Notre émigration est plus exposée à la daehisation, Un Algérien chez Daesh

Notre émigration est plus exposée à la daehisation, Un Algérien chez Daesh

daesh_869191741.jpgDaesh, une organisation terroriste sanguinaire

Il a 26 ans. Il est instruit et a vécu dans le confort et l’abondance. Et pourtant…

Le djihad en Syrie et en Irak suscite des vocations parmi de jeunes Algériens, surtout ceux établis en Europe et en Amérique. En effet, nombreux sont ces jeunes d’Algérie qui, chacun pour des raisons particulières, se laissent entraîner dans des entreprises tantôt d’endoctrinement ou tantôt d’auto-radicalisation, et se trouvent, vers la fin, enrôlés dans des organisations terroristes comme Daesh. Il en est ainsi de Zoheir O., un jeune Algérien vivant en Allemagne et dont la famille, originaire de Kabylie, sud-est de Tizi Ouzou plus précisément, est installée en Allemagne depuis plus d’une dizaine d’années, qui a rejoint Daesh il y a environ quatre mois.

Zoheir O., né vers la fin des années 1980, est parti très tôt en Allemagne avec sa famille et c’est là qu’il va faire sa scolarité. Bachelier, il a intégré une grande université allemande. Ayant assimilé la culture allemande jusque dans ses profondeurs les plus intimes, il est difficile de le prendre pour un non-germanique. Même son teint blond et sa grande taille le font passer pour un Allemand.

Un des membres de sa famille, Hamid O., avec qui il entretenait une relation plus ou moins bonne et avec lequel il jouait au football lors de ses séjours estivaux en Algérie, qui a bien voulu nous parler de lui, témoigne: «Zoheir était un enfant intelligent et très attachant. On se voyait à peine 15 jours ou un mois dans l’année, mais on a pu rester amis durant des années. Il ne parlait pas beaucoup. Il s’exprimait plus par son visage, ses gestes que par sa langue. C’est un garçon très profond. Je n’aurais jamais cru qu’il pouvait un jour être enrôlé dans une organisation terroriste.» Selon notre interlocuteur, Zoheir O. n’avait rien qui le prédestinait à devenir terroriste.

Les spécialistes des questions liées au terrorisme déploient tout leur talent pour expliquer que «l’on ne naît pas terroriste, mais on le devient» comme le dit Edward Said. Selon Me Daphné Pugliesi, avocate qui a notamment défendu des candidats au djihad en France, «les gens qui partent faire le djihad en Syrie correspondent souvent au même profil: ce sont pour la plupart des hommes entre 15 et 30 ans […] ces jeunes sont à mon sens des personnes qui ont un grave besoin de soutien psychologique». De plus, analyse encore Daphné Pugliesi, les candidats au djihad «ont souvent des histoires familiales très compliquées, n’ont pas grandi dans un environnement sain et ont rencontré les mauvaises personnes au mauvais moment».

Zoheir O. a-t-il donc une histoire familiale très compliquée? A-t-il grandi dans un environnement malsain? A-t-il rencontré les mauvaises personnes au mauvais moment? Selon Hamid O., «Zoheir O. a eu une vie très équilibrée et un parcours serein depuis qu’il était enfant. A l’université où il a préparé un diplôme en physique des fluides, il était brillant. Ce qui est par contre vrai et qui l’aurait peut-être influencé, c’est le fait que ses parents soient trop tournés vers la religion. On peut même dire que ce sont des islamistes introvertis, c’est-à-dire, qui ne montrent pas qu’ils sont islamistes. Zoheir a donc vécu dans une ambiance familiale très marquée par le référent islamiste qui est vécu, en plus, comme étant une tare dans une Allemagne pas toujours indulgente sur les questions religieuses. Ceci a sans doute marqué, même inconsciemment, Zoheir.» Ces éléments fournis par Hamid, dont la soeur est la mère de Zoheir, battent en brèche toute les théories selon lesquelles ce seraient la pauvreté, le déficit en instruction, les problèmes familiaux, etc., qui poussent les jeunes émigrés à s’auto-radicaliser et à s’enrôler dans les rangs de Daesh. Car, comme nous l’a expliqué son parent, Zoheir a vécu dans la prospérité et le confort, et a un niveau d’instruction très élevé. Et pourtant…

Certains experts du terrorisme cités par des sources médiatiques étrangères dont Marianne, France Info, etc., expliquent le départ au djihad en Irak et en Syrie autrement. «Chaque profil est un cas à part mais ils sont tous en situation de vulnérabilité. Certains sont partis juste à titre humanitaire pour sauver les enfants syriens. D’autres ont été enrôlés par leurs amis ou leurs familles et, une fois sur place, chacun a rejoint une faction différente. Ils se sont donc retrouvés à s’entre-tuer alors que leur objectif commun était de combattre Bachar al-Assad. Et il y a ceux qui se voyaient en ‘Che Guevara », rêvant de révolutions et de kalachnikovs, et qui se sont retrouvés à éplucher les pommes de terre ou à servir de chair à canon. Globalement, on voit émerger une nouvelle génération de djihadistes, âgés de 20 à 34 ans, dont de plus en plus de femmes, mais qui reste encadrée par les anciennes générations de combattants» pense-t-on. Zoheir O. fait-il partie alors de ces types de djihadistes? Ou alors est-il de ces quêteurs d’utopies partis s’inventer un autre destin après avoir goûté à tout dans une Allemagne de plus en plus prospère, mais de moins en moins compréhensive?