Des découvertes archéologiques inédites cimentent le fil de Constantine avec sa mémoire

Des découvertes archéologiques inédites cimentent le fil de Constantine avec sa mémoire

c5fdaca6d71093b2666ec777de35f274_XL.jpgCONSTANTINE – Au milieu du tohubohu des innombrables chantiers ouverts ici et là à Constantine, en prévision de l’évènement « Constantine, capitale 2015 de la culture arabe », l’antique Cirta révèle des pans inédits de son histoire, jusque-là « dissimulés » sous terre ou derrière des murs décrépits.

A chaque coup de pelle mécanique (ou presque), à chaque décapage profond, ce sont des « morceaux » de l’histoire de la ville qui ressurgissent, des traditions lointaines qui sont déterrées, donnant un précieux aperçu sur les civilisations qui se sont succédé sur le sol de cette ville bimillénaire.

De la supposée Porte de l’antique Cirta, aux nécropoles estimées d’origine byzantine, entre fantaisie nourrie par des légendes lointaines et les débroussaillages rationnels appuyés par des théories et des preuves scientifiques, Constantine, la ville au charme désuet, se découvre et se dévoile, majestueuse et monumentale.

La Porte de Cirta et à l’empreinte de Salah-Bey

Aussitôt après le lancement des travaux de terrassement de la bibliothèque urbaine de Bab El Kantara, près du ravin du Rhumel, entre la passerelle Mellah-Slimane et le pont de Sidi-Rached, de grosses pierres de taille ont été mises au jour.

Des pierres dont le volume laisse supposer la présence d’un édifice monumental, selon les conclusions de Mme Ouafia Adel, du Centre national de recherches en archéologie (CNRA).

La découverte a alimenté, des jours durant, le quotidien des Constantinois. Entre ceux qui remettent au goût du jour la Porte de Cirta la Numide et ceux qui plongent dans les légendes populaires pour ressusciter Kasr El Ghoula (le palais de l’ogresse), ou encore ceux qui évoquent des pierres acheminées depuis El Mansourah sur ordre de Salah Bey pour reconstruire le pont de Bab El Kantara, les rumeurs sont allées bon train.

Le sondage effectué sur les lieux, à la suite de cette découverte, a permis de faire ressortir des piles de portes en pierre de taille. « Deux piles de portes à l’extrême nord et au sud, et des traces de deux autres piles au milieu », affirme Mme Adel qui ajoute qu’après documentation, la trace d’une des portes a été retrouvée dans un récit de voyage datant de 1743, écrit  par Thomas Shaw, un ecclésiastique et voyageur britannique.

« La porte était dessinée et bien décrite dans le livre de Shaw », affirme-t-elle. Les fouilles se poursuivent, la documentation et les études aussi et les conclusions promettent des « révélations inédites » sur tout un pan de l’histoire de l’antique Cirta et ses vestiges antiques, confie encore cette spécialiste qui explique aussi que les pierres utilisées par Salah Bey pour la reconstruction du pont de Bab El Kantara provenaient des vestiges de l’amphithéâtre qui existait du côté de l’actuelle gare ferroviaire, tout prés des lieux de ces nouvelles découvertes.

Les nécropoles byzantines et l’histoire des sièges de la ville

Dans la salle de prière de la mosquée Sidi Affane, datant de l’époque Ziride (XIIe siècle), située dans la basse Souika, les travaux de restauration engagés dans le cadre des préparatifs de l’événement que la ville des ponts s’apprête à accueillir, ont donné lieu à une découverte inédite : des ossements humains.

La révélation de cette curieuse découverte a vite fait le tour de la ville de Constantine où, à travers l’histoire, les cimetières ont toujours été localisés en extra-muros, en dehors du Rocher. Entre ceux qui propagent l’idée d’un charnier et ceux qui répandent la présence d’une nécropole de la lointaine civilisation Byzantine, les archéologues du CNRA poursuivaient leurs sondages, révélant au grand jour les ossements d’une trentaine de personnes, dont des bébés.

Selon Mme Adel, les tombes retrouvées sont musulmanes et ottomanes, en brique et pourvues de dalles. Elle précise que le fait que les défunts soient placés sur le côté, en décubitus latéral droit, selon le rite musulman, appuie cette hypothèse. L’archéologue, chef de projet des fouilles, indique aussi que la présence des traces de bois, de clous et de chaux, parmi les ossements retrouvés dans la salle de prière « ouvre la perspective à plusieurs lectures ».

Les archéologues du CNRA continuent de faire parler les découvertes de la mosquée Sidi Affane, et les indications pourraient, non seulement raconter la relation tumultueuse qu’entretenait Constantine avec les Hafsides et les Hammadites, mais rajouteraient, à coup sûr, « des chapitres aussi importants qu’originaux à l’histoire des sièges de Constantine », certifie Mme Adel.

Le minaret de Djamaa Lekbir : derrière le mur, l’histoire

Les chantiers de restauration entrepris dans la mosquée Djamaa Lekbir, édifiée en 1756 par Ahmed Bey El Kolli, ont permis d’exhumer l’histoire d’un haut lieu de culte. Les travaux de décapage du mur de la salle de l’imam ont dévoilé les restes du mur de la cour et du minaret originel.

Selon les archéologues qui se sont penchés sur le dossier, le minaret a été détruit entre 1867 et 1869 par l’administration coloniale pour pouvoir aligner l’ex-rue nationale (aujourd’hui rue Larbi Ben M’hidi).

Les analyses effectuées par les archéologues, qui ont permis d’identifier la découverte et le plan cadastral de Constantine, élaboré par l’administration française au début de l’année 1867, conforte le diagnostic des archéologues qui concluent que la découverte se situe exactement là où la cour et le minaret de la mosquée ont été localisés dans le plan de 1867.

Dans cette « valse archéologique » sans précédant, la cité forteresse qui se maintient sur son Rocher depuis plus de 2.500 ans, et qui a vu défiler sur ses terres des civilisations et des civilisations, renoue avec le fil de sa mémoire et raconte les souffles de vie successifs qui l’ont emplie.