Projection presse de le puits de lotfi bouchouchi : Récit d’un drame annoncé

Projection presse de le puits de lotfi bouchouchi : Récit d’un drame annoncé

P141021-07.jpgPremier long métrage fiction de notre producteur invétéré, ce film a été réalisé dans le cadre de la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie…

«Une tragédie grecque», de l’aveu du réalisateur Lotfi Bouchoucha, c’est ce qu’il voulait faire. Et l’histoire qui s’y rapproche quelque peu dans le déroulement de sa trame narrative et son dénuement s’en inspire fortement. L’unité spatiale relève du huis clos. Cela se passe souvent à l’intérieur d’une maison, dans un village encerclé, sinon dehors, espace contrôlé et surveillé par l’ennemi, à savoir l’armée française. Nous sommes en Algérie.

les paroles de ce jeune déguisé en femme et parachuté au milieu de nulle part Tewfik, suggère la fin de la guerre d’Algérie et l’imminence de la délivrance. L’histoire est celle d’un malentendu provoqué par un enfant. Et en temps de guerre, une simple petite faute peut entraîner de bouleversantes conséquences. D’après une nouvelle de l’oncle du réalisateur, Mourad Bouchouchi, ancien lieutenant de l’ALN et une adaptation cinématographique signée Yacine Mohamed Benelhadj, Le puits, premier long métrage fiction de Bouchouchi, après avoir à maintes fois porté casque du producteur, a pour cadre une sombre bourgade en plein milieu de nulle part, un endroit désert et rocheux.

Dans le générique nous lisons «Laghouat et Biskra». mais peu importe car là n’est pas le propos. Le synopsis toutefois indique l’année où a eu lieu ce drame. 1960. Des soldats de l’armée française suspectent un village du Sud algérien d’abriter des fellagas supposés avoir décimé un commando français. Ces derniers sont morts effectivement et jetés dans un puits. Or, il n’y a point de moujahidine cachés dans ce village. Comment ces soldats français ont-ils pu arriver jusque-là, dans le puits? Aucune réponse.

Le réalisateur assume ce flou et avoue que ce qui compte ne se situe pas là mais dans le face-à face entre ces villageois et l’armée française. Victime de quiproquo, les habitants du village sont confrontés à la soif. En effet, s’ils s’évadent on leur tire dessus. Pas moyen de sortir ramener de l’eau, ni s’enfuir.. lémissaire envoyé, un jeune garçon accusé de traîtrise, échoue à rétablir la vérité et voilà comment se tisse cette tragédie née d’un rapport de forces faussé dès le départ.

Bientôt des voix féminines se feront entendre. On notera celle de la comédienne Nadia Kaci qui interprète le rôle d’une femme têtue et téméraire, effrontée même et dont la force de caractère et les airs de jeu rappellent étrangement des réflexes d’interprétation tout droit sortis du film Viva l’algérie de Nadir Moknache. Une voix haut perchée, une tête brûlée qui lui colle décidément à la peau, même si cachée sous des oripeaux ou autres fringues.

Ceci est un risque qui peut desservir en effet l’acteur mais disons que Nadia Kaci arrive à s’en sortir à bon compte dans ce film où son jeu, bien qu’il y trouve comme du déjà-vu, arrive toujours à nous émouvoir et nous attendrir. Mère courage, cette femme déterminée espère tant sauver son fils en croyant en l’humanisme de l’Autre qu’elle l’envoie carrément au-devant de la mort mais se ressaisit à temps quand elle constate que cet ennemi continue à tirer… Il y a aussi Leila Metssitane, une autre comédienne campant le rôle d’une mère qui devient folle en perdant son enfant et finit par mourir et enfin une troisième qui décide de suivre la première dans sa rage de sauver les enfants et ce, après qu’elle ait vu sa fille décéder devant elle.

La raison de tout cela? le manque d’eau qui asséchera les âmes et les lèvres des personnages. (un trait un peu surexposé dans le film par le maquillage). Tournant en rond malgré un scénario assez fluide, le film pèse à des instants par ses moments de longueur et ses fragments d’incohérence surtout au niveau de la langue. Réalisé dans le cadre du cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, Le puits de Lotif Bouchouchi brosse le portait héroïque des femmes durant la guerre d’indépendance en les montrant au coeur du sacrifice et les prises de décision.

Le puits est la métaphore du guêpier dans lequel le pays aurait pu s’enfoncer si ce n’est l’envie de vivre et de résister malgré tout, quitte à se faire massacrer mais toujours se relever comme dirait un adage japonais. Pour Nadia Kaci la dureté de son personnage est dû au trait psychologique de son personnage qui pense à la chair de sa chair, c’est-à-dire ses enfants. «Elle n’est plus dans la sensiblerie mais dans l’instinct de survie. Il y a des personnages qui deviennent très durs comme ça par la force des choses. Le plus important était que chacun puisse sauver sa peau et survivre à la situation.

C’était la première fois qu’on me propose un rôle comme ça, d’une part et d’autre part, on retrouve souvent quelque chose comme ça chez nos mères, la mienne en tout cas et chez nos grands-mères qui ont vécu des situations difficiles où à des moments, elles oublient d’être tendres parce que cela passe au second degré et il y a des choses plus importantes qui doivent passer avant. C’est pourquoi effectivement, elle va très loin dans la rudesse de son rapport avec son enfant en le traitant de traître…» a-t-elle confié, hier matin, lors du débat qui a suivi la projection presse, à la salle Ibn Zeydoun de Riad El Feth.