Guerre électronique, Les « pirates » font leur cinéma !

Guerre électronique, Les « pirates » font leur cinéma !

arton56931.jpgHabituée pourtant aux assauts des pirates, la firme Sony vient de subir une nouvelle attaque informatique qui l’a obligée à annuler la sortie de l’un de ses films prévue le 25 décembre. Sauf que, cette fois, l’affaire vire au conflit diplomatique entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, avec une montée au créneau de la police fédérale FBI accompagnée d’une prompte et menaçante réaction du président Obama, le tout suivi d’une réplique de Pyongyang, torse bombé.

Cela ne devait certainement pas plaire aux autorités nord-coréennes de voir Sony diffuser une nouvelle œuvre cinématographique présentant les dirigeants de Pyongyang sous un angle peu favorable. Le film devait faire l’objet d’un lancement le 25 décembre dans une série de réseaux de salles aux Etats-Unis et devait arriver sur les écrans européens au début de l’année prochaine. « Porté par les acteurs Seth Rogen et James Franco, L’interview qui tue raconte de manière ironique et délurée un complot fictif de la CIA pour assassiner le leader nord-coréen Kim Jong-Un. Un film parodique truffé de références et qui malmène l’image du dirigeant nord-coréen. » Par ce court résumé, le site de la radio française www.europe1.fr tente de reconstituer les éléments de ce puzzle qui tourne à l’affaire diplomatique tant les positions restent encore tranchées du côté de Washington comme de Pyongyang.

Tout devait donc se dérouler comme prévu par le plan marketing de la firme qui entendait tirer profit des fêtes de fin d’année, période de haute consommation ; mais voilà que des « intrus » se manifestent auprès des employés de Sony par l’envoi d’un email au contenu clair et net, dont le passage suivant est repris par le site du quotidien français libération.fr : « Nous vous montrerons clairement, là où The Interview sera projeté, à quel sombre destin doivent être condamnés ceux qui cherchent le divertissement dans la terreur. Le monde sera paralysé par la peur. Souvenez-vous du 11 septembre 2001. » Dans un rappel des précédentes « descentes informatiques » opérées chez Sony, libération.fr souligne qu’il y a environ un mois, un groupe de hackers se faisant appeler « #GOP, apparemment pour Guardians of Peace », selon le site, a adressé un message aux employés de la firme pour les informer de ce qui suit : « Nous nous sommes procuré toutes vos données internes, y compris vos secrets et top secret. Si vous ne nous obéissez pas, nous les dévoilerons au monde entier », rapporte libération.fr qui précise que ce « message est apparu brutalement sur les écrans d’ordinateur des employés de Sony à New York, sur un fond rouge sang avec squelette menaçant, tel que l’exige le légendaire bon goût des hackers ». Ce même site rapporte que « le réseau américain de cinémas Landmark Theatres a décidé mercredi d’annuler l’avant-première new-yorkaise de The Interview, la comédie de Noël de Seth Rogen. Pas par crainte de faire un four… mais d’être visé par une attaque terroriste », ajoutant un peu plus loin que « les principaux circuits de salles américains – Carmike, AMC, Regal, Cineplex et Cinemark – ont décidé les uns après les autres de déprogrammer The Interview. Après quoi, la firme Sony se voit contrainte d’annoncer à certaines rédactions américaines, qu’elle a décidé de surseoir à la sortie de ce film, expliquant, selon le même site : « Vu que la majorité de nos exploitants ne sortiront pas The Interview, nous avons décidé d’annuler la sortie prévue au 25 décembre ». Cette décision a surpris les experts, observateurs et même les politiques, à l’image du président Obama qui a désavoué la firme Sony pour ce qu’il a considéré comme une « capitulation ».

Pour nombre d’observateurs, cette vive et jusqu’au-boutiste réaction de la firme Sony trouve peu d’explications à leurs yeux. D’abord, comme le pensent certains, n’aurait-il pas été plus sage de suivre la recommandation du département de la sécurité intérieure des Etats-Unis qui a vu dans cette affaire plutôt du « bluff », se basant sur l’absence d’indices sérieux de risque de commission d’attentats contre les salles de cinéma concernées par la diffusion du film. Et puis, comme le rappellent la majorité des titres spécialisés, Sony n’a-t-elle pas pour habitude de voir les bidouilleurs scruter ses entrailles numériques, comme ce fut le cas en 2011 puis au début de l’année 2014.Quoi qu’il en soit, malgré les appels à la raison et au discernement, la police fédérale américaine, le FBI, se retrouvera en première ligne dès les premières heures pour dénoncer une attaque menée par un Etat qui ne peut être que la Corée du Nord. Dans un communiqué publiée par le BI, on apprend, d’après lemonde.fr que les accusations sont fondées sur le constat que « des analyses techniques sur le logiciel malveillant utilisé lors de l’attaque révèlent des liens avec d’autres logiciels, dont le FBI sait qu’ils ont été développés par des acteurs nord-coréens ». Après un travail d’investigation mené avec la firme Sony, d’autres entreprise et les pouvoirs publics américains, le FBI est arrivé à la conclusion, ajoute encore le site du quotidien français lemonde.fr, qu’il y a des « similarités dans les lignes de code, les algorithmes de chiffrement de données, les méthodes pour supprimer des données et compromettre les réseaux informatiques ». Un diplomate nord-coréen, en poste auprès des Nations unies, a beau déclaré que son pays n’a aucun ‘’lien avec ce hacker’’, rien n’y fait, la police fédérale américaine, certaine d’avoir décelé « des similarités avec ceux de la cyberattaque menée en mars 2013 contre des médias et des banques de Corée du Sud, qui avait été menée par la Corée du Nord », enfonce un peu plus le clou en agitant le spectre de « l’un des plus grands dangers en matière de sécurité nationale », pour se promettre enfin : « Nous identifierons, poursuivrons et ferons payer le prix aux individus, groupes ou pays qui se servent d’attaques informatiques pour menacer les Etats-Unis ou leurs intérêts », rapporte lemonde.fr.

Presque simultanément, le président Obama prend le relais lors d’une conférence de presse organisée le 19 décembre à la Maison Blanche pour, d’abord promettre une riposte « proportionnée » qui interviendra « en lieu et en temps voulu ». Il se retourne ensuite vers les dirigeants de Sony auxquels il reproche d’avoir « capitulé », indiquant : « J’aurais souhaité qu’ils m’en parlent d’abord » avant de souligner fortement, selon le site de la télévision privée française //lci.tf1.fr : « Nous ne pouvons pas avoir une société dans laquelle un dictateur quelque part peut commencer à imposer une censure ici aux Etats-Unis ».Face à ces critiques, Michael Lynton patron de la société Sony Pictures, filiale du groupe Sony, a pris la défense de sa société en indiquant, selon le site de la télé française que « Le président, la presse et l’opinion se trompent sur ce qui s’est réellement passé ». La décision d’annuler la sortie du film a été prise, selon ce responsable, « car les chaînes de cinéma avaient « appelé une par une » pour dire qu’elles ne le projetteraient pas, face aux menaces proférées par les pirates informatiques GOP (« Guardians of Peace ») », écrit le site lci.tf1.fr. D’autres organes de presse ont souligné qu’effectivement Sony a dû se retrouver presque seule face aux menaces, excepté quelques initiatives, comme celles rapportées par l’AFP du directeur général de Dailymotion qui a fait savoir par un tweet qu’il était disposé à diffuser le film sur sa plateforme, ou la pétition pour soutien de Sony lancée par la star du cinéma George Clooney et qui aurait récolté un vrai « chou blanc ». Passé le temps des déclarations à chaud et des accusations à tout-va, la presse spécialisée privilégie le travail d’analyse et la sollicitation d’experts et spécialistes pour voir un peu plus clair dans ce qui s’apparente à une véritable casse-tête diplomatique, avec à la clé de nombreuses questions sans réponse et des zones d’ombre non visitées. Dans un papier de fond publié le 19 décembre sous le titre « Sony : pourquoi la Corée du Nord n’est probablement pas responsable », le site de l’hebdomadaire français lepoint.fr décortique cette affaire en pointant quelques côtés non encore expliqués. A commencer par cette information rapportée par la presse américaine selon laquelle « cinq dirigeants de Sony ont reçu une lettre de menaces demandant de l’argent, avant que les soupçons ne commencent à se porter sur la Corée du Nord ». A partir de là, est apparue une nouvelle exigence, celle de l’annulation du film The Interview.

Une évolution pour le moins incompréhensible pour le site qui trouve que « ce décalage est pour le moins étrange. » Le journaliste du site lepoint.fr s’interroge également sur l’attitude de la société Sony un peu trop pressée, à son avis, de céder au chantage et de se mettre dans la position de la victime. En fait, à bien comprendre les analyses développées par ce site, on comprend que le souci de Sony est de surtout faire en sorte que les hackers ne divulguent pas les données qu’ils ont, un peu trop facilement, pu dérober du système informatique de Sony apparemment pas dans les meilleures conditions de sécurité. « Des milliards de dollars sont en jeu, et la survie de l’entreprise pourrait être menacée si tout était réellement publié », écrit le site lepoint.fr qui précise que, pour l’heure, une petite partie seulement a été dévoilée à la presse par les hackers, et que Sony, dans une tentative désespérée, vouée à l’échec de faire taire ces fuites, menace de poursuivre les médias qui s’en feraient l’écho. Cette attitude timorée, frileuse, sur la défensive de Sony, peut s’expliquer par le volume et la qualité de fichiers que les hackers disent avoir en leur possession. D’après le site du quotidien français libération.fr, les hackers détiendraient quelque « 100 téraoctets (soit 100 000 Go) de données » qui vont des salaires des patrons, aux adresses email des stars en affaire avec Sony, en passant, écrit-il, par « un schéma complet du parc informatique de l’entreprise, des fichiers très personnels sur les salariés avec numéro de Sécu et dossiers médicaux… » Outre les conditions discutables de stockage et de sécurisation des données de son système informatique, Sony devra aussi faire face aux contenus de certains fichiers subtilisés, notamment les courriers électroniques. Le site libération.fr rapporte à ce sujet que le contenu des boites email de certains responsables, « Amy Pascal (co-présidente), Steven Mosko (chef des opérations télé), Steven O’Dell (président de la distribution et des ventes internationales)… » a été déversé par les hackers le 10 décembre dernier, via un fameux réseau d’échange anonyme, sécurisé. « De quoi écrire toute une encyclopédie sur la vie secrète d’Hollywood », souligne le site du quotidien français qui, entre autres révélations croustillantes, rapporte celle où « Amy Pascal et le producteur Scott Rubin, eux, s’échangent des blagues vaseuses sur Obama et les esclaves afro-américains. Accusés de racisme, menacés de boycott, ces deux malins qui croyaient leur correspondance privée se sont empressés de présenter leurs excuses ».

R. M.