Stéphane Bouillon “Je n’ai aucune raison de penser que le Galsi ne se fera pas…”

Stéphane Bouillon “Je n’ai aucune raison de penser que le Galsi ne se fera pas…”

nm-photo-282652.jpgUne rencontre traditionnelle. Annuelle. Voeux obligent, mais pas seulement. Hier, si les salons de la préfecture se prêtaient à un échange de souhaits, ils étaient surtout le cadre d’un échange tous azimuts et de conversations croisées .

Où le préfet de Corse Stéphane Bouillon, en parfait maître de céans, a déchiffré la partition thématique mais en laissant, volontiers, à l’occasion, sa baguette de chef d’orchestre à ses collaborateurs proches et au fait des sujets.

Table basse de rigueur pour conversation de salon et ses petits fours variés. Mais sans messes basses. Juste un tour d’horizon en forme de ligne à scruter. Avec des sujets à la carte pour un menu panaché entre grands dossiers et petites phrases. Service soigné à la clé…

À l’aube de cette année, quels sont les enjeux majeurs pour la Corse à court et moyen termes ?

D’abord se trouver une voie à 5 ans, et plus loin se fixer une direction à 10 ans. Il y a désormais 300 000 habitants dans l’île, un chiffre en augmentation. Il s’agit de savoir quelle économie on veut et qu’est-ce qu’on veut en faire. Tout le reste en découle, équipements, services, organisation spatiale. Est-ce que l’on souhaite une île où viennent se reposer des retraités, sur le concept de Miami, un pôle comme celui de Sophia Antipolis, une île avec une vocation agricole dominante et un peu de tourisme ? C’est le vrai débat que les Corses doivent avoir.

Et la question qu’ils doivent trancher. La Corse veut-elle rester repliée sur elle-même, avoir une complémentarité avec les régions voisines, s’inscrire dans une Europe des territoires à laquelle elle peut apporter beaucoup ou dans un ensemble méditerranéen dont elle nourrira les échanges et la culture ? Sur cet ensemble, l’État peut apporter sa contribution et le président de la République le fera quand il viendra. Mais aux insulaires d’en décider. A fortiori avec les élections territoriales à venir et dans la foulée la mise en place d’une nouvelle assemblée de Corse. Dans le statut de 2002, le principe du Padduc était celui-là, définir ce que peut et doit être l’avenir de la Corse. Un Padduc qui devra, aux yeux de la loi du 3 août 2009 intégrer le Grenelle de l’environnement. Mais au-delà et avant tout définir une stratégie pour l’île.

À 5 et 10 ans donc, mais plus précisément ?

En 2010, des décisions devront être prises concernant la question énergétique, le Galsi, les centrales, l’assainissement – avec les stations d’épuration des grandes villes et de l’intérieur – les déchets, l’eau, pour des projets dont la mise en oeuvre se fera sur 5 ans. Sans oublier les actions en matière d’emplois… Une série d’actions donc qui vont être évoquées dans le cadre des programmes pour les territoriales. Ensuite, sur dix ans – en gros l’équivalent de deux mandats de l’assemblée de Corse – il faut commencer à se fixer un cap.

À ce propos, les territoriales font-elles l’objet d’une préparation particulière du côté de l’État ?

Nous avons reçu la circulaire du ministère de l’Intérieur expliquant comment nous préparer et en avons envoyé une aux maires. Ceci étant, il s’agit, pour nous, d’une élection normale. Si spécificité il y a, c’est dans le sens où elle concerne la collectivité de Corse. Je ne peux porter un quelconque regard sur la campagne… Ce que j’attends, avec intérêt, maintenant, ce sont les programmes et la manière dont les candidats vont faire des propositions…

Rôle d’observateur soit. Aucun rôle d’arbitre si besoin était ?

L’arbitre, ce sont les Corses, moi je suis observateur et j’applique le code électoral, avec un calendrier pour les deux tours, effectivement fixé au 14 et 21 mars.

Restons sur ce nuage politique. À quand la venue de Nicolas Sarkozy ?

L’Élysée annonce et fixe les dates. Ce ne sera pas le 26 janvier. Mais le président a toujours dit qu’il viendrait, il n’y a pas d’incertitude là-dessus. La date du 15 était à deux doigts de se concrétiser, puis il y a eu le sommet de Copenhague en train de partir en quenouille… Le président a été obligé de reporter son déplacement parce qu’il souhaitait organiser des discussions avec les chefs d’états africains. Il a donc été contraint de rester à Paris. On a évoqué, après, le 26 janvier, un peu par déduction ! Au regard des trois premières semaines de janvier consacrées aux voeux notamment. Et comme le président de la République ne vient pas un mercredi, pas plus qu’il ne vient habituellement le lundi, journée où il a traditionnellement nombre de rendez-vous…

Disons début février alors ?

Je vous laisse le soin de le dire, mais effectivement, il n’y a pas 10 000 dates possibles. Ce sera, forcément avant le début du dépôt des candidatures qui aura lieu le 8 février. L’objectif pour lui, c’est de parler du développement durable applicable à la Corse. Ensuite, il y a le volet plus politique.

Un point sur le Galsi ?

Le président Sarkozy en parlera et, là encore, c’est lui qui détaillera. Nous, nous avons préparé avec les acteurs concernés – élus, syndicats – la PPI, programmation pluriannuelle, qui a pris en compte les demandes, notamment quant au fonctionnement des deux centrales au gaz naturel dès lors que le Galsi réalisé.

Quelles chances d’aboutir ?

Le Galsi fait partie du programme de gazoduc que l’Europe veut mettre en place pour améliorer la fourniture en énergie et ne pas dépendre uniquement de la Russie. À ce titre, le Galsi est reconnu comme ayant un intérêt économique et stratégique pour l’Europe. Et s’inscrit dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. Je n’ai pas de raison de considérer que ce projet pour lequel des études ont déjà été engagées en Algérie et Italie – avec un accord qui devrait être signé cet été – ne fera pas. Et ma conviction, c’est qu’il se fera.

À l’échéance de 2015 pour tout le monde. Quand ce sera lancé, nous ferons nos études, et tracerons notre gazoduc. Le Galsi est une chance pour la Corse avec un mode de production propre, permettant de réduire la pollution électrique due au fioul sur l’île. Les deux centrales de production d’électricité restent une nécessité pour l’île. Sinon, on risque le black-out. Mais on ne peut dépendre uniquement de câbles électriques nous reliant à l’Italie. Et il n’est pas non plus imaginable de faire un câble qui nous relierait au Continent. Ce serait extrêmement coûteux et cela impliquerait qu’il faudrait tirer des lignes à haute tension à travers l’ensemble de l’île pour le dispatching. Ce qui coûterait plus cher que le Galsi et n’est écologiquement parlant pas réalisable.

Quid de la période 2010 et 2015 ?

L’actuelle centrale d’Ajaccio peut continuer à fonctionner en étant entretenue pour tenir la route jusque-là, et il y a le projet de la centrale de Lucciana, pour laquelle on attend le rapport de la commission d’enquête sur l’impact, le rapport qualité-prix ainsi que les avantages et inconvénients du dispositif. Si un avis favorable est émis, le préfet peut prendre un arrêté, déclarant d’utilité publique la centrale. Si l’avis est défavorable il faut passer par un décret en conseil d’État.

Un mot enfin sur les répercussions de la crise économique en Corse ?

L’île se porte plutôt mieux que d’autres régions. Paradoxalement, le chômage a augmenté en décembre, mais le taux de croissance est ici entre 1,5 à 2 points au-dessus de la moyenne nationale. Nous avons perdu peu d’emplois dans le secteur industriel parce que ce dernier, comme chacun le sait, ne représente qu’une part minoritaire du tissu économique insulaire, nous avons bénéficié d’une excellente saison touristique, et enfin le BTP a tenu. Dans le domaine de la construction, nous atteignons un chiffre de + 4,5 % d’emplois salariés privés sur un an contre moins 4,9 % au plan national.

Autour de Stéphane Bouillon : Thierry Rogelet, secrétaire général, Martin Jaeger, SGAC, Pierre Molager, directeur de cabinet, Dominique-Nicolas Jane, sous-préfet de Sartène, Jean-Louis Aribaud, directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations.