Boussaâda: l’empreinte indélébile et omniprésente d’Etienne Dinet

Boussaâda: l’empreinte indélébile et omniprésente d’Etienne Dinet

Plus de 80 ans après sa disparition, le peintre et écrivain Alphonse Etienne (Nasredine) Dinet continue de marquer par son empreinte indélébile et son aura omniprésente la région de Boussaâda qui lui doit, quant à elle, grandement la notoriété et l’attrait qui la distinguent.

Partir à la découverte où (redécouverte) de Boussaâda, c’est réaliser le singulier lien entre cette ville avec son enfant d’adoption: Alphonse-Etienne Dinet (1861-1929), lequel a consacré une partie majeure de sa vie à la peindre magnifiquement, happé par sa beauté légendaire mais surtout par une sorte de souffle mystique que celle-ci exerça sur lui.

Si bien que ce qui devait n’être qu’une escale parmi d’autres, a fini par devenir sa « toile éternelle ». Et comme mieux s’identifier à la personnalité de cette Cité du bonheur, le célébrissime peintre orientaliste choisit, en 1913, d’être musulman et de se faire appeler Nasredine.

Aujourd’hui encore, le mystique orientaliste semble hanter encore cette cité par son empreinte indélébile et une aura omniprésente et l’on ne saurait évoquer l’une sans forcément citer l’autre.

Vivant dans les esprits de ses habitants qui affichent un sentiment de fierté pour cette appartenance aux leurs, ils se plaisent à souvent l’évoquer, au détour d’une discussion par-ci, par-là. Ils aiment particulièrement évoquer cette célèbre citation de Dinet: Si le paradis était au ciel, il serait au-dessus de Boussaâda, et s’il était sur terre, ce serait à Boussaâda.

Et si Boussaâda a autant envoûté Dinet, ce dernier le lui rendit bien : qui mieux que lui a brillamment reproduit à vif la luminosité exceptionnelle et les contours pittoresques de cette paisible contrée ?. Qui a réussi à transcrire avec une telle doigté les pérégrinations quotidiennes de ses résidents, leurs déboires sentimentaux et leurs éclats de rires?, reconnaît-on au plus célèbre des orientalistes.

Car, au-delà de peindre des paysages et des personnages, le génie de Dinet réside en ce qu’il a su immortaliser, mieux que quiconque, l’âme de Boussaâda et des Boussaâdis, s’accordent à noter ses biographes.

La « Vue de M’Sila », les « Charmeurs de serpents », « Esclave d’amour et Lumière des yeux », « La Femme abandonnée », « Les Guetteurs », « Jeunes filles arabes », « Les Baigneuses » et autres… sont quelques-unes de ses chefs-d’œuvre où réalité et mirage se confondent harmonieusement.

Le bourgeois français charmé par le sud algérien

Fils d’une famille bourgeoise et catholique, il entreprit son premier voyage en Algérie à l’âge de 22 ans et y découvrit la beauté du Sud pour lequel il se passionna. Outre M’Sila, il fût attiré par les wilayas de Laghouat, Biskra et Ghardaïa, mais c’est à Boussaâda qu’il choisit de s’installer définitivement en 1905, avec de fréquents voyages en France pour notamment y exposer et y vendre ses œuvres.

Quelques-unes de ses toiles sont exposées dans le Musée national Etienne Dinet à Boussaâda tandis que certaines se trouvent au Musée national des Beaux-arts d’Alger et que d’autres se trouveraient en France. En Algérie, les œuvres de Dinet sont, sans conteste, celles qui ont le plus été reproduites et constitué pour la majorité des plasticiens de la région une source d’initiation et d’apprentissage.

Le musée, sis dans l’antique quartier, constitue une escale majeure pour tout visiteur qui y découvre une collection de 107 œuvres (toiles, médailles, sculptures). Outre les tableaux de Dinet qui en constituent l’essentiel, l’on retrouve ceux d’Edouard Vershafelt, Mohamed Issiakhem, Aicha Haddad, Mohamed Khedda, Souhila Belbahhar, etc. Y sont également exposés les principales distinctions reçues par Dinet au cours de sa carrière, dont celles de la Société des Artistes français lors de ses expositions en 1883 et en 1884.

Le célèbre peintre a également légué à Boussaâda sa maison familiale, accessible depuis le musée avec lequel elle est mitoyenne. Préservée en l’état, avec des rafistolages pour assurer son maintien, la demeure constitue également un motif de visite pour sa valeur historique et symbolique. Elle renferme notamment les portraits des parents, quelques  affaires personnelles de Dinet et se distingue par d’authentiques persiennes aux motifs de moucharabié, remontant au siècle dernier.

Dans un souci de valoriser et de promouvoir le legs de Dinet, Rabah Drif, le directeur du musée éponyme, a initié, il y a quelques mois, une expérience inédite avec le soutien du wali de M’Sila consistant à reproduire les œuvres de Dinet pour être destinées comme présents aux officiels, cadres de l’Etat, personnalités étrangères…

La démarche est baptisée « l’héritage du papillon », en référence à cet insecte qui serait à l’origine de la venue de Dinet à Boussaâda, affirment des biographes. Ce dernier, qui était à la recherche de cette espèce particulière pour la reproduire en toile, a été orienté vers cette partie de l’Algérie qui a fini par définitivement le conquérir.

Voir Boussaâda et y mourir

Ultime offrande de Dinet à Boussaâda : sa dernière demeure dans laquelle il a recommandé, dans son testament, d’y reposer, même si la faucheuse devait survenir pendant son séjour en France. Il y est enterré aux côtés de son ami intime et guide spirituel, Slimane Ben Brahim Baâmer et de l’épouse de celui-ci. Nichée au cœur du mont Kerdada, la tombe constitue une autre escale incontournable pour tout touriste se rendant à Boussaâda.

Les deux hommes firent connaissance en 1889 et c’est grâce à Slimane Ben Brahim, un natif de Ghardaïa, que Dinet s’initia à la religion musulmane, sous l’influence de laquelle il écrivit également quelques ouvrages. Une version autobiographique attribue à ce fidèle ami le geste qui aurait sauvé Dinet de la colère des habitants autochtones qui, ayant surpris l’artiste en train de peindre des femmes baignant nues dans l’oued, ont failli le lyncher.