Virulente campagne des islamistes contre le crédit à la consommation, Le gouvernement va-t-il encore céder?

Virulente campagne des islamistes contre le crédit à la consommation, Le gouvernement va-t-il encore céder?

palais_du_gouvernement_algerie.jpgL’entrée en vigueur dudit crédit aura pour conséquence de booster la production nationale et réduire les marges des importateurs

La prochaine étape sera sans doute l’entrée en lice des salafistes, avec en point de mire, une «grande marche populaire» pour protester contre «les pratiques commerciales anti-islamiques» du gouvernement algérien.

Après la campagne contre la circulaire du ministère du Commerce sur la suppression des autorisations de commercialisation des boissons alcoolisées, les milieux islamistes montent au créneau et engagent un autre bras de fer avec le gouvernement pour l’amener à abandonner le crédit à la consommation, relancé après près de six années de suspension. Comme pour les alcools, les arguments avancés sont tous tirés de la «charîa».

Des imams et des érudits algériens sont invités à s’exprimer sur le sujet, du point de vue strictement religieux. Ainsi, des «sommités» en théologie, membres de l’Association des uléma et de l’Association nationale des imams apportent leurs lectures du principe de l’intérêt bancaire «ribâ» et tentent des explications totalement déconnectées des réalités économiques et politiques actuelles. Pris séparément, les théologiens dissertent sur des questions de principe et théorisent plus qu’autre chose. Les contradicteurs de la mesure prise par le gouvernement pour protéger la production nationale en réservant le crédit à la consommation aux seuls produits locaux, balancent les avis religieux à la figure de l’opinion publique, non sans insinuation sur le caractère «illicite» de la politique de l’Exécutif.

Les initiateurs de cette campagne anticrédit à la consommation ont commencé leur travail de sape, jeudi dernier, en faisant intervenir sur les colonnes d’un journal arabophone quelques hommes de religion algériens sur le sujet. Malgré quelques nuances, on aura appris leurs réserves vis-à-vis de pareille opération.

La prochaine étape sera sans doute l’entrée en lice des salafistes, avec en point de mire, une «grande marche populaire» pour protester contre «les pratiques commerciales anti-islamiques» du gouvernement algérien. Les milieux hostiles au retour du crédit à la consommation n’hésiteront certainement pas à durcir le ton et agiter la menace de troubles à l’ordre public, jusqu’à ce que l’Exécutif cède à la pression d’une manière ou d’une autre. Il y a lieu de relever que cette levée de boucliers contre le crédit à la consommation n’a pas été constatée lors de sa mise en place en 1998 et son application une dizaine d’années durant. Faut-il rappeler que dans sa première version, le crédit en question ne mettait pas de limite aux produits éligibles à la vente par facilité. Aussi, les importateurs ont largement fait leur beurre en profitant de cette disposition. De 1998 à 2009, des centaines de milliers de véhicules et des millions de réfrigérateurs de fabrication étrangère ont été écoulés sur le marché national par le biais du crédit à la consommation. Les banques pratiquaient des taux d’intérêt de 5 à 7% et ne s’en cachaient pas. A ce moment, personne n’est allé consulter l’imam du coin et rendre publics les avis religieux, jusqu’à monter une campagne nationale contre la vente par crédit bancaire. Même les moutons de l’Aïd s’achetaient par ce biais, sans que l’on s’en émeuve. En réalité, la seule différence entre le crédit à la consommation toléré et celui estampillé haram, tient au fait que le second exclut les importateurs du bénéfice de cette formule de commercialisation de biens et de services. Il est entendu que l’entrée en vigueur dudit crédit aura pour conséquence de booster la production nationale et réduire les marges des importateurs qui risquent gros dans l’affaire.

Aussi, cette campagne «religieuse» vise simplement à faire échec au projet du gouvernement en cassant la dynamique commerciale au profit des produits algériens que devrait susciter le crédit à la consommation.

Devant cette offensive dont les motifs sont éminemment mafieux, même si ils prennent appui sur la religion, le gouvernement vit une sorte de rediffusion d’un scénario déjà vécu avec la loi sur les violences faites aux femmes et la circulaire sur la commercialisation des alcools. Il faut dire que, contrairement aux deux autres campagnes où les motivations peuvent être admises par l’Exécutif, celle qui se profile ne peut en aucun cas trouver une oreille attentive au niveau du Premier ministère.

Le crédit à la consommation, revendication centrale de l’Ugta et axe prioritaire du gouvernement pour relancer la production nationale, est en discussion depuis trop longtemps pour que l’Exécutif s’en défasse aussi facilement. Cela, en plus du fait que la réussite de la politique de ré-industrialisation du pays, repose, en partie, sur la rentabilité des produits algériens, à travers sa consommation par les Algériens.

En fait, tout plaide pour que le gouvernement fasse la sourde oreille et poursuive sur sa lancée, d’autant que des millions de foyers attendent avec impatience le retour du crédit à la consommation pour s’équiper à moindre frais tout en apportant leur contribution à la relance de l’industrie de leur pays.