Qui est derrière Daech qui s’étend maintenant au Maghreb ?

Qui est derrière Daech qui s’étend maintenant au Maghreb ?

7597367-11732034.jpgLe déplacement de Daech, comme al-Baghdadi l’a annoncé dans une vidéo, constitue une nouvelle évolution dans la progression de l’organisation terroriste. Al-Baghdadi, avant qu’il ne soit déclaré « mort » a fait diffuser une vidéo dans laquelle il évoquait de futures cibles, dont l’Algérie qui deviendrait une wilaya de l’Etat islamique.

Or, depuis cette déclaration, CNN, dont on connaît le poids chez les néocons et ses liens avec le complexe militaro-industriel et qui a été de tous les combats allant du printemps sioniste aux différentes interventions américaines – à l’instar de son clone arabe Al Jazeera, chaîne de propagande d’Al-Qaïda qui diffusait toutes les vidéos de Ben Laden – CNN, donc, a consacré toute une série d’articles concernant le terrorisme englobant l’affaire Gourdel et la probabilité d’attaques visant l’Algérie menées à partir de Derna, sanctuaire de Daech en Libye. Etrangement, quelques jours plus tard, un avion provenant de Libye a été intercepté dans l’espace aérien algérien. Nous rappelons que nous avions déjà évoqué cette menace dans un précédent article, suite aux disparitions de plusieurs avions lors de la prise de l’aéroport de Tripoli. La « coïncidence » entre le dernier article de CNN évoquant les menaces contre l’Algérie et l’incursion de l’avion libyen, ajoutée à la demande américaine de l’ouverture de l’espace aérien algérien, soulève beaucoup de questions et nous amène à entrevoir un scénario catastrophique qui est en train de se mettre en place pour cibler l’Algérie. Il ne faut pas oublier que la Libye, en plus d’être un axe important pour Daech, est devenue, d’après nos sources, une plaque tournante de l’espionnage mondial et que l’EI a pris le contrôle total de la ville de Derna, non loin de la frontière égyptienne et à seulement 950 kms de la rive sud de l’Union européenne. On évoque même le fait que Daech y dispose d’armes chimiques. Les terroristes profitent du chaos politique pour étendre rapidement leur présence le long de la côte vers l’ouest où ils ont accru leur présence, formant des ramifications à al Bayda, Benghazi où le groupe islamiste Ansar al Charia règne déjà, Syrte, Al-Khums et même à Tripoli.

Nos sources confirment que la branche de Daech à Derna compte 800 combattants et exploite une demi-douzaine de camps à la périphérie de la ville, ainsi que des installations plus importantes dans les Montagnes Vertes voisines où sont formés les terroristes de toute l’Afrique du Nord. L’organisation terroriste a été renforcée par le retour de Syrie et d’Irak de quelques 300 djihadistes libyens qui faisaient partie de la brigade « al Battar » déployée dans un premier temps à Deir Ezzor en Syrie puis à Mossoul en Irak. En outre, Mokhtar Belmokhtar, élément très important de Daech en Libye et l’initiateur de l’attaque du complexe gazier de Tiguentourine, contrôle, d’après nos informations, au moins quatre villes libyennes.

Outre ces éléments, les USA et la France ont demandé à l’Algérie d’ouvrir son espace aérien aux avions de surveillance et autres avions militaires de transfert des unités de commando pour une mission de reconnaissance dans certaines parties de la Libye. L’Algérie n’a pas encore répondu officiellement à cette demande. Par ailleurs, tout en se félicitant du fait que les relations entre les Etats-Unis et l’Algérie n’avaient jamais atteint un aussi bon niveau – chanson serinée ad nauseam par les officiels français quand ils visitent Alger – Mme Joan A. Polaschik, ambassadrice US en Algérie, a estimé récemment que « la violence n’est jamais la réponse appropriée au règlement d’un conflit. Nous encourageons toujours les parties d’un conflit à s’asseoir autour d’une même table et à régler les différends sans recourir à la violence ». Si l’ambassadrice nous parle de résolution des problèmes par la négociation, que fait donc la coalition menée par les USA en Irak et en Syrie ? Des frappes pacifiques ? Comment l’ambassadrice peut-elle nous expliquer que son pays peut être à la fois ami avec l’Algérie tout en programmant pour 2015 avec le Maroc les plus grandes manœuvres militaires jamais effectuées dans la Méditerranée ?

Que signifie ce double jeu, quand on connaît les désaccords entre l’administration américaine et le royaume du Maroc concernant le cas du Sahara occidental ? Les intérêts des uns et des autres font que la France soutient clairement le Maroc dans ce dossier, tandis que les Etats-Unis jouent sur plusieurs tableaux à la fois. L’Amérique nous demande d’être une sorte de Pakistan en Afrique parce que nous avons une grande armée expérimentée et aguerrie dans la lutte antiterroriste, tout en soufflant le chaud et le froid. Quant aux Français embourbés dans le conflit malien, leurs intentions n’ont jamais été claires. Ils aimeraient impliquer l’ANP dans le chaos qu’ils ont provoqué au Mali et dans une nouvelle guerre avec la Libye, alors qu’ils sont à l’origine de la déstabilisation de toute la région du Sahel par leur première intervention belliqueuse en 2011, et dont nous subissons les conséquences à chaque instant. Nous constatons un conflit d’intérêt entre deux pays alliés, la France estimant l’Afrique comme son jardin privé, et les Etats-Unis voulant y contrer la présence chinoise, ce qui explique l’intervention de la sous-secrétaire d’Etat américaine chargée des Affaires africaines au Burkina Faso, pays considéré pourtant comme chasse gardée des Français. Les Etats-Unis cherchent-ils à stopper l’expansion de la Chine au Maghreb et en Afrique ? Connaissant ce qui se passe en Irak et en Syrie où les pays de la coalition font tout excepté combattre Daech-EI, la demande d’ouverture de notre espace aérien ne peut que nous amener à nous interroger avec la plus vive inquiétude au sujet des réelles motivations. Après une première phase en Irak et en Syrie sans aucune résolution de l’ONU, agissant dans la plus complète illégalité, ils nous proposent de remettre ça en Libye, et la vidéo d’al-Baghdadi n’en était que le prélude. Nous savons qu’ils ne visent pas Daech, alors quel est le but de leur intervention en Libye ? Les objectifs sont-ils définis ? Pour les Français, chacun connait leur intérêt à jouer les gendarmes au Sahel afin de protéger l’uranium extrait au Niger qui alimente leurs centrales nucléaires. Mais concernant les Etats-Unis, quel est leur dessein à travers ce projet d’irakisation de la Libye ? Le pétrole libyen ? Soulignons en outre que la base de l’OTAN à Stuttgart est en mouvement, se préparant à des opérations vers la Libye. Il est important de noter que dans des think tanks et medias américains,l’affaire Hervé Gourdel a bénéficié d’une très grande couverture qui va bien au-delà de l’événement lui-même, sachant que le groupe Jund al Khilafah est sorti de nulle part pour capturer Gourdel et a disparu dès la diffusion de la vidéo de sa pseudo « décapitation ». Le cas de ce groupe inconnu en Algérie et de cette affaire plus que douteuse soulève plusieurs interrogations qui impliquent les agissements de certains services de renseignement étrangers. En Algérie, on reste toujours dans le schéma où Aqmi joue un grand rôle dans les actions terroristes, même si les tentatives d’incursions venant de la Libye s’intensifient de jour en jour, et c’est pour cette raison que l’on peut parler d’un véritable branle-bas de combat qui se déroule à notre frontière avec la Libye. Par ailleurs, des groupes terroristes en Libye seraient en possession d’équipements destinés à la guerre électronique et auraient réussi à brouiller les télécommunications civiles et militaires dans des régions frontalières avec l’Algérie, l’Egypte et la Tunisie. La présence de nos troupes n’a jamais atteint un tel niveau de déploiement avec l’implication des forces spéciales, des unités du génie militaire et des démineurs. Dernièrement, l’artillerie lourde a été appelée en renfort, en plus de la gendarmerie nationale avec ses différentes unités. L’Algérie a créé un couloir humanitaire permettant l’entrée sur le territoire aux réfugiés libyens qui fuient les combats, et l’infiltration de groupes terroristes parmi ce flux migratoire est une éventualité à laquelle sont confrontés notre armée et ses services. Le corridor humanitaire doit être filtré et surveillé scrupuleusement. Autre point important : le plus grand contingent de djihadistes partis pour se battre en Syrie dans les rangs de Daech provient de Tunisie et est désormais de retour au bercail. S’il y avait vraiment une guerre en Irak contre Daech, pourquoi ces 3000 terroristes tunisiens et plus ont-ils quitté les zones de combat ? Ce déplacement de l’effectif de Daech est à prendre au sérieux, car si l’on parle beaucoup de la Libye, omettre le sud tunisien qui pullule de terroristes dans cette véritable réserve à l’identique du Sinaï serait une grave erreur. Cela nous confirme qu’il y a effectivement un déplacement de Daech vers le Maghreb, suivant la déclaration de guerre d’al-Baghdadi à l’Algérie. Le sud tunisien peut devenir une autre source de danger, tandis que le gros de nos troupes est concentré sur la frontière libyenne et que celle avec la Tunisie n’étant pas fermée, elle constitue une faille dans laquelle peut se faufiler Daech, utilisant ce point de passage depuis la Libye. Ghannouchi n’avait-il pas déclaré que la Tunisie était une terre de transit ? Transit vers où ? De plus, la prétendue stabilité de la Tunisie n’est qu’une illusion véhiculée par les bobos rêveurs des printemps sionistes qui s’extasient sur des concepts exportés d’Occident tels que laïcité, transition démocratique, etc. et qui applaudissent naïvement, pour certains, le retour de l’ancien régime de Ben Ali relooké. Quant aux terroristes d’Ehnnahda, ce sont eux les véritables arbitres de ces élections. Il faut rappeler que tant qu’il y aura des partis politiques se référant au religieux, le monde arabo-musulman fera face à des mouvements terroristes. La Tunisie, mouchoir de poche sur la carte doté d’une petite démographie, ne pourra jamais être contrôlé par aucun pouvoir, parce que plus la crise économique s’aggrave, plus les radicaux recrutent et font des émules. Et on essaie de nous faire croire que c’est le dinosaure Béji Caïd Essebsi, le Karzai tunisien, qui va régler la problématique sécuritaire en Tunisie ? Un peu de sérieux, s’il vous plaît. C’est grâce à notre armée algérienne et à nos services de renseignement que le mont Chaambi a été nettoyé, mais le réservoir terroriste en Tunisie peut à nouveau prendre de l’ampleur avec la crise économique et sécuritaire. L’information sécuritaire, si elle est stratégique chez les impérialistes américano-sionistes, est quasi inexistante dans la presse algérienne où tout le monde semble vivre sur une autre planète en dédaignant les analyses sérieuses concernant les enjeux géostratégiques et les dangers qui menacent notre intégrité territoriale. Personne ne sollicite l’avis de spécialistes sur les aspects sécuritaires, la culture de l’entretien est pratiquement inexistante, ne parlons même pas des enquêtes sur le terrain qui se résument à néant.

Quelques rares plumes essaient de faire autre chose que de parler de la pluie et du beau temps, mais elles se comptent sur les doigts d’une main. Nous sommes bien loin du professionnalisme pointu de nos ennemis et personne ne semble saisir l’importance d’une information qui relaie les actions de nos forces armées pour contrer le terrorisme. Chaque jour, des terroristes sont neutralisés sur notre territoire et des armes ainsi que du matériel militaire en provenance de plusieurs endroits, surtout de Libye, sont interceptés, sans compter les attentats déjoués. D’après le bilan des dix premiers mois 2014 émanant du commandement de la 5ième région de la gendarmerie nationale, 38 terroristes faisant partie de cellules implantées dans 20 villes ont été neutralisés depuis janvier. L’opération de la gendarmerie nationale s’inscrit dans le démantèlement des réseaux de soutien et de logistique qui concerne 15 villes de l’Est algérien, dont certaines sont frontalières avec la Tunisie, ce qui confirme nos craintes développées plus haut. Il est à noter que les terroristes arrêtés on rejoint ces cellules durant ces trois dernières années et qu’ils sont âgés de 30 à 50 ans. Ces chiffres sont d’une importance capitale pour la lutte antiterroriste, car ils nous renseignent sur le nombre de cellules implantées dans des villes algériennes de l’Est dont certaines sont également proches de la Libye, outre le fait très grave que le recrutement des terroristes se poursuit de nos jours puisque la plupart d’entre eux ne sont en action que depuis trois ans. La communication des chiffres délivrés par les différents corps sécuritaires souffre d’un manque d’analyse rétrospective qui pourrait pourtant nous éclairer sur les mécanismes de recrutement du terrorisme d’aujourd’hui, sur la logistique des groupes et les différentes pistes, bref de tous les éléments susceptibles de nous mener à lutter contre le terrorisme sur le plan opérationnel. Plusieurs questions restent en suspens tant que l’on ne dissèque pas sérieusement ces chiffres qui restent uniquement des statistiques. Aucun titre ou organe de presse algérien n’a daigné analyser ces données alors qu’elles sont d’une importance capitale. Sans culture d’analyse du phénomène terroriste en Algérie pris dans sa globalité et de Daech en particulier avec ses visées sur l’Algérie, nous restons dans le flou, même avec ces chiffres d’une importance majeure qui sont le fruit d’un travail minutieux de nos services de sécurité. La nécessité d’une coordination entre la gendarmerie, la police nationale et les autres services relevant de l’ANP, surtout sur le plan de l’information qui relève de la stratégie, est primordiale en ces moments cruciaux de grand danger pour notre pays et l’échange d’informations s’avère indispensable pour contrer le terrorisme.

Mohsen Abdelmoumen