Le cinéaste, photographe et musicien Amine Kouider : «Il y a un énorme potentiel créatif en Algérie»

Le cinéaste, photographe et musicien Amine Kouider : «Il y a un énorme potentiel créatif en Algérie»

La première fois que son père écouta sa musique, il lui dit : «Qu’est-ce que c’est que ce Tchbatch ? « . Et aujourd’hui, il décide d’en faire le titre de son premier album. Tchbatch, un album éclectique, original et atypique à l’image de son réalisateur, Amine Kouider. Cet artiste algérien empli de talent est photographe, cinéaste, réalisateur et musicien. Il est aussi professeur de cinéma, médias et communication à l’université de l’Iowa aux USA, où il réside depuis 12 ans, et où il mena divers projets artistiques… Dans cet entretien, Amine Kouider a bien accepté de répondre à nos questions et de nous parler de son album.

Amine Kouider, vous êtes cinéaste, photographe, compositeur et musicien. Un artiste éclectique et créatif qui continue à se découvrir et à se dévoiler au public. Parlez-nous un peu de vous et de votre parcours ?

En fait, j’ai grandi dans une famille qui a beaucoup d’appréciation pour les arts. Très jeune, j’ai découvert que j’étais passionné par deux choses : les gens et l’art. En Algérie, j’ai fait des études à l’École nationale polytechnique pendant une année, après j’ai obtenu une bourse pour étudier le business aux États-Unis. Une fois à l’université aux USA, j’ai rejoint une classe de réalisation de films documentaires et là, j’ai tout de suite changé de cap. Je savais que travailler dans le cinéma et les arts était ce que je voulais vraiment.

Après cela, j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir travailler pour le légendaire réalisateur David Lynch pendant plusieurs années. Cela m’a ouvert énormément de portes, artistiquement parlant.

Par ailleurs, et en ce qui concerne la musique, dès l’âge de 4 ans déjà, on m’appelait Cassetta, car je chantais tout le temps. Tout mode de création artistique me procure de la joie et une grande flexibilité. Ce que je peux exprimer en musique est différent de ce que je peux exprimer en film ou en photographie, mais tous ces modes se rejoignent quelque part dans l’expression de la vie, des idées et des messages.

Que dîtes-vous de la nouvelle scène artistique algérienne ? Des musiciens qui tentent de percer et d’affirmer un nouveau style musical, et des jeunes producteurs amateurs qui souhaitent retranscrire sur grand écran la réalité algérienne ?

Aujourd’hui, avec Internet et tous les réseaux sociaux, tout jeune talentueux peut faire un travail artistique et le partager avec le monde d’un seul clic. C’est ce que je fais, et c’est ce que font beaucoup de jeunes musiciens et producteurs. Aujourd’hui, tout le monde est connecté à tout le monde et c’est beau de voir toute une génération qui crée et partage des choses intéressantes. En Algérie, je pense maintenant que nous nous rendons compte que nous n’avons pas besoin de quelqu’un pour nous tendre la main. On peut se rouler les manches et commencer le travail et avoir un public prêt à recevoir avec un feedback immédiat !

Vous avez pris part au projet Wesh Derna, la web série qui montre le potentiel créatif et les ambitions des jeunes Algériens. Qu’en pensez vous?

Riad Touat, le réalisateur de la série documentaire Wesh Derna, fait un travail incroyable. C’est la première fois que nous voyons quelque chose de si réel, objectif et pourtant, avec des perspectives positives envers les jeunes Algériens. J’ai toujours hâte de voir de nouveaux épisodes de Wesh Derna.

J’ai adoré interagir avec Riad. Je pense qu’il redéfinit notre regard sur l’Algérie et comment le monde perçoit l’Algérie. Il y a tellement d’énergie et de créativité dans la jeunesse algérienne, mais personne ne s’en saisit.

La plupart du temps, nous analysons pourquoi les choses vont mal ou pourquoi les choses ne se déroulent pas comme nous voulons, mais cette série montre combien nous sommes créatifs et elle propose une simple solution : «Créer sa propre réalité en Algérie ! Tout le monde en est capable». Je suis donc un grand fan de cette série … Et je ne dis pas cela parce que j’y ai participé.

Tchbach est le titre de votre tout premier album qui comporte 6 titres et un Istikhbar. Il vous a pris six ans de travail, de recherche, d’écriture et de compositions. Pouvez-vous en parler, mais tout d’abord, que signifie Tchbach ?

Tchbatch est un mot inventé par mon père. La première fois que je lui ai fait écouter ma musique il m’a dit : «Qu’est-ce que c’est que ce Tchbatch ?» J’étais légèrement offensé, pour être honnête. Il a dit : «Cette musique ne fait pas partie d’un genre particulier, c’est un mélange de nombreux genres différents». Je pense qu’il l’a dit pour se moquer de moi, mais j’ai vraiment aimé le concept. Alors, j’ai décidé de nommer mon premier album de musique Tchbatch, parce qu’il s’agit d’un mélange de tant de sons…

L’album a pris six ans et beaucoup d’attention. Les arrangeurs Amine Dehane et Zinou Kandour ont été incroyables. Mon ami Fethi Tarbouche (Toto) qui est coproducteur exécutif de l’album m’a guidé vers des musiciens incroyables en Algérie de telle sorte que toute la musique ait été créée en Algérie bien que j’ai mixé et masterisé l’album à New York.

Je suppose que cela a duré six ans parce que je suis aussi cinéaste et que j’ai mené plusieurs projets de front, mais aussi parce que j’ai mis de nombreux détails dans ce projet. Cet album est fait avec beaucoup d’amour.

Beaucoup de gens y ont contribué. Bien que j’ai travaillé exclusivement avec des musiciens algériens, d’autres amis d’origines diverses m’ont pas mal aidé par leurs conseil, par leur expérience… Je salue au passage mon ami Plus Aziz qui m’a soutenu tout au long de ce project. Je suis très content et libéré d’avoir fini après si longtemps. J’espère que le public va aimer. En fin de compte, c’est lui qui décide. J’espère créer des ponts et inviter les gens à partager de bons moments de joie avec cette musique.

Le premier single de l’album, Trab Djeddi est déjà en ligne et a reçu un vif accueil des internautes. En regardant ce clip très original, simple, et ludique où vous performez dans une Herbine et dansez en plein souk, on sent votre attachement à «votre terre natale». Est-ce un retour aux sources ?

L’histoire de Trab Djeddi – la terre de mon grand-père – qui est devenue un parking est une histoire véridique.

Le jour où j’ai reçu la nouvelle, c’était comme un couteau dans mon cœur, car cette terre recèle des souvenirs d’enfance. Aussi, c’est une situation que beaucoup de gens vivent à travers le monde, la conversion de paradis en parking ! Dans le clip, ce que je voulais faire, c’était aller à la rencontre des agriculteurs. Je ne voulais pas faire un clip qui était une «carte postale» pour l’Algérie, mais paradoxalement, je pense que rencontrer les gens et jouer au souk avec les agriculteurs est la vraie carte postale de l’Algérie.

C’est l’Algérie que la plupart des gens vivent et connaissent. Je voulais montrer l’Algérie que je reconnais et que j’aime ! C’était incroyable. Nous avons tourné tout cela comme un documentaire. Nous avons eu l’idée d’aller dans une Herbine et de filmer le clip dans la périphérie d’Alger. Comme c’était 2 jours avant Aïd El Adha, nous nous sommes par hasard trouvés dans un souk aux moutons. Lorsque je suis entré avec une guitare à la main, les gens nous ont accueillis si gracieusement. Et spontanément, tout le monde a commencé à danser en créant une belle… C’était un pur plaisir.

Vous allez entreprendre une tournée nord-américaine. Comptez en faire en Algérie ?

Oui, j’espère pour bientôt ! J’y travaille.