10E ÉDITION DU FIFOG Si le temps était conté…

10E ÉDITION DU FIFOG Si le temps était conté…

P150331-02.jpgQue reste-t-il de nos amours? Peut-être le résumé de cette journée cinématographique, dédiée en partie aux disparus de la guerre au Liban et à ces amours déchus et imaginaires de l’Iran.

La salle Michel Simon de la Maison des arts du Grutli a accueilli plusieurs films dimanche dernier, dont le long-métrage qui a obtenu le prix du Fifog d’or. Un long-métrage iranien que le public a beaucoup apprécié et d’aucuns l’ont revu ou découvert avec plaisir comme le veut la tradition, notamment au festival de Cannes où les films sont projetés à nouveau au grand bonheur des cinéphiles qui ont eu à rater certains d’entre eux, dont nous-mêmes. Nous n’avons pas été déçus au final. Avec comme actrice principale la célèbre Leila Hatami, jurée au festival de Cannes, 2014 (ayant fait scandale avec une simple bise à gil Jacob), Quel temps fait-il dans ton monde? Le nom de ce somptueux film, de Safi Yazdanian, raconte le retour d’une femme dans sa ville natale 20 ans après.

Sur un coup de tête, Goli elle s’appelle, décide de retourner en Iran, après avoir vécu tout ce temps en France. Elle atterrit à Rasht, située dans le nord du pays. C’est Farhad, encadreur de profession qui l’accueillie à l’aéroport. Il semble bien connaître Goli, mais la jeune femme n’a pourtant aucun souvenir de lui. Petit à petit, le puzzle se forme et l’on comprend qui était cet homme, plutôt ce garçon dont la mère de Goli, décédée, chérissait comme son propre fils. En fait, lui et d’autres amis de Goli, épris d’art et de photographies étaient des anciens camarades de classe et dont Goli a fait tourner la tête à plus d’un. Farhad n’a pas cessé de penser à Goli, malgré les années, alors que la vie de cette dernière s’ est construite depuis un moment ailleurs en se mariant aussi à un Français. Le petit garçon qu’il est encore au fond de lui se plaît à lui faire rappeler des instants du passé comme de tendres fulgurances qui hélas ne peuvent faire rattraper tout ce temps perdu. Quel temps fait-il dans ton monde? traite ainsi de cette notion de temps psychologique que possède chacun d’entre nous et qui subsiste dans sa mémoire ainsi que cette volonté peut-être de faire arrêter le temps, le figer pour l’éternité afin de vivre pleinement le présent ou surtout raviver des souvenirs oubliés à jamais, telle la douceur de l’enfance. Aussi, le film amène le spectateur à se demander quelquefois si ces images qu’il regarde sont vraies ou le fruit d’une rêverie.

La poésie de la métamorphose adossée à celle de ces portraits des personnages rend le film des plus éblouissants mais énigmatique aussi. Comme l’insaisissable temps qui passe… Seul leitmotiv ou constante, l’amour imbriqué et collé au dos d’une fenêtre, d’un cadre ou d’un paysage ou l’on croit entrevoir le reflet de son comparse, son ami fidèle, son alter égo ou âme soeur au détour d’un chemin, d’un flash, d’une note de musique, d’une scène fantasque et drôle ou d’une peinture…Que faut-il faire alors s’il est trop tard pour marcher au même temps d’un rythme en inadéquation avec un autre coeur? Goli revient dans sa terre natale car intriguée en réalité par des photos qu’un étrange monsieur lui enverra. Un ancien amoureux de sa mère en fait, qui est resté attaché à une émotion née d’une rencontre fortuite, un coup de foudre certain qu’il traînera avec lui jusqu’à aujourd’hui, alors que le temps en décidera autrement pour leur avenir. Quel temps fait-il chez toi? aurait pu être l’autre titre du film, beau ou mauvais, tout dépend au final de l’état d’âme de chacun.

Le temps, un thème encore traité dans ce film libanais oeuvre de six réalisateurs différents de la section audiovisuelle de l’université du Liban et montrant six femmes de générations différentes à la veille d’une manifestation organisée à Beyrouth (ces femmes sont campées par des comédiennes des plus connues dont Carmen Lobos, Carol Abboud et Diamand Abboud notamment). Waynon (où sont-ils?) aborde la question des disparus de la guerre du Liban. Ces femmes sont les mères, les filles, les disparues, ces laissés-pour compte, ces femmes esseulées qui veulent connaître la vérité et faire le deuil sur leur disparu, dans une famille souvent disloquée et atteinte psychologiquement. C’est ce que tente de souligner ce film à travers les portraits de ces six femmes cassées intérieurement car vivant dans le flou permanent.

Le film est traversé d’images en noir et blanc par ailleurs comme témoin d’une actualité toujours présente et non encore résolue. Un côté documentaire assumé par son réalisateur et dont le producteur dira à son propos: «Côté officiel c’est le black-out total. On refuse d’aborder ce sujet. C’est pourquoi le rôle du cinéaste est important dans ce sens car il sert à se rappeler la mémoire de ces gens-là…»