Questions militaire et de défense, Les médias en manque d’expertise

Questions militaire et de défense, Les médias en manque d’expertise

journaux.jpgLa situation sécuritaire que vit l’Algérie, tant sur son territoire que dans son voisinage, doit être expliquée à l’opinion publique. Les médias tentent d’apporter des éclairages malgré un manque d’expertise. Conflit malien, crise libyenne, lutte antiterroriste en Algérie et en Tunisie… chaque jour, les médias font intervenir des experts afin d’aborder ces sujets.

Mais souvent, les intervenants se prévalent de qualités qu’ils n’ont pas. A titre d’exemple, durant la prise d’otages de Tiguentourine, des nuées d’experts ont fait leur apparition pour décrypter à l’opinion publique algérienne et même internationale, la situation sur le champ des opérations. Au terme de cette attaque terroriste, les médias se sont retrouvés avec deux analyses contradictoires : la première particulièrement critique envers l’intervention de l’Armée populaire nationale et la seconde glorifiant le rôle des militaires algériens.

Une année et demie plus tard, la situation est toujours aussi floue. Concrètement, de quelle manière devrait intervenir un expert dans les médias ? Akram Kherief, journaliste à El Watan Week-end et créateur et animateur du site spécialisé secretdifa3.com, estime que l’intervention d’un expert consiste à «apporter des réponses claires et simples à des questions militaires complexes». «Si nous prenons le cas du crash du vol MH 17, un expert devrait pouvoir expliquer certaines impossibilités techniques qui feraient que telle partie ne pouvait pas tirer de missile sur cet avion.» Mais en Algérie, la problématique de la communication sur les sujets relevant du domaine militaire est le résultat d’une série de facteurs.

A commencer par une défaillance dans la communication institutionnelle. «Les journalistes qui tentent de désacraliser ces sujets font face à un véritable mur. Par exemple, en matière d’acquisitions militaires, le citoyen contribuable a le droit de savoir où va l’argent des impôts. La situation est totalement illogique puisque l’institution militaire reste fermée sur elle-même mais accepte le droit de regard des députés et des sénateurs à travers les commissions de défense nationale des deux chambres du Parlement», note Akram Kherief.

Il est vrai que les journalistes s’attaquent à des sujets tabous. En fait, des experts militaires il en existe un certain nombre, mais très peu sont médiatisés. En Algérie, les experts les plus sérieux restent les généraux Abderezak Maïza et Abdelaziz Medjahed. Pour leur part, les colonels Chafik Mesbah et Ahmed Adimi interviennent dans les sujets liés à l’armée mais en qualité de politologues. Les quatre officiers sont retraités de l’ANP. Rencontré sur les hauteurs d’Alger, un ancien militaire d’une unité d’élite et actuellement opérateur dans l’industrie de défense, a accepté d’évoquer la problématique de l’expertise en Algérie.

«Une précision s’impose : il existe deux catégories d’experts. Les experts militaires qui sont spécialisés dans les questions opérationnelles. Généralement, ce sont des officiers qui ont occupé divers postes de commandement. Il y a ensuite les experts en questions de défense qui maîtrisent la doctrine de défense et la doctrine d’emploi des forces armées. Ces experts peuvent être militaires ou bien des civils», précise notre interlocuteur.

Selon lui, l’Algérie dispose d’une grande expertise en matière militaire ou de défense mais elle «reste à l’intérieur de l’armée». «L’idéal serait de permettre la création de centre d’étude à l’image de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS, France) qui rassemblerait d’anciens militaires et des universitaires. En matière de défense, le principe d’indépendance est essentiel. L’expertise est bâtie sur l’indépendance de la pensée». Le travail consistant à mettre en place un cadre associant militaires et civils a pourtant été lancé au début des années 2000.

Le colonel Abdelhamid Latrèche, ancien secrétaire général du ministère de la Défense nationale sous Boumediène, avait initié les Journées d’études parlementaires sur la défense lorsqu’il présidait la Commission permanente de la Défense nationale du Conseil de la nation. Le colonel Latrèche avait également soutenu la création de l’Association des universitaires algériens pour la promotion des études de sécurité nationale. Mais depuis son décès, le Sénat n’a plus organisé une seule JEP et l’ASNA tourne au ralenti.

T. H.