Note de lecture du livre « Krim Belkacem » de Khalfa Mameri: “Un géant de l’histoire de la Révolution”

Note de lecture du livre « Krim Belkacem »  de Khalfa Mameri: “Un géant de l’histoire de la Révolution”

Selon l’auteur, ce sont les trahisons de ses anciens compagnons qui l’empêcheront de devenir le premier président de l’Algérie indépendante.

Krim Belkacem, de Khalfa Mameri, est un livre qu’on peut classer dans la catégorie Histoire. Même si l’auteur n’est pas un historien, il s’intéresse à des faits majeurs de la guerre de Libération nationale, et ce à travers une série d’ouvrages consacrés à des acteurs importants de la libération du pays. Concernant Krim Belkacem, le lecteur -s’il ne le sait déjà- apprendra qu’il a pris le maquis contre la France dès 1947. C’est donc tout naturellement qu’il se retrouvera chef incontesté de la Kabylie à la veille du Premier Novembre 1954 et qu’il figurera parmi les “Six” qui ont déclenché la lutte armée. Dans ce livre, l’auteur tente de retracer l’itinéraire de Krim Belkacem qui est, souligne-t-il, “le seul dirigeant algérien à avoir joué un rôle important et permanent dans tous les grands épisodes de la guerre de Libération nationale”.

Chef historique, colonel de la Wilaya III historique au moment du Congrès de la Soummam, membre de tous les organes de la révolution (dont le fameux CCE), vice-président des différents GPRA et plusieurs fois ministre (Forces armées, Affaires étrangères, Intérieur), Krim Belkacem conduira la délégation algérienne aux négociations d’Évian. Selon Khalfa Mameri, ce sont les trahisons de ses anciens compagnons qui l’empêcheront de devenir le premier président de l’Algérie indépendante. L’auteur se livre à un véritable plaidoyer pour faire passer son personnage comme un héro parfait, à l’image immaculée, qui a été victime de l’acharnement de certains dirigeants de la révolution. Ceux-là même -comprend-on- qui s’associeront à lui, physiquement ou moralement, dans l’assassinat d’Abbane Ramdane et qui feront tout, ensuite, pour lui barrer la route du pouvoir, d’abord en l’empêchant de devenir président du GPRA, puis en l’écartant de toutes les responsabilités importantes en 1962.

Cependant, le livre de Khalfa Mameri met en évidence, à juste titre, le grand courage de Krim, son immense patriotisme, son intelligence et son efficacité prouvée dans la guerre comme dans la politique et la diplomatie. L’auteur s’attaque également à des tabous comme le régionalisme qui aurait failli mettre en péril la marche de la Révolution.

L’ouvrage s’appesantit sur les luttes de clans, les ambitions des uns et les manœuvres des autres pour prendre le pouvoir durant la lutte armée et après l’indépendance. Si l’on n’avait pas à l’esprit que ce phénomène est propre à toutes les révolutions, on se surprendrait, à la lecture de ce livre, à se demander si l’aboutissement de la révolution algérienne n’était pas un miracle. Désigné chef de la délégation algérienne aux négociations avec la France, Krim Belkacem se montrera brillant pour un “guerrier montagnard” qui a fait suer les membres de la délégation française.

Il se révèlera tout aussi intransigeant pour imposer le principe de l’intégrité territoriale de l’Algérie, avec évidement son Sahara que les Français voulaient garder. “Ce n’est pas rien qu’aux yeux de l’histoire, Krim Belkacem ait été l’Algérien qui a conduit et conclu triomphalement les négociations de paix avec la France après cent trente-deux années de colonisation”, écrit l’auteur qui transporte ensuite le lecteur vers le destin tragique de l’un des plus valeureux chefs de la révolution algérienne.

Condamné à mort par ses anciens compagnons de lutte pour son implication supposée dans un complot contre le régime, il vivra en exil, opposant impuissant, isolé, jusqu’à son assassinat dans une chambre d’hôtel de Frankfurt le 18 octobre 1970, là aussi victime d’une trahison, suggère l’auteur. L’ouverture des archives allemandes aux historiens pourrait un jour apporter la lumière sur ce dernier épisode de la vie du héros authentique que fut Krim Belkacem. Un livre à lire pour redécouvrir le parcours de Krim et apprendre beaucoup de choses sur les mœurs d’une révolution qui n’en finit pas de livrer ses secrets. Grandeur oblige !