologie à l’hôpital Nefissa Hamoud, a accordé une interview à la revue LA-FACULTE.NET: Le professeur Djamel-Eddine Nibouche à coeur ouvert

Le chef du service cardiologie à l’hôpital Nefissa Hamoud, a accordé une interview à la revue LA-FACULTE.NET: Le professeur Djamel-Eddine Nibouche à coeur ouvert

En choisissant de s’entretenir avec le Zizou de la cardiologie en Algérie, les étudiants en médecine de la Faculté d’Alger ont frappé à la bonne porte. Le professeur Djamel Eddine Nibouche, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a ouvert son coeur, et s’est livré à une véritable introspection. Il a mis le doigt sur ce qui n’est pas rose et en spécialiste averti, pose un diagnostic magistral, sans concession, sur l’état de la médecine dans notre pays. Pur produit de l’école algérienne, ce professeur, pour qui, le sens du devoir, la rigueur, la rectitude et le sacrifice ne sont pas que du folklore, a l’obligation de vérité à l’égard des jeunes étudiants en médecine. Cette interview est un authentique document de travail pour l’éthique et la déontologie, que l’université gagnerait à diffuser plus largement au bénéfice des étudiants ambitieux dans leur cursus. Il convient de noter que le site électronique //www.la-faculte.net est la première base de donnée gratuites pour étudiants en médecine francophone dans le monde.

Monsieur le professeur, nous sommes le 5 juillet, pouvez-vous nous dire un petit mot concernant cette date?

Le 5 juillet est une occasion pour rendre hommage à ces valeureux hommes qui ont libéré notre cher pays. L’oubli détruit une société et même un peuple entier. J’espère que dans les années futures, la Faculté de médecine pensera à célébrer nos repères révolutionnaires.

Je saisis cette occasion pour rendre hommage à mes maîtres, ceux qui ont pris la relève de la médecine après l’indépendance. Avec peu de moyens, ils ont relevé tous les défis et ont construit l’Algérie indépendante. C’est grâce à eux que nous, médecins, existons aujourd’hui. Je dois citer les professeurs Bachir Mentouri, Omar Boudjellab, Mohamed Toumi, El Okbi, Merioua, Mohamed-Chérif Mostefai, Mohamed Feghoul, Abdelkader Boukroufa, Pierre Chaulet, Jean-Paul Grangaud, Aldjia Benallègue, Benmiloud, Bachir Laliam, Nefissa Hamoud, Yaker, Illoul, Abdelmoumène… Beaucoup sont décédés et la liste est encore longue…

On entend souvent parler de la refonte de l’enseignement supérieur des années 70, pouvez-vous nous en parler?

Un réel succès, une révolution universitaire au sens propre du terme. Beaucoup de Facultés de médecine prestigieuses dans le monde nous enviaient. Le diplôme de médecine algérien était reconnu mondialement et même recherché. Pensée et élaborée par les sommités algériennes des années 1970, cette refonte a permis de libérer les universités. La Faculté de médecine d’Alger et les jeunes Facultés de l’époque, de Constantine et d’Oran ont formé les meilleurs médecins algériens d’après-l’indépendance. La force de cette refonte a été d’introduire le système modulaire et le contrôle continu des connaissances. Malheureusement, au fil du temps, elle a dévié de ses objectifs. C’est un véritable gâchis.

Quelles sont les conditions en Algérie dans lesquelles évolue le professeur en médecine?

Noyé dans les faux problèmes et par le nombre impressionnant d’étudiants à sa charge, il se trouve victime au même titre que l’étudiant. Il se débat entre une médecine peu performante et un enseignement médiocre. Souvent lassé, il abandonne et se consacre uniquement à progresser dans une carrière tumultueuse à la fin douloureuse.

Vous nous avez déjà confié votre CV qui est d’ailleurs publié sur notre site Web, mais pour les étudiants qui ne vous connaissent pas dites-nous en quelques mots qui est le professeur Nibouche?

On dit de moi que je suis sévère et exigeant… Dans les pays prestigieux, les professeurs de renom ont toujours été taxés de cette façon. C’est cela l’ambiance estudiantine et je l’accepte. Si on me donne des qualificatifs c’est que j’existe en tant que professeur, c’est que j’enseigne la médecine aux générations futures et je suis fier de cela. Jfai toujours dit que la médecine n’est pas un métier, mais une mission que Dieu nous a donnée, il faut savoir être à la hauteur de cette confiance!

Je suis un enseignant très exigeant, rationnel, rigoureux et je n’aime pas la médiocrité. J’aime que l’étudiant fasse des efforts pour apprendre, participe et s’implique. Le contraire m’énerve car je veux faire réussir l’étudiant et en faire un bon médecin. C’est pour cela qu’on dit de moi que je suis méchant, mais en réalité c’est tout le contraire. Lorsque j’enseigne, je ne vois pas devant moi l’étudiant, mais je vois le futur malade que mes élèves doivent soigner.

Beaucoup de mes anciens élèves, maintenant médecins, viennent me rendre visite pour me remercier de la qualité de la formation qu’ils ont reçue. Cette reconnaissance est certainement le meilleur cadeau qu’on puisse faire à son enseignant.

Pourquoi avez-vous choisi la cardiologie?

Le mouvement du coeur m’a passionné depuis ma tendre enfance. Quand je faisais mon premier stage de cardiologie en 1975 chez le regretté professeur Mohamed-Chérif Mostefai, ce grand maître à qui je rends un grand hommage, j’ai appris à aimer l’auscultation cardiaque. Par la suite, la cardiologie pédiatrique m’a beaucoup attiré, c’est pour cette raison que j’ai fait un semestre de résidanat dans le service de néonatologie du professeur Aldjia Benallègue Allah yarhamha, un grand maître qui m’a appris la rigueur scientifique, la discipline et le sens du sacrifice que doit avoir le médecin. Je suis passé ensuite chez le professeur Mohamed Feghoul Allah yarhamou qui m’a enseigné, m’a accompagné et m’a permis d’être professeur.

M.Feghoul m’a permis d’aller en France étudier la cardiologie de l’enfant où j’ai pu acquérir de hautes compétences dans ce domaine dans le service du professeur Claude Dupuis à l’hôpital cardiologique de Lille où j’ai appris le sens du raisonnement et de la rigueur des pays développés. Je suis revenu à mon pays pour faire mon devoir national du service militaire, sur insistance de mon défunt père à qui je dois tout.

Mon amour pour le pays m’a obligé de rester chez moi parce que j’ai senti que j’ai une plus importante mission ici et qui n’est pas possible ailleurs.

Ce pays m’a permis d’être médecin et de progresser, c’est le devoir d’un simple Algérien envers son pays et je ne le regrette pas.

J’ai eu beaucoup de satisfaction durant ma carrière et le fait que vous venez faire cette interview aujour-d’hui est pour moi déjà une réussite. Je plaisante souvent en disant à mon entourage que «si voulez connaître la valeur d’un professeur, allez interroger les étudiants et les malades!».

Comment le professeur Nibouche a pu rester motivé le long de son cursus?

J’aime ce que je fais, j’aime réussir et j’aime me perfectionner. Comme je l’ai dit, ma plus grande satisfaction est de pouvoir sauver beaucoup de malades. J’aime aussi enseigner et transmettre mon expérience. J’aime le travail de recherche bien fait et j’ai horreur de la triche et de la malhonnêteté.

Tout le monde a des qualités et des défauts, et moi comme d’autres j’ai des défauts dans les relations professionnelles ou autres, il faut le reconnaître, mais cela ne m’a pas empêché de progresser. Ce qui m’a permis aussi d’avancer c’est l’ambiance extraordinaire du travail d’équipe. Je n’ai jamais travaillé seul, mes collègues et moi avons travaillé dans la joie et la satisfaction de pouvoir sauver les malades et avoir de bons résultats. C’était notre seule devise.

Sûrement ce n’est pas facile de gérer un service de cardiologie, en quoi consiste le rôle de «professeur, chef de service»? Et est-ce que ça constitue un challenge pour le professeur Nibouche?

Comme je l’ai dit avant l’interview, être responsable c’est d’abord se mettre au bas de l’échelle, il faut admettre les remarques d’autrui pour pouvoir s’améliorer. Il faut accepter de travailler en équipe et le plus difficile est de maintenir la cohésion des équipes médicales et paramédicales pour assurer «la performance médicale» qui a toujours été mon plus grand challenge. Les pays développés sont en avance sur nous parce qu’ils sont plus performants. Je n’aime pas la médiocrité, même dans la réussite, j’aime bien offrir les meilleurs soins à mes malades et le meilleur enseignement à mes étudiants.

Parlons un peu des Facultés de médecine algériennes: quelle est la situation actuelle de nos Facultés de médecine?

Il faut accepter qu’on audite nos Facultés de médecine par des organismes habilités à le faire. Il faut que le diplôme de médecin soit valable et reconnu sur le plan international.

Il faut créer une compétitivité constructive entre les différentes facultés de médecine d’Algérie et mettre en place des concours d’entrée. Les Facultés de médecine doivent être classées en fonction de leurs performances comme dans tous les pays du monde. Nous ne pouvons plus rester sur ce modèle archaïque que je qualifierai de suicidaire. Il faut absolument construire une élite médicale.

L’ouverture de nouvelles facultés doit obéir à une planification rigoureuse, harmonieuse et efficace. Il ne faut pas ouvrir des coquilles vides et les remplir progressivement. La médecine est avide d’un enseignement de très haut niveau qui s’est beaucoup compliqué au rythme du développement technologique. Les réformes sont certes utiles, mais elles doivent obéir à des lois universelles de faisabilité et de performance. Il est important de pondre un texte, mais faudrait-il qu’il puisse être réalisable et performant. Ce qu’on ne voit jamais en Algérie.

L’évaluation des études médicales

La formation des formateurs: elle n’existe pas, ce qui est déplorable. On a même supprimé l’épreuve pédagogique dans les concours de MCB et MCA. Les concours pour devenir rang magistral, c’est-à-dire formateur, ne reposent sur aucune évaluation objective relative à la compétence de former. C’est encore une grave anomalie!La docimologie: la docimologie est la science des examens et des concours. C’est l’étude de la qualité et de la validité des différents systèmes de notation et de contrôle des connaissances. Aucune formation dans ce domaine n’existe en Algérie. Vous parlez de QCM ou autre évaluation. Toute évaluation doit obéir à des règles docimologiques.

En Algérie, tout le monde élabore des épreuves d’évaluation, mais sans avoir eu une formation adéquate dans ce domaine. Une question à choix multiple, par exemple, doit être élaborée par un professeur habilité à le faire, être testée sur des enseignants, mais aussi sur un pool d’étudiants pour qu’elle soit validée. Je me suis retrouvé à plusieurs reprises confronté à des QCM que je n’ai pas compris et qui ont été proposées à des examens. Mettez-vous à la place de l’étudiant! L’évaluation doit aussi être une véritable épreuve pédagogique avec des objectifs précis. L’épreuve totale doit comporter des questions relatives à tester la mémoire, la réflexion, le raisonnement, la pratique… avec des pourcentages et une cotation bien étudiée. L’évaluation est donc un domaine très complexe que nous ne maîtrisons pas encore en Algérie et c’est vraiment bien dommage pour nos facultés. L’enseignement pratique: il a complètement disparu! Trouvez-moi un seul étudiant qui a simplement touché à un microscope durant ses études pré-cliniques. Le bourrage de crânes: l’enseignement doit être pragmatique, cessons le bourrage inutile de crânes. Les programmes doivent être très simples en matière d’objectifs pédagogiques. On n’a jamais appris à l’étudiant à réfléchir et à raisonner.

Le système actuel pré-clinique: il faut revenir au tronc commun et ouvrir des concours d’accès aux différentes Facultés de médecine du pays.

Une situation inquiétante:

Certains étudiants ne vont jamais aux cours ni au service et passent leurs examens en ayant les meilleures notes.

L’étudiant pense évidemment et légitimement à réussir, mais cette situation est-elle acceptable? Où sont les enseignants?

Concernant le module de cardiologie en externat, une formation de six semaines est-elle suffisante à votre avis? Sinon, quelle est la solution?

C’est une question importante et la réponse est difficile pour la simple raison qu’elle est intimement liée à la durée totale des études médicales. Si chaque spécialité demande à rallonger la durée de ses stages, vous n’allez jamais terminer vos études médicales, vu que les exigences actuellement de la médecine moderne demandent plus de connaissances évidemment, mais il faut bien mettre un terme aux études et c’est une énorme difficulté.

Les solutions n’existent pas réellement, mais en Algérie il y a beaucoup d’externes qui me disent qu’ils ne vont pas dans les services parce qu’il n’y a pas une prise en charge convenable, c’est cela former un bon médecin?

Puis, l’internat est une année perdue. Le stage interné est bâclé, sans objectifs, un véritable gâchis. L’étudiant réserve cette année pour réviser le test final car l’année de préparation réservée pour cela a été supprimée: une erreur fatale.

Pour moi l’internat est une année très importante, une année de pratique, une année pour compléter ses connaissances et normalement doit permettre de combler les insuffisances de l’externat.

Malheureusement, les internes viennent me dire: «Mais pourquoi vous nous faites travailler professeur Nibouche?

On est arrivé pour réviser le test final comme on le fait dans beaucoup de services!».

Dans ces conditions, l’internat n’a plus lieu d’exister.

Je me demande comment a-t-on pu supprimer l’année préparatoire du concours du résidanat d’après-l’internat? C’est contre l’intérêt de l’étudiant.

Comment est la formation des étudiants dans le service de cardiologie au CHU de Hussein-Dey (Nefissa Hamoud)?

Chaque jour, je consacre une heure d’enseignement pour mes étudiants, c’est une obligation impérieuse pour moi. Ma méthode repose sur l’élaboration de la compréhension et de la mémorisation à travers l’image et les couleurs. C’est une méthode pédagogique particulière qui est un amalgame entre plusieurs méthodes testées et validées dans les pays occidentaux: aux États- Unis et au Canada en particulier. Beaucoup d’étudiants adhèrent à cette méthode et sont souvent demandeurs.

Quels sont les conseils que vous donneriez à un futur étudiant en médecine pour réussir de bonnes études?

Les conseils que je pourrais donner à un futur étudiant en médecine sont aux nombre de 11:

a1- Se mettre dans la peau du médecin pour mesurer réellement les objectifs et les difficultés de la mission de médecin.

a2- Choisir les bons stages où on apprend la bonne médecine et ne pas choisir les terrains de stage où on ne fait pas l’appel.

a3- Ne pas rater ses cours et les apprendre au jour le jour.

a4- Essayer d’être performant en ayant les meilleures notes.

a5- Améliorer sa culture générale.

a6- Faire beaucoup de pratique, surtout pendant les gardes.

a7- Avoir la curiosité et la rigueur scientifiques.

a8- Essayer de raisonner devant chaque cas clinique et ne pas hésiter à demander conseil.

a9- Avoir l’esprit de sacrifice en sachant que la médecine est une mission.

a10- Accepter d’avoir une mauvaise note et ne pas se décourager en cas d’échec.

a11- Se remettre en cause, accepter le débat et s’améliorer sans cesse.

Si on parlait un peu de la médecine algérienne moderne:

Quelle est la situation de la santé en Algérie?

La santé en Algérie se recherche. Le redressement est possible, mais pour cela il faut tout revoir: l’enseignement médical, le système de santé qui doit impérieusement commencer par l’organisation rationnelle des soins, mais aussi de la prévention, la gestion de nos structures de santé… La médecine algérienne gaspille beaucoup par manque de rationalité.

L’accès aux soins est certes facile, mais reste anarchique, les efforts consentis par l’Etat sont énormes, mais les résultats sont très médiocres et de l’avis de tous. Là aussi un audit parfait devra identifier les causes de nos échecs, mais aussi les facteurs positifs qui ont amené notre pays à vaincre le choléra, la fièvre typhoïde, le rhumatisme articulaire aigu et bien d’autres maladies. L’amélioration de notre niveau de vie a aussi beaucoup aidé à vaincre ces maladies et augmenter notre espérance de vie. Ceci est indéniable. La situation financière difficile impose à notre santé de changer rapidement de modèle. Les acquis sociaux de l’Algérien ont toujours été garantis, mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment de l’efficacité. Il ne faut pas oublier que le citoyen algérien participe étroitement au financement de la santé de son pays par les cotisations des caisses d’assurance. Il faut savoir prendre des décisions courageuses et patriotiques pour sauver la santé en Algérie en ces moments de crise.

Que pensez-vous du service civil?

Le service civil n’a jamais été évalué. La majorité des médecins affectés à l’intérieur du pays est sous-utilisée et il n’y a aucune amélioration de la situation sanitaire loin des grandes villes. Je pense qu’il faut avoir le courage de tirer les bonnes leçons et remettre en question ce qui ne marche pas. La médecine est universelle, elle ne peut être réinventée. Optons pour la contractualisation et la décentralisation comme a fait la majorité des pays qui ont réussi. C’est réellement la meilleure solution. Le recrutement doit se faire en fonction d’une nécessité de service et en fonction des compétences.

Nous avons tendance à dévaloriser le médecin généraliste, qu’est-ce que vous en pensez? Quelle est sa place réelle dans le corps médical?

Le médecin généraliste est le pilier de la médecine d’un pays. Nous avons perdu par erreur le médecin de famille à l’indépendance car on croyait qu’il représentait, à tort d’ailleurs, la bourgeoisie. Nous le regrettons amèrement aujourd’hui! On dévalorise le médecin généraliste en Algérie parce que son état d’esprit a changé, son comportement a aussi beaucoup changé. On voit de nos jours des comportements condamnables. Ceci n’est pas la faute du médecin, ni de l’étudiant d’ailleurs. Il y a de grandes lacunes dans la formation et les conditions de travail du médecin généraliste aujourd’hui ne sont pas bonnes. Son rôle est souvent squatté par le médecin spécialiste.

Que pensez-vous de la fuite des médecins compétents du secteur public vers le secteur privé?

Aller vers le secteur privé existe partout dans le monde, cela reste un choix. Plusieurs causes sont à signaler: c’est soit l’échec d’une carrière hospitalo-universitaire, soit c’est la déception du secteur public… A vrai dire, aller vers le privé n’est pas une déviation, c’est un choix voulu ou imposé par certaines conditions ou contraintes. Ce n’est pas que le privé soit meilleur. Si le secteur public existe et le privé existe aussi c’est qu’ils doivent être complémentaires. Il ne peut y avoir qu’une seule médecine, l’essentiel c’est qu’elle soit rationnelle et performante, le reste importe peu.

Quel est votre dernier mot monsieur le professeur?

Mon dernier mot est que je remercie Dieu de m’avoir permis d’accomplir une carrière hospitalo-universitaire pleine et fructueuse. J’ai eu la chance de côtoyer un nombre important de grands maîtres de la médecine algériens et étrangers. Ils m’ont appris à être rigoureux et discipliné. Je citerai mes maîtres les professeurs Mohamed Feghoul, Omar Boudjellab, Mohamed-Chérif Mostefaï, Aldjia Benallègue Allah yarhamhoum, le professeur Mohamed Toumi, le professeur Claude Dupuis chez qui j’ai effectué ma formation de cardiologie pédiatrique à Lille.

Nous avons choisi quelques mots significatifs, aléatoires, nous allons vous demander de commenter chacun d’eux selon votre conviction:

La triche

J’ai horreur de la triche, je ne connais pas la triche, je pense qu’il n’y a pas plus horrible que d’être tricheur, surtout pour un scientifique. Un médecin a une mission noble et doit rester noble. La noblesse c’est la propreté et l’intégrité.

La fuite des cerveaux

Le mot «cerveau» ne me dit rien du tout, je parlerai simplement de «hautes compétences». Le départ définitif de beaucoup de nos scientifiques m’a beaucoup bouleversé. C’est une plaie béante qui ne guérira jamais. J’ai écrit un article sur ce sujet dans le journal El Watan parce que j’ai été horrifié par plusieurs choses: pourquoi former des médecins et des compétences… pour qu’ils quittent le pays?

J’ai soulevé le problème des bourses d’études étrangères attribuées qui ont vu leurs bénéficiaires faire un aller sans retour. Avons-nous évalué cette déperdition préjudiciable à notre pays. J’ai été un des rares enseignants à avoir dénoncé cette mascarade qui favorise le chaos. L’octroi d’une bourse a toujours été synonyme d’un passeport à sens unique. Il faut se pencher rapidement sur cette problématique et trouver des solutions urgentes, profitables à notre cher pays. Mais pourquoi ce phénomène? Quels sont les raisons?

La première raison est l’état d’esprit: à notre époque comme je l’ai souligné, il était impensable de quitter le pays, l’esprit de sacrifice nous l’interdisait, il a disparu de nos jours en Algérie, tout le monde cherche le gain et la vie facile… c’est la qualité de vie qu’on cherche et on ne la trouve malheureusement qu’à l’étranger. J’ai toujours parlé de «mission», je ne suis pas un boulanger, je suis un missionnaire au service de mon pays. La réponse qu’on nous donne est souvent celle-ci: «Le pays ne m’a rien donné… le pays ne me donne rien… je ne peux pas réussir dans mon pays», la situation devient ainsi complexe. A-t-on le droit de quitter ses parents qui n’ont pas les moyens de nous offrir ce qu’on veut obtenir? C’est cela la réalité et il m’est inacceptable de quitter le pays sans y revenir dans l’état actuel où il se trouve! Les droits: oui, le devoir avant tout! Le mal a été consommé et se consomme encore. Mais l’Etat doit aussi faire des efforts soutenus pour faire revenir ou attirer nos compatriotes vivant à l’étranger. Ce sont nos chers fils et il faut s’en occuper en leur offrant les meilleures conditions d’un retour fructueux et honorable.

L’Algérie

C’est ma raison de vivre! L’Algérie est pour moi, le plus beau pays au monde, le meilleur pays au monde. De par sa diversité géographique, culturelle, sa situation géographique et géopolitique, son passé élogieux, son peuple… pour moi c’est le plus grand pays au monde et je suis fier d’être algérien, vraiment fier!

La jeunesse algérienne

La jeunesse est toujours l’avenir d’un peuple, elle doit être préparée pour prendre le flambeau de la relève, elle doit être formée pour cela, elle doit être nationaliste et engagée. Aujourd’hui c’est le 5 juillet, je suis sorti pour vous rencontrer, malheureusement, tout au long de ma route je n’ai pas vu un seul drapeau algérien sur les balcons, c’est pourtant la Fête nationale de l’indépendance et de la jeunesse aujourd’hui. Avant, étant très jeune, on attendait avec impatience le 5 juillet, la fête de la jeunesse, parce que dans toutes les villes d’Algérie on faisait ce qu’on appelait: «les Algériades», ce sont ces mouvements d’ensemble qu’on exhibait dans les stades. Il faut que notre jeunesse apprenne l’histoire de son pays.

Nous avons choisi quelques questions posées par les étudiants qui nous suivent sur Facebook, j’espère que cela ne vous dérangera pas de leur répondre.

La cardiologie dans notre pays, pouvez-vous nous en donner un aperçu général?

Les maladies cardiovasculaires représentent actuellement une véritable préoccupation de santé publique. Nous sommes passés des maladies de la misère vers les maladies des pays dits «riches», c’est la transition épidémiologique. La cardiologie s’est beaucoup instrumentalisée aux dépens malheureusement de la clinique, on s’éloigne du stéthoscope de Laennec. La médecine est devenue très coûteuse et le citoyen algérien est devenu très exigeant et demandeur de soins de qualité. Les offres de soins ne sont malheureusement pas à la hauteur des exigences, ce qui crée le décalage actuel.

Avez-vous des projets en cours ou des projets pour l’avenir inchaa Allah?

Pour les étudiants, je vous annonce une bonne nouvelle, c’est l’ouvrage officiel de cardiologie pour étudiants en médecine du comité pédagogique qui sera bientôt édité par l’OPU et qui sera mis à la disposition de l’étudiant en médecine.

Vos inquiétudes, monsieur le professeur?

Une seule, voir encore le niveau dégringoler.

Vos espoirs,

Un seul: un redressement salutaire de l’enseignement de la médecine.

Votre rêve,

Des centres de recherche dignes de ce nom. Une élite algérienne.

Pouvez-vous nous citer un des conseils que vous avez reçus de vos maîtres?

Je vous citerai volontiers la citation de mon maître le professeur Aldjia Benallègue Allah Yarhamha:

«Ne soyez jamais des prescripteurs, soyez plutôt des thérapeutes!».

Un mot pour «La faculté»

Je dois vous féliciter pour tout ce que vous faites, parce que c’est cela la modernité. Je suis très content que vous fassiez ceci, vous êtes formidables et je suis fier de vous. Cela fait très longtemps que j’attendais un sursaut salutaire de la part des étudiants. Je crois sincèrement que c’est bien parti. C’est pour cette raison que je suis avec vous avec force. Je suis de ceux qui encouragent le savoir, le sérieux et le progrès pour le bien de l’étudiant algérien. BRAVO!!!!!! Merci de m’avoir donné la parole.