Un imam décrète que visiter Ain Fouara et boire de son eau sont “layajouz”

Un imam décrète que visiter Ain Fouara et boire de son eau sont “layajouz”

n-AIN-FOUARA-huge.jpgM.Mohamed Aïssa, le ministre algérien des affaires religieuses, a beaucoup d’efforts à faire pour empêcher les imams de dire n’importe quoi et d’interdire à tout bout de champ… et même ce qui est très loin de leur champ. Comme c’est le cas de cet imam de la mosquée à Aba Dhar El-Ghifari, à El Khroub qui s’est mis à prêcher sur Aïn Fouara qui se trouve bien loin de lui, dans la bonne ville de Sétif.

Selon le correspondant d’Echorouk, l’imam a tout simplement décrété, lors du prêche de vendredi dernier, qu’il était illicite de se rendre à la fontaine de Aïn Fouara et de boire de son eau.

La fontaine a été sculptée par un « infidèle » qui avait, selon lui, le perfide objectif de mettre une femme nue au « cœur de la ville des martyrs « . Car, a ajouté l’imam particulièrement vindicatif, « pour boire de son eau, il faudrait s’incliner fortement dans une attitude qui ressemble à la prosternation ».

L’imam, indique le correspondant du journal s’est mis à hurler en direction des fidèles « Gare à vous si vous-vous prosterner pour quiconque d’autre que Dieu, gare à vous de vous prosterner devant la statue de Ain Fouara ».

Le prêche contre Aïn Fouara a été rempli de récriminations contre le « kofr »(apostasie), le « chirk »(association hérétique avec Dieu) et le haram (péché).

L’imam n’est pas allé jusqu’à demander qu’on enlève la statue de Ain Fouara rapporte Echorouk (ouf, diraient les Sétifiens !) mais il a suggéré à ses ouailles plutôt surpris, de ne plus se rendre à ce passage obligé pour les visiteurs de Sétif et de ne pas boire de son eau « afin de ne pas permettre la réalisation les vœux des colonisateurs… »

La statue de Aïn Fouara, devenue emblématique de la ville, a été adoptée par les Sétifiens de toutes les générations. Un attachement fort qui les a poussés par exemple à ne pas accepter que le tracé du tramway vienne perturber la tranquillité de la belle dame dont la réalisation a été achevée début 1898 par le sculpteur Francis de Saint Vidal.

Elle est installée à Sétif en juillet 1898 après un passage par l’exposition à la Foire universelle de Paris. Installée non loin du Masjid Al-Atik, la dame a été adoptée par les Sétifiens.

Fouara,fouara!

Elle deviendra définitivement « Aïn Fouara » en automne où par une journée glaciale les gens ont vu « d’épaisses volutes de vapeur monter de la fontaine, sous l’effet du froid intense ; des voix de Sétifiennes autochtones montèrent : «  Fouara, fouara… (elle fait de la vapeur).« 

Ain Fouara est devenue Sétif. On parle désormais de la « ville de Ain Fouara ». L’attachement de Sétifiens à leur fontaine qu’ils ne trouvent pas « impudique » est total. On y boit et puis on va à la mosquée El-Atik faire sa prière. On y fait aussi des vœux parfois… Et l’on avertit toujours ceux qui viennent la première avec un humour sérieux : « quiconque boira de son eau, y reviendra »

L’attentat à la dynamite du 22 avril 1997

Les sétifiens ont été particulièrement choqués après l’attentat à la dynamite contre Ain El Fouara qui a eu lieu le 22 avril 1997. Un choc absolu. Et aussi une réaction instantanée pour remettre la dame sur son piédestal.

Fayçal Ouaret raconte dans son blog ce moment si particulier où les ouvriers et responsables du parc communale ont pris le taureau par les cornes alors que le désarroi semblant général.

« Personne ne savait quoi faire d’ailleurs, en cette triste matinée, sauf peut-être les ouvriers et responsables du parc communal. Eux étaient déterminés. Ils vinrent d’abord rassembler les morceaux et miettes de la belle, pour les étaler sur une grande bâche bleue, au milieu de la grande cour du parc communal.

J’ai vu un responsable, condamné à mort à l’âge de seize ans durant la Révolution, pleurer à chaudes larmes et jurer qu’il allait la remettre à sa place. Il fit le serment de remonter la statue réparée dans les deux jours qui suivaient. Et il tint promesse.

Les ouvriers du parc communal travaillèrent quarante-huit heures durant, sans répit, en petits groupes d’ouvriers qui se relayaient, à reconstituer la statue puis la remettre en place. Le jeudi suivant, 24 avril 1997, le drame était effacé et la fête battait son plein dans toute la ville. Des moments inoubliables. ».

Ain Fouara est le cœur de Sétif. Le discours vindicatif de l’imam d’El Khroub ne devrait pas troubler sa sérénité. Ni celles de Sétifiens. Le ministre des affaires religieuses, Mohamed Aissa, a, lui, un cas exemplaire d’une situation où des paroles irréfléchies rappellent un peu trop la dynamite d’avril 1997..

Sétif toujours !

Si tu arrives à Sétif par Guellel,

Prends la ville par la porte de Biskra

passe par Sid el Kheir son gardien fidèle

qui veille sur les portes d’Alger Constantine et Bejaïa

et c’est Sétif la citadelle !

à Ain Fouara, tu dois faire un tour,

pour te désaltérer et admirer la femme de pierre,

emblème de la ville, de toujours,

aller à la mosquée el Atik, pour une prière ,

et c’est Sétif le retour !

à la rue de Constantine, demandes la potinière,

le café elmout ,elgouni ou du lycée ,

aux renommées légendaires,

pour sujet philosophique ou épicé,

et c’est Sétif la commère !

visites les anciens quartiers ou la ville nouvelle ,

tandja, cheminots , langar ou boumarchi,

qui depuis toujours se querellent,

avec ldjnenne ,bel air et landrioulli

et c’est Sétif l’éternelle !

n’oublies pas de traverser les terres noires,

pour admirer les immenses champs de blé,

ou chaque parcelle a son histoire,

pour raconter une chorba ou berboucha à déguster ,

et c’est Sétif le terroir !

Après les matins qui déchantent,

Et la gueule de bois qui suit la défaite,

la ville est en liesse, des milliers de supporters chantent ;

à la gloire de leur club, ils font la fête,

et c’est Sétif « l’entente »

une ville qui éclate de rire,

par un humour décapant,

anecdote et historiette, à en mourir,

amor cycliste en est le meilleur représentant,

et c’est Sétif la satire !

c’est du massacre du 8 mai 45 que partirent,

les germes de la révolution de novembre,

quand la milice, sur une foule désarmée, tire !

transformant le chant de liberté en danse macabre !

et c’est Sétif la martyre !