Il a bâti, entre autres, la mosquée Essafah de Laghouat: Giacomo Molinari, architecte italien musulman

Il a bâti, entre autres, la mosquée Essafah de Laghouat: Giacomo Molinari, architecte italien musulman

d-giacomo-molinari-architecte-italien-musulman-2d12f.jpgEn Italie, où il est né comme dans tous les pays d’Europe où il s’est ensuite répandu, le style de la Renaissance, qui puisait à la source de l’Antiquité, a remplacé le style gothique qui avait été de règle pendant les derniers siècles du Moyen-Âge.

Le style gothique était fonction d’une technique de construction qui avait déterminé un goût, créé de nouveaux critères de beauté. Dès le XIIIe siècle, la renommée des bâtisseurs italiens devenus maîtres dans l’art de la construction, a envahi toute l’Europe, les plus grands monarques se les disputaient. Voici succinctement l’histoire de l’un d’eux qui n’est autre que Giacomo Molinari, l’architecte et astronome italien.

Né le 28 août 1814 à Cavagnano (Italie), Giacomo Molinari est arrivé à Laghouat en 1854, soit deux années après sa prise par les hordes de Pélissier, Bouscaren, du Barail, Pein. Il est le fils de Giovanni Molinari, grand armateur dont la mère est Eileen Mac Allan, fille d’un grand armateur irlandais de Dublin et de Maria Guiseppa Bianchi de la noblesse toscane, fille d’un grand peintre et sculpteur florentin.

Selon des Laghouatis autochtones, Molinari Giacomo faisait partie du groupe d’architectes et de maçons spécialistes italiens, venus reconstruire la ville de Laghouat après sa conquête par le général du Barail qui l’administrait. Avec ses camarades, ils avaient pour tâche la reconstruction de la ville principalement  le fort Bouscaren, la caserne Bessières, l’église Saint-Hilarion (une copie conforme de l’église Sainte-Sophie qui sera édifiée en 1901) et bien évidement la mosquée Essaffah à laquelle est  associé le nom de Mouninar qui n’est  autre que Giacomo Molinari, le grand architecte et astronome milanais. Il a également construit les vieilles mosquées de Djelfa et d’Aflou en plus de plusieurs œuvres à Alger et à Miliana, nous dit-t-on.

Une fois les travaux achevés, ses camarades repartirent tous en Italie. Quant à lui, il a été subjugué par l’Islam et a fini par décider de rester sur place et y finir sa vie. Dans ce nom bien particulier, on retrouve son patronyme Molinari qui, par l’expression phonétique de la région, a donné le vocable de Mouninar.

Toutefois selon les écrits et dires des Français pétrifiés par cette défection d’un chrétien, personne ne connaît le moment, la période, ou la date où Giacomo Molinari (dit Ahmed) eut embrassé la religion musulmane. Il se pourrait que ce soit pendant la période où il édifiait, pendant les après-midis, dix années durant, l’œuvre de sa vie de 1864 à 1874, la mosquée d’Essaffah à laquelle il donna le cachet européen qui fait jusqu’au jour d’aujourd’hui, son charme et sa noblesse.

Il est vrai que Molinari Giacomo dit Ahmed, a pu cacher à son entourage européen sa reconversion à l’Islam et c’est pour cette raison  peut-être, qu’il n’y a aucun endroit ni aucun document  selon la version française, où il se déclarait musulman.

Les dernières volontés laissées par Ahmed Molinari consisteraient en un testament qu’il dicta le 28 juillet 1908 au chancelier notaire Paul Curiel dans la cour de sa propre maison située à l’angle de la rue Millot et de la rue de Blida, étant probablement empêché de bouger à cause de son âge vénérable, quatre-vingt-quatorze ans et de sa santé fragile. Dans ce testament, il dicte notamment tel que le décrit le notaire Paul Curel “malade de corps, mais sain d’esprit”.

L’acte notarié fut rédigé conjointement en langues arabe et française, en la présence de l’interprète judiciaire Ernest Abribat près la justice de paix de Laghouat, et de quatre témoins “tous citoyens français” résidant à Laghouat et aptes à comprendre la langue arabe.

Ceci étant nécessaire du fait que le testamentaire (Ahmed) connaissait mal la langue du colonisateur français, mais s’exprimait parfaitement et habituellement en italien, en allemand et en arabe à la mode indigène. Nous écoutons les déclarations de Molinari qui disait ne pas avoir de propriété. “J’ai un jardin potager aujourd’hui dont je pourrais tirer la somme de mille deux cent francs qui me serviront à payer la somme dont je suis débiteur à monsieur Isaac Ben Lahlou négociant à Laghouat’’. Le testamentaire conclut ainsi : “Je désire être inhumé, après ma mort dans le cimetière musulman de Sidi Yanes’’

Ainsi, Giacomo Molinari, fier Italien de Milan, a su à l’insu du colonisateur,  traverser au pas de charge son siècle sans en ne référer qu’à sa conscience et à sa foi !! Les autochtones approchés considèrent que “l’écriture de l’histoire ne doit pas être seulement la mission des historiens, mais elle doit être l’affaire de tous’’.