Mausolée royal de maurétanie : Cléopâtre Séléné, la reine mythique de Césarée

Mausolée royal de maurétanie : Cléopâtre Séléné, la reine mythique de Césarée

0972696001232037314-300x232.jpgJuba II est le fils de Juba Ier roi de Numidie vaincu par Rome à Thapsus en 46 avant Jésus-Christ. Lui et Cléopâtre Séléné, fille de Cléopâtre VII et de Marc Antoine, se connaissent en fait depuis leur plus tendre enfance, lorsqu’ils sont adoptés par Octavie, sœur du futur empereur romain Auguste. Leur destinée les rassemble sur tant de choses que leur union, téléguidée pourtant par Rome, semble inévitable mais néanmoins harmonieuse.

Ce sont deux princes déchus et orphelins de parents combattus et vaincus par Rome à une époque charnière, quand son pouvoir est contesté, et pourquoi pas disputé par des royaumes naissants ou renaissants sur d’autres rivages de la mer Blanche. Juba I combat César en prenant partie pour les Pompéiens. Vaincu avec eux, il se tue après sa défaite. Cléopâtre et Marc-Antoine, parents de Cléopâtre Séléné, se sont également donné la mort lorsque leur tentative de régner sur l’Egypte en se désolidarisant de Rome fut vouée à l’échec. L’empire, pas rancunier, épargne leurs descendants et prend même en charge leur éducation. Pour assurer sa pérennité, il comprend qu’il est nécessaire de préparer des rois vassaux. Leur mariage, en l’an 19 avant J-C, les rapproche davantage du fait qu’ils partagent en commun l’attrait pour les arts et les lettres, de même qu’ils sont sensibles bien plus à l’héritage hellénique que latin. La culture grecque est très suivie dans l’empire romain, elle est synonyme de raffinement et d’élégance.

Pour Cléopâtre Séléné, il signifie sans doute plus que cela, c’est le patrimoine familial, puisque descendante d’un général d’Alexandre le Grand, elle fait partie de la dynastie lagide qui donne à l’Egypte les derniers pharaons d’origine gréco-égyptienne, les Ptolémée. Sa célèbre Cléopâtre de mère, installée à Rome avant sa prise de pouvoir sur le pays des pharaons, était déjà réputée pour savoir s’entourer d’une cour brillante, où philosophes, poètes et artistes participent de ce rayonnement hellénique. La future reine d’Egypte caressait alors un rêve, celui de créer un empire réunissant les meilleures traditions du bassin méditerranéen, la philosophie grecque, la tradition du commerce des Phéniciens et la riche culture égypto-africaine.

Ce rêve, sa fille Cléopâtre Séléné en devient en quelque sorte l’exécuteur testamentaire, lorsque, aux côtés de son mari, elle règne dès l’âge de 20 ans sur la province de Maurétanie qui fut remise par Auguste à Juba II en l’an 25 avant J-C en lui donnant pour mission «d’assouplir» ses sujets réputés turbulents, pour répandre les mœurs latines. Cléôpatre Séléné fit frapper sur les monnaies des symboles religieux égyptiens et des animaux que vénéraient les sujets de Pharaon. La capitale de la province est établie à Iol, actuelle Cherchell, que son époux baptise Césarée en l’honneur de son bienfaiteur, Jules César. Il a appelé auprès de lui des savants, des artistes, des acteurs renommés et a pour médecin le grec Euphorbe. La cité est peuplée de statues (une des plus belles collections qu’abrite aujourd’hui le musée de Cherchell), et y construit de beaux édifices d’architecture classique, certains sont même représentés sur ses monnaies.

Juba II taquine lui-même la plume et devient l’auteur d’un ensemble d’écrits les uns encyclopédiques, les autres anecdotiques. Il est abondamment cité par certains auteurs grecs ou latins, mais aucun de ses ouvrages n’a été retrouvé. Pline l’Ancien y a puisé une large part de ses connaissances en botanique, zoologie et géographie, de même que Plutarque y a prélevé une somme d’informations sur les antiquités romaines. Ecrivant en grec et montrant un attachement sans limite à la culture de ce pays, les Athéniens le récompensent en lui élevant une statue auprès d’une bibliothèque de leur ville. Le règne de Juba dure presque un demi-siècle. Le couple engendre un fils, Ptolémée, qui n’a nullement retenu l’attention des historiens. Si ce n’est qu’il a été mis à mort par son neveu Caligula à Rome en l’an 40 suscitant sa jalousie par son sens de l’apparat et sa vanité. La Maurétanie est alors franchement annexée par Rome.

Cléopâtre Séléné meurt vers l’An 5 ou 6 de notre ère. Juba II lui survit pendant dix-huit longues années. Et même si en accompagnant César le petit-fils d’Auguste en Orient, il se remarie avec Glaphyra, fille d’un roi de Cappadoce et veuve d’un fils d’Hérode, roi de Judée, il ne juge pas à propos de la ramener avec lui à Iol-Césarée, actuelle Cherchell. Sans doute que son amour pour Cléopâtre Séléné ne supportait pas la présence d’une rivale sur un territoire que sa première femme avait totalement marqué de son influence. Jusqu’à cette dernière demeure que l’on attribue au célèbre couple royal, le mausolée qui coiffe une colline au sud de la ville sur la route de Tipasa. Ce monument, mausolée royal de Maurétanie de style africain, agrémenté d’éléments décoratifs appartenant au monde hellénistique n’a toujours pas livré ses secrets au sujet de la famille royale maure ou numide qui s’y est fait enterrer. Mais on se prend à rêver encore qu’il a été élevé par Juba II en hommage à sa Cléopâtre, fille de la lune*

Ce site a été faussement appelé «Tombeau de la Chrétienne» par les Français, car quand Séléné meurt en l’An 5 ou 6 de notre ère, le christianisme étant à ses débuts en Palestine, n’avait pas encore atteint la Numidie, l’actuelle Afrique du nord. Séléné est la déesse de la lune dans la mythologie grecque .

Rachid Moussaoui