Michèle Ray Gavras, directrice de production : «Avec Costa, nous avons l’Algérie dans le cœur»

Michèle Ray Gavras, directrice de production : «Avec Costa, nous avons l’Algérie dans le cœur»

michel.jpgMichèle Gavras, la femme de Costa, celui dont le film «Z» tourné en Algérie en 1970 a remporté l’Oscar du meilleur film étranger, a été invitée par Baya Hachemi à la première édition des Journées du film féminin à Alger. Michèle a été ravie de cette invitation qui lui a permis une fois de plus de séjourner dans le pays où elle s’était mariée. Ravie aussi de pouvoir entretenir des contacts et les renouveler pour ses futurs projets en coproduction en Algérie. Elle en parle.

Le Temps d’Algérie : Vous connaissez bien maintenant l’Algérie. Vous y venez très  souvent ? Un projet de co-production ?Michèle Gavras : «Oui ! Depuis quarante-cinq ans ! Avec Costa, on a tourné « Z », on s’est même mariés ici, au consulat de France à Alger. L’Algérie est vraiment dans notre cœur.  Et depuis 2003, j’ai fait quand même quatre coproductions avec les Algériens. Je connais bien les avantages et les côtés un peu kafkaïens de la bureaucratie algérienne. Mais c’est très important de continuer à le faire,  que ce soit avec la France, le Canada… Là par exemple, j’ai une dernière co-production  avec l’Algérie et qui est aussi une coproduction avec la Grèce, c’est-à-dire une tripartite des pays méditerranéens.

C’est un film adapté d’après la pièce de théâtre de Ryayana qui s’appelle «A mon âge, je me cache encore pour fumer». C’est trop tôt encore pour en parler ! Mais globalement, le pitch se déroule dans un hammam. C’est vraiment le seul endroit où les femmes peuvent se parler ouvertement. Nous avons tourné dans un hammam exceptionnel à Salonique, en Grèce. C’est-à-dire que nous avions vu les hammams ici, ils étaient un peu trop petits. Au cinéma, il faut quand même avoir des espaces pour tourner.

Comme tous les hammams en Algérie étaient petits, j’ai cherché sur internet. Et je m’étais dis que les hammams ottomans étaient les plus beaux. Evidemment, je ne voulais tourner ni en Syrie, ni en Turquie, vous pensez bien. Et tout compte fait, je me suis dis : les Ottomans ont occupé la Grèce pendant quatre cents ans, il y a peut-être des hammams. Et c’est comme ça  que je suis tombée sur un extraordinaire hammam à Salonique. Le début et la fin du film par contre vont se passer à Alger.

Vous avez été exposée à des problèmes kafkaïens pour votre coproduction à Alger. Peut-on en savoir plus ?

Il faut dire que l’administration algérienne a comme modèle l’administration française qui est tout aussi kafkaïenne. Des fois, c’est assez compliqué d’avoir des autorisations de tournage. Mais je vous l’ai dit, je reviens quand même à chaque fois. J’ai fait quatre productions ici. Je suis très heureuse d’y revenir à chaque fois. Ce qu’a organisé Baya Hachemi est extraordinaire

Justement, vous êtes à Alger en ce moment, invitée à l’occasion des Journées du film féminin…

C’est très important ! Là, je viens de faire connaissance avec une jeune productrice algérienne qui vit au Canada. Elle est très moderne et elle a plein de projets formidables. Et ce qui est très important aussi, c’est que ces journées vont déboucher l’année prochaine sur un festival de films de femmes comme il en existe à Créteil, en France. Il faut avoir de l’ambition ! Vous savez, nous, producteurs, on se dit toujours quand on démarre un film, pour essayer justement d’aller plus loin, selon la date de finition, on sera prêt pour Cannes, ensuite pour Berlin, … on sera prêt pour Toronto. Une fois sur deux,  on n’y va pas. Mais il faut quand même avoir un but, un espoir.

Quel regard portez-vous sur le cinéma fait par les femmes en général et en Algérie en particulier ?

Pour moi, il n’y a pas un regard spécial. Quand on est chef d’entreprise, on ne se dit pas ‘’elle a une vision différente parce que c’est une femme ou parce que c’est un homme’’. Il faut laisser les femmes accéder à ce métier qui était jusqu’à présent un métier d’homme. C’est vrai que nous avons fait un pas en avant et nous avons des femmes qui sont allées à Cannes  et qui ont eu des prix. Mais on regarde toujours comme une exception alors que l’on ne devrait même pas dire si c’est un film de femme ou d’homme.

Les contraintes bloquant l’évolution des femmes dans les métiers du cinéma sont connues, mais qui sont-elles en France où  l’on compte juste 60 réalisatrices ?

D’abord, c’est un désir de femme que d’être réalisatrice.  Peut-être que les femmes ne sont pas nombreuses à l’avoir. Je pense aussi qu’on avait l’impression, peut-être, que c’était bouché parce que regardez, il y en a quand même de plus en plus. Regardez la jeune turque dont le film représente la France aux oscars, c’est un film fait par une femme, en langue turque. Je veux dire que petit à petit, on arrive à pousser les portes. C’est vrai aussi que la France est un pays en partie méditerranéen et macho. Je pense que les réalisatrices en France mènent un combat qui est sûrement plus ouvert qu’ici.

Et par rapport à ces Journées du film féminin ?

Je pense que c’est très intéressant, bien sûr. Baya a réuni un panorama représentatif de femmes qui sont actives, aussi bien dans la production que dans la réalisation. Parce que de toute façon, pour être réalisateur, il faut un producteur.