Virée à l’université islamiques de Kharouba à Alger,Le kamis gonflé par les révoltes arabes

Virée à l’université islamiques de Kharouba à Alger,Le kamis gonflé par les révoltes arabes

P120116-10.jpg«Le hidjab a été détourné de sa fonction première»

«Et pourtant moi, qui suis musulman, j’apprends que c’est bien au nom de l’Islam que ces jeunes étudiantes se dissimulent sous des niqabs, alors que les hommes laissent pousser la barbe, tout en se rasant les moustaches.»

Il y a des moments où «l’expression religieuse» de notre société nous échappe. Que veut-il? Où va-t-elle? Mais, que lui est-elle arrivé? Ce sont là quelques questions qui taraudent les esprits et interpellent la conscience collective, quand on constate des frères et soeurs se dirent plus musulmans que d’autres, en le montrant à travers des comportements ostentatoires, comme les tenues vestimentaires, symbole d’une appartenance ou de statut religieux. Dimanche dernier, nous avons, lors d’une virée à l’université des sciences islamiques et économiques de Kharouba, à Hussein Dey, Alger, interviewé un enseignant-chercheur de cette université et nous avons été surpris, voire désorientés par le spectacle qui s’offrait à nos yeux. Il était 12 heures quand nous sommes arrivés devant le portail central de cette institution. Il y faisait beau temps quoique le mois de janvier entame à peine sa première dizaine de jours. Sur place, nous sommes attirés, à la première vue, par des marchands qui ont étalé par terre toutes sortes d’ouvrages religieux qu’ils proposent aux étudiants.

Que cache-t-on sous le niqab?

Les vendeurs proposaient même une bonne variété de musc. Bien qu’ils n’en achètaient pas, les étudiants donnaient néanmoins l’impression d’être intéressés. Il y avait en effet des centaines d’étudiants, dont la gent féminine occupait la part du lion, qui sortaient de cette université. C’était compréhensif, car c’était l’heure du déjeuner. Mais, ce qui était curieux et fascinant en même temps, c’était bien la tenue vestimentaire de ces étudiants.

Certaines filles se trouvent entièrement dissimulées sous de longs voiles sombres, le «niqab», qu’elles traînaient par terre. Alors que d’autres portent un hidjab plus ou moins simple. Elles se cachent le visage, mais portent des jeans.

Cet aspect général qu’affiche cette deuxième catégorie de «hijabistes», indique une grande liberté, notamment quand il s’agit du reste du corps, en portant les jeans les plus sexys qui mettent en valeur les formes de leur corps ou portent des jupes et des chemises qui attirent clairement l’attention sur leurs charmes. C’est dire combien le port du hijab auprès de ces étudiantes a évolué…

Le hijab est parfois une simple tendance de mode populaire parmi les filles que nous avons observées. Cela signifie également que le hidjab simple constitue un mélange de modernité et de conservatisme. Il donne en effet l’impression de voir «des filles aux tenues afghanes pour le haut, et des tenues européennes en bas». H.Moh, un étudiant en fin de cycle de sciences islamiques, à l’évidence plus tolérant, nous fait savoir que le port du hijab «moderne» que porte la majorité des femmes algériennes, est une combinaison entre identité et mode. Lui emboîtant le pas, son compagnon, Rachid, étudiant en sciences économiques, a précisé: «Attention ne vous méprenez pas! le hijab pourrait aussi être dicté par des nécessités économiques, qui exigent des femmes en général et des filles en particulier de maintenir la beauté et l’élégance de leurs cheveux; et comme ceci n’est pas à la portée de tout le monde, les filles trouvent dans le voile une solution à ce dilemme.» Et de souligner par ailleurs que «parfois le phénomène du port du hijab dans notre société est une expression à la fois de l’identité et de la mode, plutôt qu’un engagement au titre de la piété et de la préservation de sa religiosité».

«Le hidjab a été détourné de sa fonction première, consistant à couvrir toutes les parties (du corps) de la femme», a soutenu Meriem, étudiante en quatrième année, de sciences et de l’éducation religieuse. Et d’ironiser: «Le niqab vient de la Charia. La femme doit le porter correctement sans pour autant le marier, soi-disant aux symboles de modernité et d’ouverture, à savoir les jeans et les jupes». Côté homme, le spectacle était aussi fascinant! En effet, il faut dire que la majorité des étudiants aux longues barbes et aux moustaches bien rasées, se mettent en «tenues afghanes», c’est-à-dire qu’ils mettent une «gandoura» au lieu d’un pantalon.

Des tenues vestimentaires qui ne trouvent point de référence dans la culture vestimentaire algérienne.

L’enseignant déçu

«Cette catégorie d’étudiants se saluent et se reconnaissent par leur accoutrement, une manifestation religieuse extérieure», a-t-on remarqué. Ce constat nous a été également confirmé par l’un des enseignants rencontrés sur place. «Et pourtant, moi qui suis musulman, j’apprends que c’est bien au nom de l’islam que ces jeunes étudiantes disent le porter. L’environnement extérieur est considéré comme littéralement impie et appelle une réaction d’autoprotection et d’autodéfense, dont le niqab est un moyen pour les filles et le kamis et les longues barbes pour le jeune homme», a indiqué Y.Mohamed, enseignant de la pensée islamique, soulignant que pourtant le Coran ne préconise pas de dissimuler le visage des femmes.

Celles qui adoptent la burqa ou le niqab espèrent par ce geste se hisser au niveau d’une «élite» religieuse radicale. «Toutes ces filles qui portent un niqab affirment une pureté dans la pratique d’un culte et expriment un signe d’appartenance à une élite religieuse, appelée à guider et orienter la société égarée», nous fait savoir un jeune enseignant rencontré sur les lieux. Et d’ajouter: «Par ces affichages religieux, les étudiantes et étudiants, aux longues barbes sans moustaches, expriment leur haine de leur société environnante.»

Déçu par ces étudiants, l’enseignant s’exprimant sous l’anonymat, nous a révélé que certains de ses étudiants ne lui adressent pas la parole et ne le saluent pas. Son tort, explique-t-il, c’est le fait qu’il se rase la barbe régulièrement. Spécialisé dans la pensée islamique et auteur d’une dizaine d’ouvrages portant sur l’Islam, il fume sa cigarette, raconte-t-il, loin des regards. Il a peur pour sa sécurité, a-t-il témoigné. Car, certains étudiants se comportent de manière agressive à l’égard de ceux qui ne s’inscrivent pas dans leur logique.

Quant à ces signes ostentatoires, nous apprenons qu’il existe une minorité qui l’impose, c’est celle du mouvement salafiste, qui entend retrouver l’âge d’or de l’Islam par un retour aux sources, à l’époque du Prophète (Qsssl). Ultrarigoriste et sectaire, ce courant a pris racine dans notre société et donne des bourgeons.

L’influence croissante de cette doctrine favorise un retour à la superstition et impose des normes à l’ensemble de ses adeptes.