Saïd Sadi hier dans une conférence-débat à Tizi Ghenif “Ce n’est pas du pouvoir que viendra le salut”

Saïd Sadi hier dans une conférence-débat à Tizi Ghenif  “Ce n’est pas du pouvoir que viendra le salut”

2014-said_saadi_321322267.jpgSi le peuple ne prend pas son destin en main, ce n’est sans doute pas du pouvoir en place qu’il doit attendre son salut, a avisé le Dr Saïd Sadi lors d’une conférence-débat, hier, à Tizi Ghenif, au sud de la wilaya de Tizi Ouzou.

Pour l’ex-leader du RCD, “la faillite de l’État est consommée, c’est une impasse absolue. Il n’y a plus aucune résonnance entre la société et les institutions”. Pour illustrer cette faillite, l’invité de l’association Asalas et des éditions Frantz-Fanon, qui s’exprimait dans une salle omnisports pleine comme un œuf, cite d’emblée ce qui se passe au M’zab, et qui n’est, a-t-il estimé, “que la conséquence mécanique de cette inadaptation État-société”. Jusque-là, seul le pétrole a permis au pouvoir de se maintenir, mais désormais, prévient-il, “nous sommes face à l’épreuve de vérité”, surtout que les think tanks américains les plus avertis, dit-il, n’hésitent pas à prévoir, à plus ou moins brève échéance, un baril de pétrole autour de 25 dollars.

Mais la faillite de l’État ne se résume pas en cela, selon Saïd Sadi, qui revient sur les derniers commentaires qui ont accompagné les décisions ayant touché récemment des sphères civiles ou militaires, et qui ne font qu’attester, selon lui, de la gravité de la crise qui affecte les centres d’analyses du pays. “Des prédateurs ayant perdu leur rente pour cause de gloutonnerie mal contenue sont présentés comme des victimes de la corruption dont ils ont fait une manière d’être et de vivre. Et des militaires déchus, et de tout temps obnubilés par la préservation de leur statut d’héritiers du premier collège, continuent d’entretenir l’illusion du messie en casquette qui viendra réparer les dommages que leur pouvoir a causés dès le premier jour de l’Indépendance”, a-t-il analysé, non sans faire remarquer que des contraintes  géopolitiques, qui réduisent le pays au rôle de figurant, sont avancées comme des agoras où un régime paralytique tenu par des attelles posées par l’ancienne puissance coloniale sont encore avancées comme des opportunités qui vont assurer développement et stabilité à l’Algérie. Pire encore, décortique Saïd Sadi, qui considère l’invitation au dialogue d’une organisation terroriste comme Ançar Eddine (de Libye) de “faillite diplomatique”.

“La faillite n’épargne aucun palier dans la charpente institutionnelle”, a résumé l’auteur de Algérie, l’échec recommencé ?, qui n’en semble pas étonné outre mesure. Pour lui : “Depuis 1962, l’État qui existe en Algérie est une espèce de poison institutionnel qui est composé de trois choses : du jacobinisme français sans la culture républicaine, du stalinisme sans l’adossement idéologique du marxisme et d’un khomeynisme dépourvu du clergé qui, faute de garantir le libre arbitre du citoyen, offre au moins des repères dans le champ de la responsabilité institutionnelle”. Ce sont, dit-il, les modèles que les responsables algériens, par incompétence, fascination du panarabisme, tentation stalinienne ou complexe du colonisé, ont voulu produire depuis 1962 parce qu’adoptés par leurs tuteurs de l’époque, ou encore les maîtres coloniaux, qui nous mettent aujourd’hui dans une situation d’incertitude majeure. Et c’est pour cela, a-t-il conclu, que “l’Algérie de demain ne peut absolument pas être issue de l’État actuel”.

Comme solution, Saïd Sadi préconise de “tout reterrasser et sur des bases complètement nouvelles”. “Si le pays évite l’éclatement, il ne pourra renaître que de ses vérités historiques, ses réalités sociologiques, ses racines culturelles et sa seule vraie richesse : la solidarité structurante qui lui a permis de survivre en traversant, vaille que vaille, des millénaires d’agressions et de turbulences”, a-t-il déclaré. Il estime qu’il faut, pour y parvenir, commencer par désaliéner les consciences en persuadant que ce n’est pas la victoire d’un clan sur un autre qui donnera un nouveau départ à l’Algérie. Pour lui, les seules matrices porteuses de potentiel démocratique, c’est-à-dire dédiées à l’intérêt général, celles qui échappent à la caporalisation ou au clientélisme sont les comités de village ou de quartier et les associations animées par des acteurs conscients de leur responsabilité et devoir civiques.

S. L