Procés el khalifa bank, Une multitude de dissimulations

Procés el khalifa bank,  Une multitude de dissimulations

2014-Agence_Khalifa_812475442.jpgLa cour de Blida

La vente de la compagnie aérienne du groupe Khalifa Airways, ne représentait pas une solution aux yeux de la commission bancaire.

Le juge Antar Menouar, président de la cour de Blida, entame cette 19ème journée du procès d’El Khalifa Bank, par l’audition, en tant que témoins, des membres de la commission bancaire dépêchée par la Banque d’Algérie. Faisant suite aux témoignages des hauts responsables de l’Etat, l’audition de cette matinée a été essentiellement axée sur les détails techniques des procédures qui ont abouti au retrait d’agrément d’El Khalifa Bank. Le juge s’est attelé à recouper tous les éléments d’information entendus, dans le but de confirmer la légalité de certaines décisions prises, et les modalités employées dans ce sens. A ce titre, les précédents témoignages et ceux des membres de cette commission, convergent dans leur majorité vers une seule conclusion, à savoir que la situation financière d’El Khalifa Bank, était irrécupérable en 2003.

Parmi les témoins auditionnés, Lakhal Abdelkrim, secrétaire général au ministère des Finances et membre de la commission bancaire, déclare avoir remis un état détaillé des infractions relevées sur la gestion d’El Khalifa Bank, au ministre des Finances de l’époque, M.Medelci. Il ajoutera que ce document avait disparu des rapports de commissions. Et ce, malgré son enregistrement au départ des courriers.

Pour sa part, le deuxième témoin, Lekhrouf Saïd, membre de la commission bancaire, confirme l’information selon laquelle la commission bancaire informait régulièrement le procureur général près la cour de Blida, des dépassements relevés lors de l’inspection, et ce jusqu’à l’arrivée du liquidateur.

Un plan de sauvetage

En outre, M.Maâchou, membre de la commission bancaire et ancien procureur, déclare que la désignation d’un administrateur provisoire, en la personne de M.Djellab, avait été prise dans une période où la commission ne couvrait pas la gestion du dossier Khalifa. Il précise que cette commission avait été désignée pour apporter des solutions. Elle devait effectuer, à ce titre, la mission du conseil d’administration, inexistant à son arrivée. Ceci en plus de la désignation des commissaires aux comptes. Mais il indique que sa tâche principale était de remettre cette banque en état de fonctionner, sauf que M.Maâchou indique que les rapports établis par la commission étaient bien clairs. Ils faisaient état d’un déficit de caisse grave, d’un nombre important d’irrégularités et des dissimulations d’informations de la part d’El Khalifa Bank ce qui avait inévitablement conduit au retrait de l’agrément.

Questionné sur l’éventuel concours de l’Etat pour mettre en place un plan de sauvetage de cette banque, M.Maâchou répondra que le seul moyen aurait été de faire appel à la solidarité bancaire. Cela consiste à demander une aide financière d’une autre banque, aux fins d’assurer le maintien du fonctionnement de cette banque, chose qui n’était pas possible, du fait qu’El Khalifa Bank ne pouvait pas présenter une situation financière claire.

D’autre part, le volume du contentieux de cette banque et la multitude des dissimulations de soldes et d’états comptables, ne pouvaient conduire qu’au retrait de l’agrément. M.Maâchou dira que ces mêmes arguments ont servi à écarter la solution de la recapitalisation et rappellera, dans ce sens, que les actionnaires de la banque ont été sommés d’apporter des fonds pour recapitaliser le solde de la banque, mais n’avaient pas proposé la vente de la compagnie aérienne du groupe, Khalifa Airways, qui ne représentait pas une solution aux yeux de la commission bancaire. Pour le procureur général, l’interrogation résidait dans l’émergence extrêmement rapide de cette banque. Il explique en posant la question au témoin, que cette banque a vu, en un temps record, son capital passer de 500 millions de dinars, à 12,5 milliards de dinars, à travers deux augmentations. A ce titre, il demandera au témoin si cela n’était pas suffisant pour éveiller les soupçons de la Banque d’Algérie. A cela, M.Maâchou répondra que pour se rendre compte de cette situation, il aurait fallu qu’El Khalifa Bank dépose ses états en temps réel. Pour sa part, l’avocat de la défense reviendra sur les différentes décisions prises par la commission bancaire, notamment celle de geler l’activité du commerce extérieur. Me Lazhar explique que cette décision pourrait être une contradiction, du moment que la commission d’une part, avait procédé à l’installation d’un administrateur pour gérer la situation, et d’autre part, elle ordonne une mesure disciplinaire.

Le témoin répondra que la commission avait la possibilité de stopper certaines activités d’El Khalifa Bank et ce, en raison de la gravité de la situation qui prévalait justement au sein du commerce extérieur. Il ajoute qu’il était inconcevable de continuer d’autoriser les transactions avec l’étranger, alors que les avoirs de cette banque n’étaient pas rapatriés.

Au terme de cette matinée, il s’avère clairement qu’en plus des grandes insuffisances établies par les différents contrôles et rapports, la complexité de cette affaire reposait également sur un jeu flou de retards de dépôts de bilans, ou d’états comptables. Les mêmes retards ont été observés de la part des différents organes de contrôle qui se sont succédé pour éclaircir la situation d’El Khalifa Bank.

Eveiller les soupçons

A la reprise des auditions, après la pause, le juge reconduit l’audition du même témoin, et ce pour permettre à la défense de poursuivre l’énoncé de ses questions. Suite à quoi, l’avocat de la défense évoquera l’existence de plusieurs solutions pour le sauvetage d’El Khalifa Bank, que la commission et l’administrateur n’avaient pas proposées. Il mentionnera clairement qu’El Khalifa Bank avait émis le souhait de vendre Khalifa Airways pour redresser la situation de la banque. La réponse du témoin était claire et précise. Il explique que la situation de Khalifa Airways n’était qu’un prolongement de celle de la banque, du fait que la trésorerie de cette compagnie aérienne était constamment renflouée par des injections de fonds d’El Khalifa Bank. Ces derniers étaient faussement déclarés comme des crédits, mais l’absence de dossiers et d’autorisations, les transformaient en de simples décaissements non autorisés, donc des «non avoirs»

Sur la même lancée, l’avocat de la défense demandera au juge la permission de donner la parole à Abdelmoumène. Ce dernier prend la parole pour remettre en cause la désignation de l’administrateur. Il explique que l’administrateur ne faisait pas partie de la liste du ministère de la Justice et de ce fait, sa désignation en tant qu’administrateur d’El Khalifa Bank était illégale. Il n’était tout simplement pas assermenté. A cela, M.Maâchou dira que la commission était souveraine dans ses décisions. De plus, la commission bancaire répondait aux dispositions de lois bancaires spécifiques, selon l’article 90/10, de la loi sur la monnaie et le crédit, ceci en plus du fait que la banque avait toute latitude d’émettre un recours par rapport à cette décision, chose qu’elle n’a pas fait.

Suite au témoignage laborieux de M.Maâchou, le juge poursuit l’audition des témoins, pour la plupart des membres de la commission bancaire et des experts qui ont participé aux contrôles de la situation financière d’El Khalifa Bank. Il s’agira de déterminer la légalité des procédures utilisées pour aboutir au constat de cessation de paiement de la banque, et par conséquent la prise de décision du retrait de l’agrément, et la désignation d’un liquidateur.