Tacheta, une tache noire dans la wilaya de Aïn Defla : ou le désespoir d’une population

Tacheta, une tache noire dans la wilaya de Aïn Defla : ou le désespoir d’une population

9-1-271.jpgD’abord, rappelons que la commune de Tacheta Zougagha sise à 47 km au nord- ouest de la wilaya de Aïn Defla s’étale en petits douars sur les flancs du mont Frena de la chaîne du Dahra. Cette commune de plus de 25 000 âmes, issue du découpage administratif de 1984, n’a pas évolué à l’instar des autres communes créées lors de ce découpage, la décennie noire ayant forcé sa population à s’exiler sous d’autres cieux plus cléments.

En effet, avant sa « libération » de l’emprise terroriste le 19 mars 1996, ses douars Ouled Ali, Ouled Bassa, Ouled Maafa ,El Khebabza et Kahouet El Khemis, étaient déserts alors que Souk Lethnine, divisé en deux, servait de base arrière au MIA (mouvement islamique armé) et au GIA (groupes islamiques armés).chaque groupe terroriste avait son café et son soutien. Les criminels prélevaient des dîmes sur les quelques fellahs restés dans cette région.

Ce 19 mars, Hadj Ahmed Henni, un banquier nommé DEC et quelques patriotes assuraient la sécurité au chef-lieu de commune, une agglomération de 2000 habitants seulement. Ce n’est que le mois de septembre 1997 que Souk Lethnine, grâce à la famille Ouazen qui collaborait avec le DEC, a été libérée des griffes des criminels.

Une fois les terroristes repoussés dans les forêts du Dahra, Tacheta, sous la houlette de Hadj Henni élu P/APC, la sécurité s’est lentement mais sûrement installée alors que le développement reprenait difficilement.

Les tachetaouis ne supportant pas la misère des bidonvilles, du chômage et un avenir incertain, encouragés par les programmes de l’Etat pour un retour des populations exilées, ont rejoint leurs terres, leurs douars et leurs anciennes habitations saccagées par la horde terroriste et dont ils ne restaient que quelques pans de murs encore debout. C’était le grand défi malgré la menace qui plane à ce jour sur cette population, avaient reconnu les responsables de l’époque.

Les promesses étaient vaines

En 2000, de retour dans leurs douars, de nombreux citoyens ont été enrôlés dans la garde communale ou dans les GLD, ce qui leur assurait un salaire, de quoi faire vivre leurs progénitures dans un semblant de dignité.

Dans son programme destiné aux populations rurales, l’Etat accordait des aides de 500 000 DA à chaque bénéficiaire. A ce moment, cette somme permettait la construction d’une habitation décente mais en 2006 la wilaya se pencha sur une nouvelle formule, la construction d’habitats groupés à confier à des entrepreneurs. «Il y avait à boire et à manger dans cette procédure» dit un ancien P/APC en signalant que les habitations réalisées dans ce cadre-là et distribuées en clos et couvertes seulement, d’une toiture en tuiles avec des murs en parpaing. Point de portes, point de fenêtres, encore moins de raccordement AEP .L’unité ne valait même pas la moitié de l’enveloppe accordée par l’Etat. « La preuve est que de nombreuses réalisations comme celles de Zougagha ou El Kerma n’intéressent plus personne. Il faut encore 50 millions pour qu’elles soient habitables » déclare un citoyen bénéficiaire en soulignant que la majorité des bénéficiaires de ces logements figurant sur la liste, sont au chômage.

Au niveau des douars de Ouled Ali proche du chef-lieu de commune ou encore à Ouled Bassa, El Khbabza ou Ouled Maâfa, certes de nombreuses aides au logement à 700 000 DA et 500 000 DA ont été distribuées sauf que «de nombreux demandeurs n’ont pu en bénéficier à ce jour à cause de quotas insuffisants car les familles ont grossi durant ces dix dernières années à Ouled Maâfa» affirme M.Henaoui D., qui dit avoir déposé son dossier en 2005.

L’eau, l’assainissement et … le logement

L’emploi n’est pas une priorité à Tacheta Zougagha, les jeunes et les pères de famille se débrouillent comme ils le peuvent pour leur subsistance. Leurs principaux soucis sont l’eau, l’assainissement et le logement rural.

En effet, lors de notre déplacement dans cette commune, nous avons constaté que la vitrine du chef-lieu de commune où sont édifiés sur un côté de la route, le siège de l’APC, le lycée , la bibliothèque communale, le CEM et la polyclinique, est d’une propreté impeccable.

Mais en allant vers l’ouest de cette localité, à 200 mètres de la brigade de gendarmerie, nous constatons un pont effondré lors des dernières précipitions. La route nouvellement réhabilitée, s’est également affaissée à Ouled Slah, El Ghmamaza, Ouled Ali et Ouled Bouali que le tronçon Ouled Bassa –Hamlil, sur une distance de 9 kilomètres n’ayant pas fait l’objet de rénovation, est dans un état lamentable. L’eau potable est le souci majeur de cette contrée de la wilaya. L’APC ne distribue ce produit vital, qu’une fois tous les trois jours et tous les deux jours pour certains douars et ce durant 20 à 30 minutes, affirment les citoyens qui comblent ce déficit grâce aux multiples sources jaillissantes en hiver. «En été, c’est l’enfer» dit M ; Bocherdid Djaffar d’Ouled Bouali en soulignant que durant cette période, l’approvisionnement en eau se fait à partir de Oued Hamlil distant à plus de 15 kilomètres de son douar. La situation n’est guère reluisante pour les habitants des autres douars comme le signalent Henaoui Djillali d’Ouled Maâfa I et Mohamed Boutarek d’El Khbabza. A Ouled Maâfa II, le château d’eau existe mais il est non-opérationnel. « Il est plein de saleté de tous genres, nous avons beau saisir l’APC en vain » déplore M.Djillali Henaoui. La population d’Ouled Larbi s’approvisionne en eau à partir d’Aïn Soltane, une source captée qui ruisselle lentement. « On met des heures pour remplir nos jerrycans» indique le jeune Brahim occupé à attacher son âne.

Quant à l’assainissement, il est inexistant à travers toutes ces localités qui utilisent des fosses septiques. M.Bellemou suggère une canalisation principale qui déverse dans l’oued alors que les habitants prendront en charge le raccordement de leurs fosses septiques à ce réseau. «En hiver, ces fosses se remplissent et laissent couler les eaux usées à ciel ouvert alors qu’en été, des odeurs nauséabondes s’y dégagent et les rats et les moustiques prolifèrent» de plaint un habitant d’oued Chouati. A Kahouet El Khemis ou Souk Lethnine, les citoyens souffrent des fosses septiques. « C’est un calvaire en hiver, dit un enseignant du primaire de la première localité, les élèves ont les pieds trempés dans les eaux usées qui inondent tous les passages».

Pour une vie décente

Dans son intervention durant la session de printemps de l’APW, le wali de Aïn Defla a rappelé: «Tous les citoyens nécessitant un logement décent et demandeurs d’aides pour le logement rural seront satisfaits du fait que la condition relative au salaire n’est pas une obligation.»

Il a également précisé que « 20 789 aides au logement rural ont déjà été attribuées alors que les 5815 autres le seront prochainement, les dossiers sont en cours de finalisation».

Dans le cadre de la fixation des populations rurales, le chef de l’exécutif a déclaré : «Ces citoyens ont choisi de vivre en milieu rural, l’Etat est prêt à les encourager et à les aider.»

Certes, si la commune d’El Hassania, située sur une cime de l’Ouarsenis, a honoré pratiquement toutes les demandes, plusieurs célibataires ont vu leurs demandes satisfaites, comme l’a indiqué un des nombreux citoyens de la commune de Tacheta qui aspirent à un logement décent. La situation n’est guère reluisante pour bon nombre de familles comme les Boucherdid, Ahmed, Djaffar et Abdelkader, Boudjellal Djillali et la veuve Khebiche de Ouled Bouali. « J’attends depuis 6 ans » indique Boucherdid Abdelkader qui nous fait visiter son domicile. Un deux-pièces en parpaing sans carrelage, sans sanitaires.

A Ouled Bassa, la majorité des nouvelles constructions qui s’érigent un peu partout à travers le douar, sont entièrement financées par leurs propriétaires dont de nombreux militaires qui n’avaient pas droit à l’aide de l’Etat, leurs soldes étant supérieures à 24 000 DA. « Mon fils réalise son propre logement pour pouvoir fonder un foyer » dit une veuve en affirmant que sa fille, fonctionnaire âgée de 27 ans, compte s’installer près de son lieu de travail mais il lui reste encore 7 enfants, 4 filles et 3 garçons tous scolarisés. «Nous sommes très à l’étroit » dit cette maman en nous montrant ses trois pièces dont deux sont transformées en dortoirs, l’une pour les garçons et l’autre pour les filles alors que la troisième pièce est très humide pour avoir laissé l’eau de pluie s’infiltrer par le plancher. «En été, on utilise cette pièce mais en hiver elle sert de débarras» dit l’une des filles. « La toiture est aussi perméable » ajoute cette maman en espérant obtenir une aide pour réaliser un logement décent à ses enfants qui grandissent.

La demeure de M. Mohamed Boutarek réalisée à El Khbabza en 2006 grâce à une aide au logement rural est dans le même état qu’au jour de sa réception. «Je suis père de 10 enfants et je n’ai pas les moyens pour exécuter les travaux de finition » regrette-t-il.

La situation est identique pour les habitants d’Ouled Maâfa I alors que ceux d Ouled Maâfa II qui n’ont bénéficié que de 10 aides au logement rural en 2006, attendent à ce jour la concrétisation des promesses du P/APC. A Souk Lethnine ou à Kahouet El Khemis ce sont les mêmes problèmes qui sont soulevés par les citoyens.

Tacheta pourrait donner l’exemple dans le programme de la fixation des populations rurales si les responsables lui accordent une attention particulière.

Par Abdou K