Réforme administrative, Un observatoire en attendant mieux

Réforme administrative, Un observatoire en attendant mieux

service d'état civil.jpgLe ministre chargé de la Réforme du service public, Mohamed El- Ghazi, vient d’annoncer la prochaine mise en place d’un observatoire national du service public.

Cet organe consultatif, premier du genre et dont le décret de création devrait être publié en avril, se veut être «un cadre de concertation, d’analyse, d’évaluation et de proposition en matière d’organisation et de fonctionnement du service public», selon le ministre.

A priori, l’observatoire regroupera l’ensemble des partenaires du service public, notamment les administrations, les usagers du service public, la société civile, les experts et les personnalités ayant «une compétence avérée» dans le domaine du service public.

Pour la première fois, aussi, une charte du service public sera élaborée avec pour objectif de préciser les droits et les obligations des agents du service public ainsi que ceux des usagers. Au niveau de chaque wilaya, des délégations seront chargées notamment d’assurer le suivi et l’évaluation de la mise en oeuvre, au niveau local, des programmes sectoriels de la réforme du service public.

Et, comme pour rassurer sur le but de cette réforme, M. El-Ghazi a indiqué que le gouvernement entend relever le nombre des fonctionnaires, reconnaissant que beaucoup de domaines sont tout simplement sous-administrés, puisqu’il a promis que les 43.000 postes vacants , recensés par la Fonction publique, seront comblés en donnant la priorité aux jeunes recrutés dans le cadre du préemploi à travers des concours internes.

Cette volonté affichée de réhabiliter le service public et d’assurer son renouveau, en vue de permettre son adaptation aux attentes des citoyens et aux mutations internationales, comme le dit le discours officiel, nécessite, néanmoins, certaines actions fortes et immédiates. Il faudrait, en premier lieu, assurer la mobilisation des 2 millions de fonctionnaires dans cet effort national et s’assurer de réduire au minimum les forces de résistance au changement positif.

Il s’agit, en effet, non pas de réprimer davantage les syndicats de la Fonction publique, par exemple, mais de trouver, avec eux, un terrain d’entente afin de sceller des conventions permettant d’aboutir aux réformes en garantissant les droits des fonctionnaires tout en les obligeant à s’associer et à participer au chantier annoncé. M. El-Ghazi a reconnu, récemment, que «la réussite de toute politique ou action de cette réforme reste tributaire de l’implication pleine et entière de l’administration publique, en l’occurrence la fonction publique et à travers elle sa ressource humaine».

Il n’a pas dit, cependant, comment le gouvernement comptait ouvrir une nouvelle page avec les fonctionnaires à travers une relation renouvelée avec leurs représentants, syndicaux notamment. Car, il est de notoriété que la fréquence et la longévité des conflits sociaux chroniques dans la Fonction publique (santé, éducation, collectivités locales notamment), n’ont pas de comparable dans tout autre domaine d’activité en Algérie.

L’âpreté des conflits aussi a créé un passif des relations entre les fonctionnaires et les différentes tutelles qui font qu’aujourd’hui, il ne sert pas à grand-chose de parler d’implication de la ressource humaine en faisant comme si les grèves n’ont pas lieu, avec leur cortège d’accusations mutuelles, de dialogue de sourds et de passage devant les tribunaux, sans compter la démobilisation provoquée par ces conflits latents et son coût économique et social.

C’est, en effet, un minimum que d’ouvrir un dialogue nouveau avec les fonctionnaires avant d’introduire la notion de «performance», quand ces mêmes agents de l’Etat s’estiment sous-payés pour le travail qu’ils remplissent dans les conditions d’aujourd’hui. Tout dépend, après tout, de ce que le ministre chargé du dossier entend par «la valorisation des qualifications et des compétences» et «l’ajustement des compétences et des qualifications aux emplois nécessaires», deux idées fortes qui ne peuvent pas rassurer par elles-mêmes les fonctionnaires. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de revenu.

Il est temps, voire urgent, que les autorités introduisent davantage de transparence dans l’organisation, la hiérarchisation et la responsabilisation du travail de l’administration. La question de l’ouverture au public et aux associations nationales et locales est à repenser entièrement, car c’est l’unique contre-pouvoir pouvant juguler la bureaucratie et la corruption, comme s’en est plaint récemment Me Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH. Il est impératif, aussi, d’informer plus sérieusement que cela sur les droits et les devoirs. Ainsi, l’Algérie reste l’un des seuls pays au monde à complètement inverser le rapport administration- administré quand il s’agit des documents : c’est à l’administration de garantir la sécurité des données et c’est au citoyen de certifier, sur sa responsabilité, sa propre signature.

Or, chez nous, tout citoyen est automatiquement un faussaire jusqu’à preuve du contraire, puisqu’il doit légaliser sa signature pour n’importe quelle procédure (chose qui n’est pas tout le temps exigée ailleurs), alors que l’administration lui remet, par exemple, un 12S dont il est seul responsable en cas de perte ou de dégradation, sans prise en compte de cas de force majeure. Et les exemples existent à foison. Or, l’administration doit prendre une bonne fois pour toute la notion de citoyenneté au coeur de sa mission, sans cela elle ne sera qu’une suite de structures tournant le dos à la population.

Autre urgence, puisqu’on pense surtout aux collectivités locales quand on aborde l’administration, il faut mettre en place un fichier national des bénéficiaires du logement social et l’utiliser pour mettre fin à la suspicion systématique de fraude à chaque distribution de logements. Une action de ce type aura un effet immédiat sur le rétablissement de la confiance auprès des citoyens et garantira, du coup, une meilleure gestion de la ressource commune.

M. El-Ghazi est à la tête d’un ministère de la plus haute importance. Il doit faire vite. Et même si c’est le temps dont il dispose le moins à la veille de la présidentielle, un tel chantier est devenu impératif et inévitable au vu de l’énormité et de la force de la demande sociale pour une meilleure et plus juste administration au service des Algériens.

N. B.