Aïssa Djouamaa, producteur et réalisateur Algérien, à l’Expression: “Cilima, mon projet documentaire…”

Aïssa Djouamaa, producteur et réalisateur Algérien, à l’Expression: “Cilima, mon projet documentaire…”

Il y a des visages que l’on croise ici et là au détour d’un festival sans savoir qui c’est. Avec son regard azur profond, Aïssa ne pouvait pas passer inaperçu. Ce boulimique de cinéma a plein de projets et de films au compteur. Mais qui est Aïssa, que fait-il, que prépare-t-il, que compte-t-il apporter de nouveau dans la nébuleuse du cinéma algérien. Réponse ici…

L’Expression: Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Aïssa Djouamaa: Je suis réalisateur, scénariste, rédacteur, directeur photo. Originaire de Souk Ahras. J’ai fait l’Ecole du cinéma de Tunis pendant trois ans. Ensuite, j’ai participé à pas mal de festivals à travers des films d’école. Ensuite, j’ai eu mon diplôme de réalisateur en 2010 et de scénariste et assistanat aussi. J’ai réalisé mon premier film en 2010. C’était presque un long métrage. Il a été tourné un peu en Algérie, Barcelone, Jordanie et à Tunis. Il s’appelait Un cri sans écho. Un film doc sur les musiciens marginalisés de ma ville.

J’ai enseigné l’audiovisuel après, dans des maisons de jeunes etc. entre-temps, j’ai réalisé mon deuxième film qui s’appelle La couleur, le pays et moi. Le film a eu un Prix au Festival du court métrage de Béjaïa en 2013. J’ai participé à quelques festivals en Algérie. Entre-temps, j’ai participé au premier laboratoire documentaire avec l’Institut français en 2014. J’ai réalisé Makache kifache, un film qui a eu un Prix à Béjaïa, à Mostaganem.

Et à Tunis. Après je suis parti au Canada. Je suis resté presque huit mois. J’ai réalisé ma première fiction, Retourne to Paradise. J’y étais pour faire le kino mada, un atelier de création cinématographique nomade. Le film a fait une petite tournée en Amérique. J’ai travaillé avec une chaîne télé qui s’appelle Ma tv. Je faisais des reportages avec une équipe qui travaille là-bas. Je suis rentré en Algérie par la suite et j’ai créé ma propre entreprise cinématographique qui porte le nom de «la nouvelle vague algérienne de production». Après, j’ai fait la Femis à Paris. J’ai réalisé un documentaire intitulé République. Le film a fait de nombreux festivals. J’ai, après, coréalisé avec Rabah Slimani un court métrage qui s’appelle Un homme de théâtre…

Ce film est passé l’an dernier en avant-première au Festival du film méditerranéen de Annaba. C’est l’histoire d’un homme qui rêve de devenir acteur, mais dans les images du film il se projette sur les planches où on le voit en train de raconter sa vie, ses aspirations et frustrations. Ces dernières se matérialisent justement dans les plans. Pourquoi ce sujet?

J’étais en train de travailler sur un long métrage documentaire que je tournerai prochainement et Rabah est venu avec ce sujet qui au départ devait être un documentaire.

Après on a décidé de rendre ce projet une fiction. On a commencé à l’écrire parce que le comédien principal est un pote à nous avec qui on a grandi et on a vu comment il a galéré pour faire ce métier de comédien. On s’est dit pourquoi ne pas écrire une histoire réelle autour d’un personnage réel. Au début du film on lit: «Une histoire en cours…»Parce que Tarek est toujours comédien. il insiste toujours pour faire ce rêve, il continue à galérer pour trouver des rôles malgré qu’il a fait pas mal de pièces théâtrales, des tournées entre l’Algérie et la Tunisie aussi, mais il galère toujours. Il est marié, un père responsable avec deux enfants. C’est une histoire vraie qu’on a tenté de retranscrire en images, c’est pourquoi nous avons choisi de mentionner: «Une histoire en cours» parce que Tarek ne s’en sort pas encore jusqu’à aujourd’hui. En plus, 80% des personnages sont réels. On a voulu créer un genre en «fictionnant» la réalité.

Faire une fiction avec des personnages qui existent dans la vie.Ça jette le trouble chez les spectateurs car c’est un film, mais à l’intérieur on regarde en grande partie une pièce de théâtre. C’est assez hybride dans la forme. Justement on a voulu tenter ça. On a voulu inviter le théâtre au cinéma. Le film parle de théâtre. Le comédien rêve d’être un homme de théâtre. On avait deux théâtres. On a même considéré la réalité comme un théâtre. Et parfois, c’est le contraire, c’est-à-dire qu’il y avait un peu de Stanislavski dans le théâtre.

A la fin, Tarek se dédouble…

C’est un peu l’histoire de schizophrénie qu’on vit tous un peu, à des degrés divers. L’autre c’est moi, c’est typiquement ça. Après, il y a certains qui ont trouvé ça orignal, d’autres un peu abstrait. Nous on voulait en tout cas tenter cette expérience-là. Pour l’instant un homme de théâtre fait son dixième festival après Dubai, Dakar, Bengladesh, Nîmes, la Californie, Barcelone, Russie, Annaba, Oran et prochainement l’Egypte au Caire. On a fait Madagascar, on a eu le Prix de la meilleure interprétation masculine. Le film est en train de tourner.

Quelle est votre actualité, sinon?

Je produis actuellement un film algéro- belge, intitulé De mère à fille. D’un réalisateur belge qui s’appelle Pierre Martinague. je coproduis aussi un film d’une réalisatrice nigérienne qui s’appelle Amina Abdoulay. C’est une coproduction entre le Niger, l’Algérie et la France. Avec le producteur français Christian Nolan. On va commencer à tourner en septembre pour le film algéro-belge, tandis que le second, cette semaine entre Alger et Béjaïa (Interview réalisée au mois d’août, Ndlr). On a déjà tourné à Bruxelles.

Il sortira notamment, à la fin de l’année. C’est un long métrage documentaire. Cela évoquera la relation ente mère et fille, Malika Madi, une écrivaine belge d’origine algérienne, qui va ramener sa fille à Béjaïa où sont ses grands-parents car Malika est née en Belgique. Malika raconte sa relation entre sa mère et sa fille. Sinon, le second film raconte l’histoire du père de la Nigérienne qui était journaliste et a été chassé du Niger car il était dans l’opposition. Il a enseigné en Algérie, dans les années 1960. Il était au journal El Moudjahid. Il est décédé en Algérie. Sa fille retrace son parcours. Son père, un héros au Niger. J’ai laissé ça en dernier car, entre-temps, je produis un court métrage documentaire de Rabah Slimani intitulé Brother in art.

Il a été tourné au Sahara occidental. Il sortira prochainement dans un grand festival à l’étranger. C’est un film qui parle d’un rappeur sahraoui qui vit à Madrid et qui retourne pour voir le territoire libéré de son pays pour la première fois. Le film, est plein d’émotion. Une histoire personnelle avec d’autres artistes algériens et européens aussi et latino-américains. Sinon, je suis en train d’attendre des fonds pour mon premier long métrage documentaire. Ce film est intitulé Cilima. C’est un film qui va raconter l’Algérie cinématographiquement. Il racontera les histoires respectives de quatre réalisateurs, quatre coins du pays, une Algérie racontée à travers leurs caméras. Un long métrage qui contiendra quatre courts métrages. Chaque court métrage va raconter l’Algérie à travers la caméra du réalisateur.

Peut-on connaître le nom de ces quatre réalisateurs algériens?

Pour l’instant il y a Mohamed Yargui de Béjaïa, Raouf Benia d’Alger et notamment Mohamed Abala de Sidi Bel Abbès. Sinon, actuellement, on est en train de chercher des fonds. On a envoyé notre dossier à Afak de Beyrouth, au Fdatic, à l’aide du Cinéma du monde etc. Pour l’instant j’ai des promesses car c’est un film couteaux et va être tourné avec une nouvelle technique, une écriture un peu bizarre. On va tenter des choses. On ne s’appelle pas Nouvelle vague du cinéma algérienne pour rien, nous avons notre regard, notre vision pour voir les choses. Pour l’instant c’est ça. On a des projets à venir, mais Cilima ce sera ma prochaine réalisation, car maintenant je me suis concentré dans la production. Je suis en train d’acquérir une bonne expérience avec des coproductions étrangères.