Nous avons tenté l’expérience de faire nos courses 100% «made in bladi», « Oui, j’ai consommé algérien! »

Nous avons tenté l’expérience de faire nos courses 100% «made in bladi», « Oui, j’ai consommé algérien! »

2014-alimentation4_446593095.jpg« Oui, j’ai consommé algérien! »Le produit local n’a rien à envier à celui de l’importation

De l’habillement, en passant par la nourriture, les produits cosmétiques et l’électroménager jusqu’aux petits objets que nous utilisons quotidiennement. Suivez-nous dans cette aventure bien de chez-nous…

Au moment où les autorités ont lancé la campagne «consommons algérien», nous avons tenté de savoir si c’était un voeu pieux ou nous pouvons effectivement bien vivre avec le «made in dz». Pour cela, nous avons tenté l’expérience de faire nos courses élémentaires 100% «made in bladi». De l’habillement, en passant par la nourriture, les produits cosmétiques et l’électroménager jusqu’aux petits objets que nous utilisons quotidiennement. Suivez-nous dans cette aventure bien de chez-nous…Nous décidons de commencer par les vêtements avec comme objectif de savoir si on peut être bien habillé avec des produits algériens. Direction Districh, que les anciens appellent Sonipec. Ce distributeur public de la chaussure et de la maroquinerie qui a habillé des générations entières d’Algériens, est en souffrance ces dernières années. Mais il reste quelques magasins à travers le pays, dont le petit magasin de l’Inforba (Rouiba, banlieue Est d’Alger). Nous nous y rendons pour chercher des chaussures à notre pied. Sur place, on est surpris par la qualité des produits proposés. «C’est du cuir véritable», lance le vendeur, qui semble s’ennuyer dans sa boutique, en voyant notre étonnement. En effet, il y a de quoi s’étonner. De belles bottines en cuir à 1700 dinars, des mocassins en cuir à 2000 dinars, des chaussures classiques modèle italien à 2350 dinars. Il est difficile d’ y croire! Le modèle le plus cher ne dépasse pas les 3000 dinars. «C’est du solide» nous confie un client rencontré sur place. Ce directeur dans une administration affirme être un client fidèle.

«C’est vrai que les modèles qui étaient proposés manquaient de design et étaient un peu lourds mais maintenant il n y’a aucune différence avec les chaussures italiennes ou espagnoles sauf…le prix qui est deux à trois fois moins cher», souligne-t-il. Chez Districh, on ne trouve pas que des chaussures en cuir, mais des baskets de sports, des chaussures pour enfants, de la maroquinerie en cuir, de belles pantoufles très confortables…Nous optons pour une paire de bottines à 1800 dinars, très belle, confortable, qui a l’air très solide. Mais les finitions laissent un peu à désirer! Surtout en ce qui concerne leur fermeture-éclair qui est éclair par sa rapidité à casser…dès que nous arrivons à la maison! C’était trop beau pour être vrai, c’est la petite chose qui gâche tout!

On peut être chic avec du local

Nous continuons quand même notre tentative d’être chics avec des vêtements fabriqués en Algérie. On nous oriente vers la place des Martyrs et la rue Bab Azoun à Alger-Centre. Sur place, on ne trouve rien à nous mettre sous la dent. Les articles proposés sont loin de répondre aux attentes. Pantalons et chemises en nylon qui vous brûleront vifs. Jeans aux couleurs que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Modèles datant de l’époque socialiste. Certes, les prix sont abordables mais les articles ne sont pas très concurrentiels par rapport aux produits chinois. Le textile algérien est-il donc bel et bien mort et enterré? Non, il ne faut jamais perdre espoir. «Vous voulez de beaux vêtements algériens de qualité et à un prix raisonnable? Demandez les marques LM ou C&H Fashion, et aussi la célèbre marque de chemise Redman. Vous allez être agréablement surpris…», nous confie un commercent de Bab Azoun qui regrette toutefois la décadence du textile algérien à cause de l’importation! «Ces marques sont de très bonne qualité mais elles ne peuvent pas faire face à la concurrence chinoise et turque», estime-t-il avant de nous diriger vers les magasins de ces marques. C&H Fashion est distribué dans les magasins Jacquet, qui ont repris les anciens locaux de l’Enaditex.

On y trouve de très beaux costumes dont les prix varient entre 7000 et 10.000 dinars. Des pantalons qui ne dépassent pas les 2000 dinars. Des chemises dont les prix varient entre 1100 et 1800 dinars. Des manteaux à 4000 dinars…C’est la même fourchette de prix qu’on retrouve chez LM. Les Redman sont elles un peu plus chères. Mais les trois marques bien de chez nous ont en commun une qualité irréprochable, des modèles des plus modernes pour des prix à couper le souffle! C’est la mode à petit prix et c’est made in bladi!

Après s’être habillé localement, on décide de manger local. Direction une «supérette» comme il en existe maintenant dans pratiquement tous les quartiers du pays. On prend avec nous une liste de courses et on se donne comme objectif de prendre uniquement des produits fabriqués localement. Cette mission paraît plus facile au vu du développement qu’a connu l’agroalimentaire chez nous. On fabrique tout localement avec une qualité irréprochable. On cite l’exemple des pâtes Amor Benamor ou Sim qui n’ont rien à envier aux Panzanis, importées en devises ou les produits laitiers et leurs dérivés avec de très bons yaourts de différents goûts, une gamme variée de fromages, de très bons biscuits,…Le problème, quand on va faire ses courses, c’est qu’on est «pollué» par les produits étrangers vers lesquels on finit souvent par se pencher, vu qu’on est hanté par l’idée que tout ce qui vient de l’étranger est meilleur. Comment peut-on laisser importer de la tomate en boîte venue de Turquie ou de plusieurs autres pays européens alors qu’elle est fabriquée par plusieurs opérateurs locaux? Même chose pour plusieurs autres produits alimentaires. Malheureusement, on n’importe pas que les grandes marques mais des produits inconnus au bataillon venant de petits pays européens ou asiatiques. Comme des biscuits de Roumanie, des chocolats de Pologne, divers boissons surtout énergétiques venant de pays asiatiques lointains. C’est aussi le cas des produits ménagers, de la lessive…Toutes les pubs que l’on voit à la télé sont rassemblées dans les étals de n’importe quel petit commerçant.

Mais dans ce «souk» étranger on arrive tant bien que mal à gagner notre pari en ne remplissant notre caddy que de produits algériens, laissant derrière nous les cornichons de France, les petits pois surgelés d’Espagne, les mayonnaises françaises…Il faut néanmoins avouer qu’on a triché sur certains produits qu’on a complètement «zappés» de la liste tels que les champignons et le thon, qu’on n’a pas réussi à trouver de fabrication locale alors que logiquement il devrait y en avoir à gogo…!

Cosmétiques: disponibles mais…

Troisième étape: les produits cosmétiques. Dans ce domaine l’offre est abondante cependant la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Nous trouvons pratiquement tous les produits cosmétiques que nous voulons en fabrication locale; seul bémol, les Algériens ne sont pas trop enclins à se tourner complètement vers les cosmétiques locaux mis à part quelques exceptions telles que le dentifrice Natri Bifluor que la majorité des spécialistes recommandent ou quelques shampoings de marques bien connues. «Pour le reste, il faudra attendre que les entreprises algériennes se mettent à niveau», lance la majorité des citoyens rencontrés. «Les parfums sont plus des bombes lacrymogènes, les shampoings et les gels donnent des pellicules, rendent les cheveux rêches ou les font carrément chuter», estime-t-il en démontrant qu’ils n’étaient pas encore prêts à passer aux produits locaux dans ce domaine où ils, surtout les femmes, dépensent des fortunes pour avoir le meilleur. Nous achetons donc nos cosmétiques «made in bladi» mais sans grande conviction. La facture de 700 millions de produits cosmétiques et d’entretien ne semble pas près de baisser!

Ah! ces meubles…

Nourri, blanchi et habillé avec des produits de bien de chez nous, place à l’équipement de la maison. L’électronique et l’électroménager sont les seules véritables industries que nous avons développées, avec les pionnières que sont les marques publiques Enie et Eniem qui ont ouvert la voie au privé algérien tel que Condor. L’ensemble de l’électronique et de l’électroménager est disponible chez eux à bon prix et de bonne qualité. Mais force est de constater qu’ils font face à la rude concurrence des grandes marques internationales qui arrivent à introduire leurs produits à des prix légèrement plus élevés. La réintroduction du crédit à la consommation fera certainement du bien à se secteur en plein développement. Côté ameublement, il a été pratiquement impossible pour nous de trouver du produit local mis à part quelques beaux fauteuils produits par des petites entreprises locales qui tentent de se frayer un chemin au milieu du bazar qui vient de l’étranger.

Pour le reste des meubles algériens il faut s’adresser aux menuisiers ou ébénistes locaux qui vous feront courir comme pas possible et vous n’aurez pas trop le choix pour les modèles, c’est pratiquement le même genre de meubles qu’on trouve déjà faits chez les locaux qui ressemblent à ceux qu’on voyait dans les films de l’inspecteur Tahar. On trouve quelques exceptions cependant chez une ou deux entreprises qui se sont adaptées à leur temps telles que Idir Meubles. Mais ça reste insuffisant pour espérer créer une dynamique du «consommons local…».

En toute franchise

Pour être franc, au vu de notre tournée il est très difficile de consommer local. Il est vrai que nous avons en quelque sorte réussi à le faire mais nous sommes aussi tombés sur des surprises comme les allumettes et les briquets algériens qu’on ne trouve pas, les cure-dents aussi…On n’est même pas capables de fabriquer un tube de colle. Nous avons aussi désespérément tenté de trouver des néons, lustres ou appliques fabriqués sur notre sol, en vain! Les fameux néons de Ghardaïa sont portés disparus. «Li chafhoum». «C’est comme une Ferrari, ils en font en série limitée. Il faut être chanceux pour en avoir une…», rapporte avec humour un droguiste pour expliquer que les produits locaux ne sont pas disponibles en quantité suffisante. Il donne également pour exemple les produits BCR qui sont une référence nationale et même internationale. «Eux aussi sont très rares que ce soit la robinetterie ou la vaisselle. Les gens sont obligés de se rabattre sur les produits italiens, plus chers et de moindre qualité.

Il y a aussi les produits chinois pas chers mais d’une qualité médiocre», précise-t-il en soulignant que plus de la moitié des produits disponibles dans son magasin venait de l’étranger. Cette expérience «mitigée» qui n’a touché que les produits de base nous laisse espérer pouvoir un jour consommer véritablement algérien, à condition de développer plus notre petite industrie, que les produits proposés soient de qualité, disponibles en quantité suffisante et à des prix concurrentiels. Ce qui n’est pas le cas pour le moment, et ce n’est sûrement pas cette campagne de sensibilisation qui va changer les choses ni même les licences d’importation. Faire émerger le «made in Algeria» demandera du temps et un vrai plan de développement, et non un coup de baguette magique comme on essaye de nous le vendre…Enfin, si on veut vraiment vendre le produit local et non du rêve…!