STEP d’El-Kerma (Oran), Un mégaprojet dans la tourmente

STEP d’El-Kerma (Oran), Un mégaprojet dans la tourmente

64_slide_1_140917104454.jpgDurant l’été, d’importantes fissures ont été constatées au niveau du bac principal de cette station entrée en exploitation en mai 2009, ce qui a contraint la Société de l’eau et de l’assainissement d’Oran (Seor) à la mettre à l’arrêt pour effectuer les travaux de colmatage et de réhabilitation.

Le projet de la mégastation d’épuration du Groupement urbain d’Oran (Step) a constamment été présenté comme un projet unique de par ses dimensions hors normes, mais également de par la finalité et l’impact économique, notamment la réutilisation des eaux épurées pour l’agriculture. Les travaux de ce projet ont été lancés le 1er mars 2006. Le démarrage effectif s’est fait en 2009. Les travaux ont été confiés à un groupement d’entreprises autrichien-chinois (Vatech Wabag – CGC). Le suivi du projet est assuré par le groupement des bureaux d’études helvétique-français/SGI-cabinet Merlin. Le coût des travaux était estimé à 7 milliards de dinars. Le site est un terrain de 26 hectares. Cette Step est située en bordure nord-est de la grande sebkha entre la voie ferrée et la route nationale dans la commune d’El-Kerma.

Cette station devra assurer le traitement de la plus grande partie des effluents du groupement d’Oran, d’où des ouvrages dimensionnés pour les débits et charges polluantes estimés à l’horizon 2015, soit un débit de 270 000 m3/j et 1 500 000 éq/hab.

Plus qu’une simple station d’épuration des eaux usées, cette Step est un véritable ouvrage d’art hydraulique et d’assainissement. Les eaux usées seront réutilisées pour l’irrigation des plaines de M’leta et Maflak d’une superficie de 8 000 hectares. Cette zone cruciale, qui regroupe les terres agricoles des communes de Tafraoui et d’El-Kerma, est concernée. Ce projet, couplé à la galerie périphérique, dispose d’une capacité de 270 000 m3/jour. L’on apprend de même source que “les travaux de réalisation de la galerie — cet autre projet d’assainissement — confiés à CIAMPC, une entreprise chinoise, concernent les agglomérations de Sidi-Maârouf, Sidi El-Bachir, Belgaïd, l’Émir-Abdelkader, haï Sabbah, Es-Sénia et la zone humide Daya-Morsli”. Cette dernière ne servira plus d’exutoire aux rejets des eaux usées, mais de canal pour recevoir les eaux pluviales. Un ingénieur en hydraulique a expliqué que “les eaux usées qui passent dans la galerie périphérique atterrissent dans la cheminée du petit lac, au bout de laquelle il est prévu une station de pompage avec une conduite de refoulement”. Les collectes seront donc acheminées vers la station d’épuration d’El-Kerma qui éliminera tous les rejets.

Une panne et des interrogations sur le suivi du projet

La station d’El-Kerma, inscrite au registre “des grandes réalisations” du développement de la wilaya d’Oran, est en panne depuis plus de deux mois.

Durant l’été, d’importantes fissures ont été constatées au bac principal de cette station, entrée en exploitation en mai 2009, ce qui a contraint la Société de l’eau et de l’assainissement d’Oran (Seor) à la mettre à l’arrêt pour effectuer les travaux de colmatage et de réhabilitation.

Vu l’ampleur des dégâts, le redémarrage prendrait plus de temps que prévu. Et pendant cette période, les eaux usées d’Oran se déversent dans la nature, polluant les oueds, les rivières et les champs. Autrement dit, la Step traite les eaux usées rejetées par plus d’un million et demi d’habitants.

Sa réhabilitation risque de chiffrer davantage. Ce à quoi s’ajouterait le coût de la pollution que provoquerait le rejet des effluents dans la nature. Face à l’urgence du problème, le ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, a, durant cet été, effectué une visite à Oran. Sur le site, il a pu constater l’état de la station, alors que les journalistes qui l’accompagnaient ont été empêchés de voir les bacs endommagés. Une cellule de crise a été mise sur pied pour gérer la situation engendrée par la panne de cette station. Les dégâts enregistrés par cette station, qui a à peine 5 ans d’âge, posent à nouveau la question du sérieux dans la réalisation et le suivi des grands projets d’infrastructures qui ont coûté cher à l’État.

Les habitants confrontés à la pollution et aux odeurs nauséabondes

Depuis cet incident, beaucoup s’interrogent sur les fissures constatées sur les bacs et sur les odeurs nauséabondes qui continuent de se dégager, empoisonnant ainsi la vie des habitants. Les riverains interpellent, une fois encore, les autorités compétentes afin de prendre en charge ce problème. “Les responsables de la station avaient promis de régler la situation dans un délai d’un mois, mais, à ce jour, rien n’a été fait”, déplorent des riverains. Une situation qui a empiré et qui devient insoutenable surtout en cette période de grande chaleur. Pour sa part, le ministre des Ressources en eau avait affirmé que des quantités suffisantes de gel désodorisant spécial devaient être acheminées d’Alger afin de faire face à ce problème, en attendant l’installation d’un équipement spécifique. En outre, une polémique a vu le jour quant au choix du site. Ce site est un terrain marécageux, suite aux fissures d’un bac et à la détérioration de trois autres à la Step d’El-Kerma. Cette question a été, d’ailleurs, au centre du point de presse organisé sur le site par le ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, lors de sa dernière visite d’inspection. “Nous avons ordonné une expertise et les travaux de réhabilitation du premier bac fissuré seront achevés dans un délai de trois mois. La consolidation des trois autres se fera ultérieurement. Certes, le sol nécessite une consolidation”, avait affirmé le ministre. Et d’ajouter : “Tout problème technique a une solution.” Quant aux frais pour la réalisation des travaux de réhabilitation, “ils sont à la charge de l’entreprise réalisatrice car, après une année de garantie, une assurance d’une durée de 10 ans couvre tous les frais d’incident ou de détérioration des infrastructures et installations”, a précisé le premier responsable du secteur de l’eau. Interpellé par le président de la coordination des associations de la société civile d’El-Kerma, en présence du P/APC, à propos des odeurs nauséabondes qui asphyxient leur vie surtout le soir, le ministre a avoué : “Effectivement, il y a un problème d’odeur. Nous avons sollicité la Seaal pour nous fournir des produits désodorisants en attendant d’équiper la station d’El-Kerma (gérée par la Seor) d’un appareil spécial qui permettra d’éliminer les odeurs nauséabondes.”

Pour rappel, la Step d’El-Kerma devra irriguer 8 000 hectares de terres fertiles. “El-Mlata sera le potager de la wilaya d’Oran”, assure le ministre. Au total, ce sont 24 EAC, 83 EAI, une ferme-pilote et 1 780 hectares du privé qui sont concernés par l’opération d’irrigation d’El-Mlata, chapeautée par l’Office national d’irrigation et de drainage (Onid). Côté création d’emplois, des milliers de postes sont prévus surtout au profit de jeunes fellahs, d’où “la nécessité des CFPA de former, dès à présent, une main-d’œuvre qualifiée”, confie un agriculteur. Le ministre s’est voulu confiant, en déclarant : “Nous avons réglé le problème de l’eau potable à Oran. Reste le traitement des eaux usées. Du coup, après la Step d’Aïn El-Turck et de Béthioua, une autre à Oued Tlélat est programmée pour 2015, bien que celle d’El-Kerma soit aux normes internationales avec 800 000 m3 d’eaux usées traitées par an, nous sommes engagés à régler définitivement le dossier de l’assainissement.” Selon une source proche de la Direction de la Step et suite aux fissures d’un bac, le taux de traitement qui a beaucoup diminué n’atteint que 40% de sa capacité. Un chiffre qui inquiète !