Trésors de l’Islam en Afrique : Une exposition-découverte

Trésors de l’Islam en Afrique : Une exposition-découverte

C’est à la découverte d’une histoire méconnue que nous convie l’exposition Trésors de l’Islam en Afrique présentée à l’Institut du monde

arabe à Paris.

Loin d’être une simple monstration de chefs- d’œuvre du Bilâdal-Sûdan, de cette région immense, qui s’étend du sud du Sahara et la forêt tropicale, de la Corne de l’Afrique à l’Afrique de l’Ouest, l’exposition a un double objectif : montrer les voies par lesquelles l’Islam s’est diffusé à partir du VIIIe siècle, les créations originales que cette diffusion a entraînées, et du même coup combattre le préjugé tenace que ce serait une terre sans histoire. Elle met ainsi en relation le Moyen-Orient, le Maghreb et l’Afrique subsaharienne.

Une découverte didactique

Le souci de l’histoire est affirmé dès le début de l’exposition par la production des sources qui ont forgé notre regard sur cette région : ces sources sont les ouvrages des voyageurs et géographes arabes relayés au XIXe par la littérature coloniale. Le parcours comporte trois grandes séquences : la première est consacrée à trois aires géographiques (la Corne de l’Afrique et la haute Vallée du Nil, l’aire swahilie, l’Afrique de l’Ouest), la deuxième traite des pratiques religieuses, la troisième, des appropriations de la culture musulmane et de ses effets sur l’art et l’artisanat. C’est la première partie qui, par les éléments de connaissance qu’elle apporte et par le choix des objets, est la plus marquante.

Donnant de grands repères historiques pour chacune des trois régions, elle met l’accent sur le rôle du commerce dans les échanges au sein de chacune d’elles. Dans cette perspective, l’exposition montre les routes terrestres et maritimes empruntées par les commerçants musulmans.

D’abord de la haute Vallée du Nil jusqu’à la Somalie: si des stèles épigraphiques révèlent la présence de familles musulmanes dès les années 1000, la progression de l’Islam est freinée dans cette région par les rois chrétiens déjà établis. La Nubie ne s’islamise que progressivement, après une période (1250-1517), où rois chrétiens et rois musulmans alternent, mais l’Ethiopie demeure chrétienne.

L’exposition se focalise ensuite sur la formation dans l’aire swahilie des cités-Etats, comme Magadiscio,Membazapuis Kilwa : points de contact entre le continent et l’océan Indien, ils donnent lieu à une culture originale à la fois africaine et musulmane, culture qui gagnera Madagascar. Un recueil médico-magique du XVIIe témoigne de l’utilisation de l’écriture malgache adaptée à la langue arabe.

Les maquettes de bateaux swahilis rappellent le rôle des échanges maritimes, tandis que l’œuvre contemporaine de Mohamed Wasla Charinda fait surgir la mémoire de l’esclavage. Enfin, ce sont les routes du commerce transsaharien partant de Fès, Tlemcen, Tunis jusqu’aux royaumes du Ghana et du Mali qui sont matérialisées par des vitrines soulignant le rôle des Touareg dans ces échanges qui ont connu leur apogée aux XI-XIIes siècles.

L’exposition repose aussi sur le parti pris de privilégier l’écriture pour symboliser cette diffusion de l’Islam : au centre une salle donne à voir les magnifiques manuscrits de Tombouctou aux supports et aux calligraphies divers. La deuxième séquence fait la part belle au soufisme et à ses confréries, notamment à la Tijâniyya et à la Mourridiyya, ainsi qu’aux Gnaoua.

Elle est illustrée par des photographies de superbes mosquées à la silhouette minimale ou aux ornements étonnants photographiés par SebastianSchutyser ou, dans un style plus imposant, la mosquée du vendredi de Djenné. La dernière séquence entraîne le visiteur devant des pièces d’artisanat, certes très belles, mais davantage connues, qui montrent à la fois la pénétration des motifs et des savoir-faire des artisans musulmans et des spécificités locales.

La présence de l’art contemporain

Des œuvres d’art contemporain sont disséminées dans le parcours. Leur rôle est parfois d’illustrer le propos de l’exposition, la transmission pendant des siècles d’un islam tolérant: l’œuvre d’Husan Musa «confronte cette histoire à la situation contemporaine de certaines régions d’Afrique», dit une notice, le titre du montage photographique d’Abdoulaye Konate Non à la charia à Tombouctou montre son engagement.

D’autres œuvres sont en résonance avec la séquence à laquelle elles appartiennent par leur qualité esthétique : c’est le cas de celles de l’Algérien Koraichi, ou de Mbaye Babacar Diouf, qui s’inscrivent dans le droit fil du propos de l’exposition sur le rôle de l’écriture tout en annonçant et en réactualisant les savoir-faire. Elles peuvent participer d’une mémoire de l’Afrique : ainsi les peintures de Mohamed Wasla Charinda dans le style d’Eduardo Saidialias Tingatina, d’un réalisme apparemment naïf rendentsaisissante la dénonciation de l’esclavage qui a duré jusqu’en 1880 à Zanzibar.

Particulièrement remarquables: les dessins de Frédéric BrulyBouabré (série signes relevés sur des oranges)et l’œuvre textile de Mohamed el Baz au titre paradoxal, «Les fleuves brûlent». S’inspirant des plus délicates traditions de la broderie, rendant présent et sensible le raffinement des civilisations en Afrique par le choix d’un fil d’or sur étoffe blanche, cette dernière suggère une cartographie des cours d’eau comme autant de réseaux qui innervent et nourrissent l’Afrique : le dessin de la broderie -sorte de calligraphie moderne- suggère une nouvelle forme d’inscription de la spiritualité. Le parcours art contemporain au sein de cette exposition se termine par les photographies du jeune Algérien, Fethi Sahraoui, lauréat du Prix pour la création contemporaine arabe 2017.

Déjà exposé dans le cadre de Chawari 3 (2013) à La Baignoire, il voit son travail récompensé à l’IMA : les photographies présentées témoignent d’un œil sûr et rapide dans la manière de capter des scènes de la vie quotidienne dans des camps de réfugiés près de Tindouf, le cadrage suggère aussi l’importance de l’arrière-plan, l’espace saharien. Ainsi, faisant dialoguer présent et passé, l’exposition tient-elle son ambitieuse promesse : contribuer à l’écriture d’une histoire culturelle de l’Afrique.