“Imzad”, un premier coffret de CD dédié au patrimoine targui

“Imzad”, un premier coffret de CD dédié au patrimoine targui

ALGER – Un coffret de cinq CD réunissant deux générations de musiciennes et de poètes de l’Imzad autour d’une première œuvre de référence rassemblant les différents airs de ce patrimoine musical traditionnel de l’Ahaggar, a été édité récemment par l’association « Sauver l’Imzad ».

Intitulé « Imzad », ce coffret, sorti aux éditions « Padidou », est le premier recueil grand public dédié à ce patrimoine musical, poétique et artisanal commun à pas moins de quatre pays africains (Algérie, Lybie, Mali, et Niger) et classé en 2013 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l`humanité de l’Unesco. L’Imzad étant une vielle monocorde plusieurs fois millénaire jouée et fabriquée exclusivement par les femmes touareg.

Ces travaux rassemblent les enregistrements de joueuses d’âge avancés ou disparues aujourd’hui, qui ont enseigné l’Imzad aux jeunes filles de la région à une époque où il ne restait que quatre joueuses en Algérie: Biyat Edaber (94 ans) qui dirige une école d’Imzad, Alamine Khoulen (82 ans) première enseignante de l’association, et Dmeyla Edaber qui a enseigné l’Imzad jusqu’à sa mort en 2009.

Le premier CD regroupe 17 pièces instrumentales du répertoire « Amghar Izlân » (père de tous les airs) qui est selon la tradition le prélude obligatoire à toute séance d’Imzad, et sert souvent d’interlude. Dans ce disque Alamine Khoulen  exécute « Amghar Izlân », « Azel Wan Medouten » (Air des terres noyées par les eaux)ou encore « Têklé N’Khoro », un air des pas de la chamelle, alors que Biyat Edaber propose des airs d’ambiance comme « Assendjad’al » (le boiteux), « Eydi » (le chien) ou encore « Lisân » (le cheval).

Accompagné des poètes Nighat El Hoceyni et Mohamed Adjila, Alamine Khoulen propose un deuxième disque dédié aux « Izlân Wan Taggaq » (airs accompagnés de nappes vocales), aux « Izlân Wan Séyénin » (airs accompagnés d’hommages), des histoires vécues et transmis oralement par les poètes et rendant hommage à la bravoure des guerriers, à la beauté des femmes, et à l’Imzad, ainsi qu’aux « Izlân Wan Sembir » des airs joués sur de longs poèmes d’amour écrit par le vieux poète Sembir.

La poésie chantée, « Issiway win midden », intervient sur les 3e et 4e CD du coffret.

La dernière partie de ce coffret est exécutée par de jeunes joueuses d’Imzad formées par des membres l’association dont Fatima Badi (29 ans), Keltoum Hamadi (28 ans) -devenue elle-même enseignante- ou encore Cherifa Edaber (53 ans) élève de Chtima Bouzad et aujourd’hui enseignante à Tin Tarabin (frontières algéro-nigérienne).

En 13 morceaux les artistes reproduisent des chants de fêtes traditionnelles, chantés en intégrant des instruments comme la tazemart (flûte de l’Ahaggar) comme « Abouneyeti » (Mon enfant) chanté avec Feu Meddaoui Barka à la tazemart et le poète feu Nighat Boukiyas, « Tawanass » (Une histoire) « Imahaytel » (Détourner ou éloigner d’un danger) « Dawatenni » (La joie) ou encore « Ikkaradene » du nom d’une tribu.

Ce coffret est également accompagné d’un livret expliquant les différents airs enregistrés, racontant l’histoire de ces derniers et présentant les biographies des artistes ainsi que l’historique de l’association.

Le livret comporte en outre un texte sur l’importance de l’Imzad dans la société targui, en Algérie comme au Niger et au Mali, ainsi que la dimension thérapeutique de cette musique dont la poésie retrace l’histoire des communautés targui transmise oralement depuis des millénaires.

L’oeuvre, réalisée avec le concours de l’ONDA (Office national des droits d’auteurs et droits voisins et l’ONCI (Office national de la culture et de l’information), est présentée dans un coffret illustré du portrait d’une targui en costume le traditionnel et le titre « Imzad » écrit en lettres d’argent évoquant le bijou traditionnel des touareg.

Fondée en 2003, l’Association « Sauver l’Imzad », qui œuvre pour la sauvegarde de ce patrimoine culturel national, a d’abord rassemblé les dernières joueuses d’Imzad pour assurer la formation avant de réaliser Dar El Imzad qui accueille les artistes et offre des ateliers de formation et d’artisanat, des espaces de création, et abrite un musée dédié à ce patrimoine, récemment inauguré.