Le réalisateur Damien Ounouri à “Liberté”: “Beaucoup de choses m’inspirent en Algérie”

Le réalisateur Damien Ounouri à “Liberté”: “Beaucoup de choses m’inspirent en Algérie”

d-beaucoup-de-choses-minspirent-en-algerie-80424.jpgDamien Ounouri est un jeune réalisateur franco-algérien, né à Clermont-Ferrand en 1982. Après des études sur la théorie du cinéma à l’université de la Sorbonne Nouvelle (Paris), il revient dans son pays d’origine pour s’investir dans le 7e art. Son premier long métrage, Fidaï, sorti en 2012, est un documentaire sur la Révolution algérienne. Il revient en 2016 avec le court métrage Kindil El-Bahr. Après avoir été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes, il a présenté son film aux 14es Rencontres cinématographiques de Béjaïa (qui se sont tenues du 3 au 9 septembre). Rencontré à l’issue de la projection de son film lors de la soirée d’ouverture, l’auteur du scénario coécrit avec la comédienne algérienne Adila Bendimred a bien voulu répondre à nos questions.

Liberté : Que pensez-vous de ces Rencontres cinématographiques de Béjaïa auxquelles vous venez de présenter votre dernier film Kindil El-Bahr ?

Damien Ounouri : Les Rencontres cinématographiques de Béjaïa sont un espace que j’aime beaucoup. Et c’est toujours un plaisir de venir ici présenter mes films et aussi de partager de bons moments avec notre public, et bien évidemment l’écouter. Car, naturellement, les Algériens disent franchement ce qu’ils pensent. Le cinéma est universel, mais je pense que c’est très fort de voir les petites nuances et les subtilités qu’on essaie de mettre en exergue pour connaître ce que les Algériens ont vécu, et surtout savoir comment ces derniers sont vus par d’autres publics.

Vous ne pensez pas que le public béjaoui est un peu agressif dans les débats ?

Non, pas du tout, je pense que c’est de bonne guerre. Nous avons fait un film pour le soumettre à la critique du public. Il appartient à tout un chacun de voir notre œuvre puis de dire ce qu’il pense de sa qualité. Je ne dirai pas que mon travail est parfait, je ne suis, en fait, qu’un être humain. Notre film comprend plusieurs scènes de violence qui remuent les gens.

Du coup, ces derniers doivent prendre un peu plus de temps pour digérer le film. Sinon, j’aime bien la critique et les débats contradictoires.

Comment avez-vous eu l’idée de réaliser ce film en Algérie ?

Comme je vis en Algérie, il y a beaucoup de choses qui m’inspirent ici, mais je pense que c’est la crise partout dans le monde.

C’est pour cela d’ailleurs qu’on a préféré dire que la scène s’est passée à Césarée et non pas à Tipasa.

C’est pour dire justement que la crise n’est pas seulement propre à l’Algérie. Quand on écrivait l’histoire de notre film, il y avait le problème de la jupe trop courte, puis cette année, en France, c’est la fameuse affaire du burkini, et aux USA on voit le capitalisme qui prend les femmes anorexiques pour les mettre sur le podium… Ce qui veut dire que le monde entier est en crise. Et quand les politiques ne trouvent pas de solutions aux problèmes socioéconomiques, ils créent ce genre d’histoire de “tissus trop courts ou trop longs” pour faire dans la diversion.

Qui a financé votre film ? Y a-t-il eu un apport des pouvoirs publics ?

Pour le moment c’est un financement privé. Il y a trois producteurs privés qui, après avoir pris connaissance de l’histoire du film, ont mis la main à la poche pour le financer. Ils ont insisté pour que cette œuvre soit réalisée, car ils ont aimé son histoire. Il s’agit des trois boîtes privées Médiacorp, Bang-bang et Monumental qui ont mobilisé leurs propres moyens financiers pour que le film puisse voir le jour. Puis, nous avons fait les démarches habituelles pour avoir un financement étatique. À ce titre, nous avons déposé un dossier bien ficelé au niveau du ministère de la Culture qui nous a promis un montant très intéressant pour financer les finitions. Néanmoins, nous n’avons rien perçu pour le moment.

Bien que notre dossier ait été dûment signé et avalisé par le département de la Culture, notre film semble avoir fait les frais de la politique d’austérité prônée par le gouvernement algérien. Mais cette histoire de gel de projets n’arrange nullement les gens qui travaillent. Ce qui est inquiétant c’est que nous sommes endettés.

Malgré tout cela, notre film voyage et participe aux compétitions internationales. Après le festival de Cannes, il a été au Brésil pas plus loin que la semaine dernière, et sera en Allemagne et en Belgique en octobre prochain. J’espère que d’ici à là, le ministère de la Culture pourra s’ordonner pour assumer son engagement, car nous avons amplement besoin de son concours. Nous vivons en Algérie et nous travaillons pour promouvoir et développer son patrimoine immatériel.

Avez-vous des projets à réaliser ? Êtes-vous sur un nouveau film ?

Il y a des pays qui sont prêts à financer des films mais sur les thèmes qui les intéressent, tel que l’islamisme, Daesh… Mais je préfère m’investir dans mon pays et m’intéresser à son patrimoine culturel et à son passé historique.

C’est dans cette optique que j’envisage de tourner prochainement un film sur l’avènement de l’empire ottoman en Algérie. Mais là, je souhaiterais avoir l’aide de tout le monde. J’ai vraiment besoin de l’apport de l’État pour concrétiser ce projet qui me tient à cœur. Merci pour l’intérêt qu’accorde votre journal à nos activités et à la culture d’une manière générale.