Une remarquable cérémonie a été organisé avant hier, L’hommage d’Alger à Sid Ali Kouiret

Une remarquable cérémonie a été organisé avant hier, L’hommage d’Alger à Sid Ali Kouiret

P150705-20.jpgL’hommage d’Alger à Sid Ali KouiretLes présents ont vécu durant cette soirée des moments très forts

Emotion, retrouvailles, danses et chansons étaient de la partie à l’occasion de cette commémoration sublime.

Monstre sacré du cinéma algérien, Sid Ali Kouiret s’en est allé, dans le silence qui accompagne la mort, le 5 avril 2015 à l’âge de 82 ans. Né un certain 3 janvier 1933 à Bir Djebbah, (Puits de l’apiculteur), dans la haute Casbah d’Alger, Sid Ali a vécu à la rue de la Marine dans la basse Casbah.

Il vécut seul, loin de sa famille, tout en assurant sa subsistance quotidienne grâce à de petits «larcins» innocents ou en exerçant (c’est trop dire) diverses petites occupations comme celle de porter le couffin à ces «dames» pieds-noirs qui faisaient le marché, un «p’tit yaouled» qui faisait le portefaix quoi, comme d’autres jeunes compatriotes ciraient les bottes et chaussures de ces messieurs les colons… N’entendons-nous pas d’ailleurs résonner encore dans nos oreilles les appels de ces «p’tits yaouleds» miséreux crier «porter madame, porter madame, cirer m’sieur, cirer m’sieur».

Un acteur racé

Dès 1950, sa destinée allait changer. Il fut remarqué par le grand dramaturge Mustapha Kateb, son «père spirituel», qui l’accueille dans son giron. L’attendait alors une carrière fulgurante dans le théâtre et le cinéma algériens. Après avoir brillé dans le 4e art, il marque alors l’histoire du cinéma algérien dès l’indépendance en se produisant dans plusieurs grandes oeuvres dont L’opium et le bâton selon l’oeuvre de Mouloud Mammeri, où il campa le rôle magistral d’un moudjahid. C’est dans ce film mémorable qu’il prononça sa fameuse interjection «Ali, Mout Wakaf» qui restera collée à son personnage.

On citera Chronique des années de braise (Palme d’or au festival de Cannes en 1975) ou encore Décembre avec les acteurs français Michel Auclair et Geneviève Page. Sa première apparition à l’écran de télévision, remonte à 1963 pour jouer un rôle dans Les enfants de la Casbah. En 1992, un rôle dans le feuilleton La famille Ramdane lui est confié par la chaîne française de télévision M6.

Acteur racé, comme se plaisait à le décrire le grand acteur Sid Ahmed Agoumi, cet illustre disparu, était un fidèle sympathisant de l’Association des amis de la rampe Louni Arezki (ex- Rampe Valée) qui est une large avenue construite jadis par l’occupant le long du tracé du rempart ouest de la Casbah qui s’étirait du bord de mer aux remparts sud de la place forte de la Casbah, défenderesse de la Mahroussa, ou Alger l’imprenable, où se trouvait la Régence d’Alger à l’époque ottomane et où étaient rangés de nombreux canons pouvant atteindre les abords immédiats de la baie d’Alger.

Que dire de cet instant cérémonial qui avait réuni vendredi soir le tout Alger des arts et spectacles, à la salle «Algeria» qui trône sur la rue Didouche Mourad. L’accès y était admis gracieusement aux passants surpris venus se délecter de cette soirée algéroise typée. En effet, une décoration particulière agrémentait le seuil de la porte qui menait de plain-pied à la salle. Y étaient exposés divers meubles anciens, notamment en cuivre comme un «Sni» (grande table en cuivre) entouré de sièges de l’époque et orné de deux aiguières (vases à pied muni d’un long bec) qui servaient au rinçage des mains. Nous n’omettrons pas de citer un mannequin d’une femme enrobée majestueusement d’un «haik» d’un blanc immaculé qui ne laissait entrevoir que de grands yeux noirs d’ébène et une mèche désinvolte qui laissait malicieusement deviner la splendeur de ses cheveux.

En face, était exposé un burnous cristallin que portait le nouveau marié en sa nuit de noces et les «B’tchiqma» (babouches) qu’il devait également enfiler ce soir-là. Dans le hall du cinéma, étaient également exposées au public des photos représentant des scènes de quelques-uns de ses films et pièces jouées.

Cette «jolie» exposition était agrémentée par la présence d’une troupe de «zorna» composée de vieux artistes et de jeunes (relève assurée donc) qui exécutaient des morceaux chers aux Algérois. Leur accoutrement était tout simplement superbe. Des «Bdihyate» brodées aux boutons soigneusement alignés jusqu’au cou, des chéchias «stamboul», des pantalons amples et richement brodés, des mules blanches et affublées d’un air joyeux pour la circonstance.

Cette troupe s’est ensuite produite sur le parterre (espace séparant la scène de la première rangée) au grand bonheur des présents, femmes et hommes, jeunes et plus âgés, qui s’adonnèrent naturellement à l’exécution de pas de danses élégants et suggestifs. Suivirent alors des chants «châabi» par la bouche du bien connu Mehdi Tamache qui fit la joie de la salle archicomble en cette douce soirée de Ramadhan 1436 correspondant à l’an 2015 de l’ère grégorienne.

Il nous a été possible de demander à certaines figures du spectacle présents dans la salle de recueillir auprès d’elles quelques impressions. Ainsi, le comédien Djamel Bounab, portrait artistique bien connu des Algériens, s’exclame: «Qui donc ne connaît pas Sid Ali Kouiret? C’est un nom historique qui apparaît dans les films cultes comme L’opium et le bâton, Chronique des années de braise.

Théatre et cinéma

Cet autodidacte, précise Bounab, avait d’abord conquis les planches avant de se lancer dans le cinéma sous la houlette bienveillante de Mustapha Kateb qui l’avait confirmé dans ses aptitudes cinématographiques. Jeune, il n’aimait pas, je me souviens, ces acteurs «tirés à quatre épingles et portant des tenues provocantes, voire excentriques». En sautant le pas vers le cinéma, il découvrit alors un nouveau monde plein d’amitié et de respect mutuel qui l’envoûte et le retient.»

Saïd Hilmi, qui l’a, dit-il les yeux larmoyants et la gorge serrée, accompagné tout le long de sa maladie jusqu’à la dernière minute de sa vie», c’est-à-dire au cimetière, n’a pu retenir sa grande émotion muette et profonde. Il dira, dans un soupir contagieux: «Nous avons fait ensemble beaucoup de pas et de faux pas.»

Approché par L’Expression Ayad Mustapha, qui n’est autre que le fils de «l’immortel» acteur Rouiched, loue en lui sa grande popularité (châabi) avant de préciser qu’il a joué avec lui deux pièces de Alloula. Il dira qu’il avait beaucoup travaillé avec Rouiched, son père, dans des productions télévisées. A eux deux, dit-il, ils aimaient travailler pour la télévision et formaient un ensemble de «phénomènes de nature». Dans cet art Ayad a déploré que les acteurs de nos jours, soient «sans âme» alors qu’auparavant ils étaient de véritables «moudjahidine de l’art».

De son côté, Lounis Aït Aoudia, président de l’Association des amis de la rampe Louni-Arezki (Casbah – Alger) nous a déclaré: «Aujourd’hui, l’association a saisi l’opportunité de l’anniversaire de l’indépendance pour rendre hommage, en collaboration avec l’APC d’Alger-Centre, dont le président Hakim Bettache s’était excusé de n’avoir pu assister à cet événement.»

Pour nous, a indiqué Aït Aoudia, le regretté Sid Ali Kouiret était «l’ami fidèle et constant des efforts de l’Association des amis de la rampe Louni Arezki dans ses initiatives majeures en entretenant un lien permanent avec l’Association qui, à son tour, l’encourageait dans les actions qu’il menait inlassablement pour la promotion de la culture algérienne».