Cinéma/Disparition : Harry Dean Stanton, star de «Paris, Texas» et de «Big Love», meurt à 91 ans Spécial

Cinéma/Disparition : Harry Dean Stanton, star de «Paris, Texas» et de «Big Love», meurt à 91 ans Spécial

Harry Dean Stanton, star de «Paris, Texas» et de la série «Big Love», acteur bien-aimé au visage en lame de couteau et au regard triste, est décédé vendredi à l’âge de 91 ans après quelque 250 films. Il s’était surtout distingué dans des seconds rôles, à quelques exceptions près notamment son inoubliable performance dans «Paris, Texas» où son interprétation d’un père amnésique valut à Wim Wenders la palme d’or cannoise en 1984.

L’une de ses toutes dernières apparitions à l’écran, «Lucky», le voyage spirituel d’un athée avec David Lynch, sortira fin septembre aux Etats-Unis et en décembre en France. Il y incarne avec tendresse et mélancolie un nonagénaire qui fume un paquet de cigarettes par jour, passe ses matinées dans des dîners et ses après-midi devant des jeux télévisés. David Lynch, qui l’avait filmé dans la série culte «Twin Peaks», dans «Sailor et Lula» et «Une histoire vraie», a été l’un des premiers à rendre hommage à l’un de ses interprètes fétiches. «Le magnifique Harry Dean Stanton nous a quittés. Il n’y a personne comme Harry Dean.

Tout le monde l’aimait. Et pour cause. Il était un acteur formidable. Et un être humain fantastique. (…) Tu vas vraiment nous manquer», a-t-il écrit dans une déclaration. Il incarnait «la définition du cool» écrit la comédienne Olivia Wilde sur Twitter. Gangster miteux dans «Le Récidiviste», «New York 1997», mécanicien râleur dans «Alien, le huitième passager», faux évangéliste dans «Le Malin», agent du FBI dans «Le Parrain II» : avec sa silhouette filiforme et sa gueule de faux dur, Harry Dean Stanton a joué les seconds rôles essentiels d’en peu près tous les gros coups d’Hollywood. Grand ami de Jack Nicholson, Sean Penn et Marlon Brandon, ce fumeur trompe-la-mort a travaillé avec Martin Scorsese («La dernière tentation du Christ»), et Francis Ford Coppola («Coup de coeur», «Le Parrain»). Excellent joueur d’harmonica, il aimait également chanter le blues avec Bob Dylan et Kris Kristofferson ainsi que le répertoire mariachi qu’il interprétait jusqu’à la fin de sa vie d’une voix chaude et chevrotante.

«Il a une innocence et une authenticité qui sont extrêmement rares», saluait David Lynch dans «Partly fiction», un documentaire qui lui a été consacré en 2012, ajoutant : «il récite son texte et tout devient réel, c’est phénoménal». Né le 14 juillet 1926 dans le Kentucky, il était l’aîné d’une fratrie de trois enfants d’une mère coiffeuse et d’un père baptiste, cultivateur de tabac, qui ne s’entendaient pas : «ma mère voulait quitter le nid familial. Je ne pense pas qu’ils aient eu une belle nuit de noces, et j’en suis le fruit. Nous n’étions pas proches. Je crois qu’elle m’en voulait». Il réussira à verbaliser sa peine grâce à une thérapie de groupe : «je l’ai appelée une nuit pour lui dire combien je la détestais. Et puis nous nous sommes réconciliés, peu avant sa mort».

Des rôles de sale type

Pendant la Seconde guerre mondiale, il sert comme cuistot sur un navire de la Marine dans le Pacifique pendant la bataille d’Okinawa. «J’ai connu les kamikazes japonais mais j’ai eu la chance de ne pas être tué. La plupart des acteurs n’ont pas eu cette expérience». A son retour, il s’inscrit à l’université du Kentucky puis s’établit à Los Angeles et fait ses débuts comme acteur en 1957. Il enchaîne alors une centaine de rôles dans des mauvais westerns et des intrigues policières, principalement pour la télévision. Avec ses pommettes saillantes et ses yeux cernés, on le cantonne aux rôles de sales types ou de pauvres hères : «pendant des années, on m’a proposé des jobs de tueurs de flics. J’étais complètement crédible… C’est ça qui m’a lancé… Mais c’est frustrant! C’est terrible de jouer les mêmes émotions encore et toujours!».

C’est Jack Nicholson qui l’arrache à ces rôles un peu miteux en lui offrant en 1966 la tête d’affiche de son western «L’ouragan de la vengeance». Par la suite, on lui propose des personnages plus consistants comme dans «Luke la main froide» (1967), aux côtés de Paul Newman. Il a 56 ans quand Wim Wenders lui offre le rôle de sa vie dans «Paris, Texas», un road-movie où il incarne un homme qui réapparaît subitement après quatre années d’errance. Il partage des scènes d’anthologie avec une vibrante Nastassja Kinski. Au début des années 2000, il avait crevé le petit écran en incarnant le chef d’une secte polygame pendant quatre saisons dans la série «Big Love».