Poésie : «Les persévérants», dernier recueil signé de Brahim Hadj Slimane

Poésie : «Les persévérants», dernier recueil signé de Brahim Hadj Slimane

La poésie n’est pas morte. Elle vit de ceux qui la créent, la nourrissent et la (pro) jettent aux mains et aux yeux du public au-delà du temps qui passe, des générations qui vieillissent, de la lecture qu’on dit mourante, mais cela est faux, bien sûr, et contre les idées reçues… Tout cela nous est donné à voir et à lire par le dernier recueil de Brahim Hadj Slimane, «Les persévérants».

Les perserverantsL’auteur prouve cette fois encore qu’être journaliste, c’est d’avoir des fenêtres sur la création littéraire, la poésie en particulier qu’il défend becs et ongles en maîtrisant l’art de la strophe et de la rime qu’il taquine dans les moments de colère et de messages à passer, sur le cinéma dont il a touché par le documentaire, genre qu’il a emprunté pour visiter le parcours et l’œuvre de Kateb Yacine notamment.

Avec Brahim Hadj Slimane, le métier du journaliste, aux antipodes des pratiques dans lesquels on cherche résolument à l’emprisonner aujourd’hui, est une profession de curiosité, d’intelligence, d’esthétique et de poétique : des genres qu’il évite surtout d’amalgamer ou de fondre dans des mélanges que la nature de chacun d’entre eux n’autorise pas. Forcément. C’est aussi une leçon d’optimisme. Sinon comment comprendre «Les persévérants», ceux qui avancent ? Le recueil paru en début d’année grâce à la contribution de l’association culturelle «Éclosion tlemcenienne» est composé de vingt textes et poèmes auxquels s’ajoutent cinq autres dont deux se présentent comme un hommage à Tahar Djaout et Abdelkader Alloula, alors qu’un troisième est dédié à Gaza. Le tout est accompagné d’illustrations signées des peintres Denis Martinez et Abdelaziz Zodmi pour nous livrer une poésie écrite sur le vif versifiée entre le souci de respecter l’art de la rime et du genre et dire (crier parfois) le réel, ses blessures, ses souffrances et l’optimisme qu’il nous conjure d’avoir pour survivre et renaître à la vie.Le livre, en effet, est avant tout un regard sur la vie et le vécu de nos sociétés et de leurs tragédies comme on peut le lire dans le beau poème «Baghdâd à Boumerdès». Le fil d’Ariane d’un poème et d’un sujet à l’autre est «Bekhta», personnage féminin qui apparaît aux détours de plusieurs poèmes, presque tous d’ailleurs, pour signaler le projet esthétique du poète Brahim Hajdj Slimane : le désir d’ancrage dans le Melhoun – Bektha étant la femme immortalisée par Cheikh El Khaldi – et dans une territorialité oranaise, pourrait-on dire, mais tournée vers le national et l’universel. Les préoccupations criées, écrites ou chuchotées par l’auteur des «Persévérants» sont à hauteur d’homme et d’humanité. Le recueil a été réalisé en dehors du circuit classique, «au départ, il devait être publié et financé par la direction de la culture de Tlemcen, qui était dirigé à l’époque par le poète Hakim Miloud. Cela ne s’est malheureusement pas fait. Ce fut donc grâce à l’association culturelle ‘’Éclosions tlemcéniennes’’», explique Brahim Hadj Slimane. «Les recettes des ventes sont d’ailleurs au bénéfice de l’association» qui milite pour la mise à jour des jeunes talents à Tlemcen. Le livre n’est pas le résultat d’un seul jet : «Il a nécessité plusieurs années de travail.

Il est en fait composé de plusieurs parties écrites à différentes époques (…)», ajoute l’auteur.

«Baghdâd à Boumerdès, je l’ai écrit dans les années 2000, c’était une partie qui dans mon esprit devait donner lieu à un ouvrage plus complet et intégré sur la question irakienne à l’époque de l’invasion américaine, cela ne s’est pas fait». A la lecture du poème, Denis Marinez m’a proposé de collaborer avec des dessins, ce sont eux que l’on retrouve aujourd’hui dans le recueil».

«Les derniers textes, notamment ceux en hommage à Tahar Djaout, à Abdelkader Alloula, ou encore sur l’attaque contre la bande de Gaza, sont les plus récents du recueil (…) je les ai écrits il y a moins d’un an», ajoutera par ailleurs Brahim Hadj Slimane qui nous indiquera a qu’il travaille actuellement sur plusieurs projets dans le domaine littéraire. L’ensemble du travail donne à penser qu’il se présente comme un développement des pensées que l’auteur avait déjà partagées avec le public dans son précédent recueil «29 visions dans l’exil», sorti en 2009 aux éditions Tira, mais aussi – dans un mode d’expressions totalement différent – dans son documentaire «Exils intérieurs, exils extérieurs» réalisé entre 2013 et 2014 sur les intellectuels et les artistes qui ont dû quitter l’Algérie sous le feu du terrorisme islamiste de masse.