LFP 2017: L’Algérie souffre d’une crise de gouvernance et non d’une crise financière.

LFP 2017: L’Algérie souffre d’une crise de gouvernance et non d’une crise financière.

Une loi des finances n’est qu’un document comptable relevant de la finance publique, retraçant les dépenses et les recettes. D’où l’importance de définir les objectifs stratégiques, et comme instruit par le président de la république d’avoir un langage de la vérité face à une situation financière certes difficile, l’Algérie souffrant avant tout d’une crise de gouvernance.

Le projet de loi de finances fait une projection sur les trois prochaines années sur la base d’un prix de référence du baril à 50 dollars en 2017, 55 en 2018 et 60 dollars le baril en 2019 avec un cours de la devise nationale de 108 dinars le dollar et une inflation moyenne de 4%. Le taux de croissance serait de 3,9% en 2017, de 3,6% en 2018 et de 4,3% en 2019. Or, selon le rapport Perspectives de l’Économie mondiale présenté, le 4 octobre 2016, présenté par le Fonds monétaire international (FMI), le PIB algérien devrait passer de 3,6 en 2016 à 2,9 en 2017.

Mais le plus inquiétant le gaz traditionnel représentant un tiers des recettes de Sonatrach avec une révision de 50% en 2020, selon le FMI a atteint son cours le plus bas en douze ans en raison certes dû à la chute des cours du pétrole, mais également par la vigueur de l’offre russe en gaz naturel et par l’affaiblissement de la demande asiatique. La loi de finances est établie sur la base des prévisions du FMI qui le prévoit pour 2017 à 51 dollars à 50 dollars. Le projet de budget prévoit un montant de 5.635,5 milliards de dinars (mds DA) de recettes, soit une hausse de près de 13% par rapport celles de l’exercice 2016 avec pour la fiscalité ordinaire un montant de 2.845,4 mds et pour la fiscalité pétrolière prévue à 2.200 mds DA.

En dépenses, le projet de budget prévoit un montant de 6.883,2 mds DA réparti entre 4.591,8 mds DA pour le volet fonctionnement et 2.291,4 mds DA en crédits de paiements pour le volet équipement. Ainsi, le solde global du Trésor affiche un déficit de 8%, contre un déficit de 15% en 2016 du fait que le cours plancher n’est plus 37 dollars mais 50 dollars. Malgré les contraintes financières pour 2017, 1.630,8 mds DA seront alloués aux transferts sociaux (23,7% du budget de l’année 2017) répartis ainsi. 413,5 mds DA au soutien aux familles, essentiellement à travers la subvention des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huiles alimentaires), 330,2 mds DA au soutien à la santé et 305 mds DA aux programmes nationaux de logement.

Les différentes taxes contenus dans la loi de finance 2017

Le ministre des Finances a rappelé que le gouvernement compte sur une augmentation des recettes hors hydrocarbures de 11% suite à la hausse de la base fiscale et à l’amélioration du recouvrement, ajoutant que les dépenses publiques seront plafonnées autour de 6800 milliards durant les trois prochaines années. Par ailleurs, il est demandé au gouvernement de s’atteler à la réforme de la fiscalité et des finances locales, pour accompagner les missions nouvelles dévolues aux collectivités locales en matière de promotion de l’investissement et d’accompagnement de l’activité économique. Je recense huit formes de taxes.

Premièrement, le texte propose notamment une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) la portant de 17% à 19% pour le taux normal et de 7% à 9% pour le taux réduit. Une augmentation qui devrait permettre, selon le gouvernement, au Trésor public d’engranger une plus-value fiscale de 110 milliards de dinars.

Deuxièmement, le projet de loi propose par ailleurs, dans son article 28, d’augmenter les tarifs actuels de la taxe sur les produits pétroliers (TPP) de 1 à 3 DA/litre pour le gasoil et l’essence.

Troisièmement, le projet de loi institue une taxe d’efficacité énergétique (TEE) applicable aux produits importés ou fabriqués localement fonctionnant à l’électricité, au gaz et aux produits pétroliers avec l’instauration d’une taxe spécifique intitulée « taxe d’efficacité énergétique». Son taux variera entre 30% et 60% selon la classification. Elle sera applicable aux produits importés ou fabriqués localement, fonctionnant à l’électricité, au gaz et aux produits pétroliers. Cette taxe bénéficiera à hauteur de 90% au budget de l’État. Les 10% restants seront reversés au profit du fond national de maîtrise de l’énergie et pour les énergies renouvelables et de la cogénération, a-t-on appris.

Quatrièmement, il est prévu d’instituer une autre augmentation de la taxe sur les recharges téléphoniques pour la faire passer de 5 à 7%.

Cinquièmement, la taxe intérieure sur la consommation sera étendue et relevée pour certain produits, la TIC concernant notamment les véhicules de grosses cylindrées, les fruits exotiques, le saumon et le caviar. Dans le même ordre d’idée, la TIC sur les tabacs sera également rehaussée. Elle concernera la partie fixe de la taxe, de près de 100% pour les tabacs blancs et de 60% pour les tabacs bruns.

Sixièmement, le gouvernement envisage de mettre en place une taxation des marges sur les opérations de vente et livraison de biens meubles d’occasion. Cela concernera notamment le marché des véhicules d’occasion. Le but est d’organiser ce segment, en réduisant le marché particulier, tout en assurant de nouvelles recettes pour l’État.

Septièmement, la location des habitations individuelles sera soumise à un nouveau taux de 10% d’imposition sur le revenu global (IRG). Dans le même temps, les plus-values sur les cessions d’immeubles bâtis se verront imposées à hauteur de 5% (IRG) libératoire d’impôt. Ce prélèvement pourra néanmoins faire l’objet d’abattements (jusqu’à 100%) selon la durée de conservation du bien.

Huitièmement, il est prévu l’avantage fiscal accordé au profit des sociétés de production de véhicules industriels, à l’importation de parties, accessoires et composant qui font partie des collections destinées aux industries de montage ou celles dites CKD, avantage qui serait étendue à l’ensemble des sociétés de production activant dans le domaine de l’assemblage et du montage agréées par le ministère l’Industrie et des Mines. Dans le même ordre d’idée, l’avantage temporaire applicable actuellement depuis le 1er janvier 2015 pour une durée de trois ans, devrait être remplacé par un avantage permanent pour les acteurs du secteur.

Avoir une vision stratégique

L’Algérie étant une économie rentière où les recettes en devises avec les dérivées représentent 97%, les exportations hors hydrocarbures étant marginales. Mais n’oublions pas que le dérapage du dinar pour ne pas dire dévaluation tant par rapport au dollar gonfle la fiscalité pétrolière (vente en dollars) et par rapport à l’euro la fiscalité ordinaire, les taxes à la douane s’appliquant à un dinar dévalué. Avec un cours de 75 dinars un dollar, et 85 dinars un euro, le déficit du trésor dépasserait 20 milliards de dollars. Comme le fonds de régulation des recettes est épuisé en 2017, tout accroissement des dépenses par rapport aux recettes prévues accroîtra le déficit budgétaire avec un impact inflationniste.

A l’avenir si le cours se maintient entre 45/55 dollars, la généralisation des subventions, injuste par définition, sera intenable financièrement impliquant un ciblage pour les plus démunis et les secteurs que le gouvernement veut encourager transitoirement. Aussi faut-il interpréter cette loi des finances avec toutes les précautions pour éviter des surprises. Il ne faut plus se faire d’illusions, un cours de pétrole entre 80/100 dollars est improbable rendant urgent, pour l’Algérie, si elle veut éviter sa marginalisation, l’émergence d’une économe diversifiée dans le cadre de la mondialisation. Mais sans réformes structurelles profondes, supposant un minimum de consensus politique et social et une visibilité et cohérence dans la démarche des réformes, il ne faut pas s’attendre à des miracles. L’Algérie n’ pas d’autres choix possédant les potentialités. Faute de quoi, retarder les réformes conduira inéluctablement à la cessation de paiement horizon 2020 ce qu’aucun patriote algérien ne souhaite. Dans ce cadre je propose les dix actions stratégiques suivantes comme facteur de redressement national.

Premier objectif, une bonne gouvernance qui devra tenir compte de la réalité anthropologique et culturelle algérienne conciliant la modernité et la préservation de notre authenticité.

Le deuxième objectif est d’asseoir plus de moralité dans la gestion de la Cité passant par un Etat de droit et la sécurité afin de redonner confiance, sans car sans confiance pas de développement et sans sécurité pas e développement.

Le troisième objectif est une justice indépendante afin de lutter efficacement contre la corruption.

Le quatrième objectif stratégique, lié aux conditions précédentes, est de mettre fin à la bureaucratie paralysante. L’aspect sécuritaire s’étant amélioré, la faiblesse de l’investissement national et international, selon les observateurs, est due pour plus de 60% aux obstacles bureaucratiques.

Le cinquième objectif, est la refonte du système éducatif. C’est la priorité des priorités, du fait de la baisse du niveau, des déperditions scolaires, devant nous adapter à l’évolution du monde. L’expérience des pays qui ont réussi leur développement montre qu’avec la bonne gouvernance, la matière grise constitue la base de leur prospérité.

Le sixième objectif, est la refonte du système financier actuellement lieu de redistribution de la rente. Je préconise un endettement ciblé pour uniquement le secteur productif qui servira à dynamiser le tissu productif. Car les réserves de changes tiennent la valeur de la monnaie. S’ils seront de 10 milliards de dollars, la Banque d’Algérie sera obligé de dévaluer le dinar à 200 dinars un dollar.

Le septième objectif, est de concilier efficacité et justice sociale, en n’oubliant jamais qu’une Nation ne peut distribuer que ce qu’elle a préalablement produit si elle veut éviter une croissance négative, le chômage, l’inflation, nous renvoyant à l’urgence de réhabiliter la valeur du travail. Du fait des tensions budgétaires, comme suggéré depuis deux ans, je souhaite que les Ministres, députés/sénateurs, hauts cadres de l’Etat puissent accepter une diminution symbolique de leurs salaires comme acte de solidarité nationale.

Le huitième objectif est une société plus participative et citoyenne par l’implication des acteurs locaux. D’où l’urgence d’une vision stratégique posant le statut d’une nouvelle organisation de l’économie nationale conciliant une bonne gouvernance centrale et locale par une réelle décentralisation et non une déco.

Le neuvième objectif est de revoir la politique des subventions généralisées injustes et source d’inefficience économique devant être ciblées. Je préconise une chambre nationale de compensation sous l’égide du premier ministre chargé d’adopter un système de péréquation professionnelle et régionale passant par un d’un système d’information statistique rénové au temps réel mettant en relief la répartition du revenu national et le modèle de consommation par couches sociales.

Le dixième objectif, comme synthèse globale de toutes ces actions, avoir une vision stratégique notamment dans d’autres secteurs comme l’adaptation aux nouvelles technologies, la dynamisation de l’agriculture, du tourisme, entrevoir une nouvelle politique de l’eau, une nouvelle politique énergétique reposant sur l’efficacité énergétique et un Mix énergétique, certaines segments industriels, en étant réalistes, tenant compte de la quatrième révolution industrielle (2020/2030) évitant cette vision de l’ère mécanique du passé, la réduction des couts dont les surcouts prennent une dimension préoccupante, un ciblage de l’allocation sectorielle combinée avec plus de rigueur budgétaire.

En résumé

Comme je viens de le mettre en relief dans une interview en date du 16 novembre 2016 à la radio publique chaine 3, la situation économique actuelle que traverse le pays n’est pas semblable à celle vécue durant les années 80. Il y’a une différence notable entre la situation de 86 et celle d’aujourd’hui. En 86, l’endettement a commencé et on n’avait pas de réserves de changes.

L’Algérie à toutes les potentialités pour s’en sortir et c’est une question de sécurité nationale, certains ministres déconnectés des réalités ayant des discours euphoriques, à condition, d’adopter rapidement une stratégie de passage d’une économie de rente, passant par de profondes réformes structurelles, souffrant actuellement d’une crise de gouvernance et non d’une crise financière. Plus on diffère les réformes, plus on épuisera les réserves de changes et cette crise de gouvernance risque de se transformer en crise financière, économique et politique avec le risque d’une déstabilisation régionale avec le retour au FMI 2019/2020, ce qu’aucun patriote algérien ne souhaite.