Louisa Hanoune : “L’argent douteux est devenu la plus grande menace pour l’Etat algérien”

Louisa Hanoune : “L’argent douteux est devenu la plus grande menace pour l’Etat algérien”

louisa-hanoune-pt_848058_679x417.jpgSommée récemment de « fermer sa gueule » par un proche du nouveau président du Forum des Chefs d’entreprises (FCE), Ali Haddad, la secrétaire général du Parti des Travailleurs, Louisa Hanoune a, une fois de plus, dénoncé au cours du « petit déjeuner » d’El Khabar, la menace représentée, selon elle, par le poids politique grandissant de « l’argent douteux » dans la décision politique.

Louisa Hanoune avait rétorqué à la sommation de « fermer sa gueule » du concessionnaire automobile, Mohamed Baïra par un tonitruant « aucun baltagui ne me fera taire ».

Elle l’a montré, une fois de plus, en soutenant que le poids de l’argent et des affaires au sein des institutions est devenu « la plus grande menace contre l’Etat ».

Louisa Hanoune a par ailleurs insisté sur la nécessité de juger Chakib Khelil, l’ancien ministre de l’énergie, en « fuite » aux Etats-Unis et sur lequel pèse des accusations de corruption.

Rien ne justifie, selon elle, le retard pris dans le processus de révision de la Constitution. Il aller vite, a-t-elle dit, vers un « processus de réforme sérieux afin de faire face aux menaces qui pèsent sur l’Algérie et des tentatives de pressions et de harcèlement venant de l’extérieur ».

Elle a dénoncé « l’impunité » et le système « clientéliste » reflété par l’existence d’une « classe de parasites qui entourent le groupe du président Bouteflika et qui profite matériellement de ses années de règne ».

La démocratie, affirme-t-elle, est la « meilleure voie pour mettre fin à la corruption et au phénomène de l’octroi de contrats de gré à gré et les pots-de-vin qui l’accompagne ». Le président Bouteflika, a-t-elle déclaré, « a pris de nombreuses décisions utiles mais la corruption a peut-être masqué les aspects positifs ».

A la question de savoir « qui décide » dans le pays, elle estime qu’il existe un « équilibre » dans la prise de décision au sein de l’Etat. « Ce que nous voulons est de construire un Etat démocratique où il n’y pas de place à l’argent douteux qui mine l’Etat actuellement. C’est une fragilité qui fait beaucoup peur ».

Des responsables octroient des contrats publics à leurs enfants!

Elle accuse des responsables et des ministres d’octroyer des contrats publics à leurs propres enfants et à leurs proches. Certains détiennent des agences de publicité qui se multiplient comme des champignons. Elle appelle la cour des comptes à se saisir de ce dossier. « La corruption fait partie du régime.

Les hommes d’affaires qui ont obtenu la grande part du gâteau ont été aidés par ces responsables ». Mme Hanoune s’abstient de citer des noms « car la situation du pays ne le permet pas, l’appareil judiciaire, lui-même, ne protège pas les témoins ».

Il faut, a-t-elle dit, « une révision constitutionnelle et institutionnelle profonde qui introduit une séparation radicale entre l’argent et la décision politique ».

En réponse à l’appel de la CNLTD, Mme Hanoun estime que le pays n’a pas besoin d’une élection présidentielle anticipée mais « d’élections législatives anticipées suivies d’élections locales ».

Selon elle, l’Algérie ressemble aux dix dernières années du régime de Moubarak avec la montée en puissance d’argent dans les arcanes de l’Etat et l’extension de la corruption.

« Il y a, dit-elle, des crédits qui sont octroyés pour des projets qui ne voient pas le jour. La Cour des comptes ne doit pas se contenter de contrôler le secteur public, mais doit le faire également pour le secteur privé ».

« Sellal m’a dit : Bouchouareb ne peut toucher à la règle du 51/49 »

La règle dite du 51/49% (qui impose une majorité algérienne dans les entreprises) très décriée par le patronat, les experts et aussi les partenaires étrangers de l’Algérie, Mme Hanoune y tient. Elle refuse l’explication selon lesquelles les déclarations contradictoires des responsables sur le retrait ou non de cette règle sont liées à l’absence d’un « pouvoir fort du fait de la maladie du président ».

La SG du PT rappelle que cela existait avant et que le « président Bouteflika disait une chose et le trio Temmar, Khelil et Benachenou venait dire le contredire ».

Pour elle, on est en toujours dans un régime de parti unique qui vit une situation de « décomposition » mais ce qui a évité à l’Etat algérien de « s’effondrer est le maintien de son caractère social même s’il est fragile.. ». En tout état de cause affirme Hanoun, la règle du 51/49 ne va pas être supprimée.

Elle indique avoir pris contact avec M.Sellal pour lui demander des éclaircissements sur ce que dit le ministre de l’industrie au sujet de sa suppression du code des investissements. « Sellal m’a confirmé que Bouchaoureb ne peut supprimer la règle ». Et si le président Bouteflika décidait de la supprimer, elle s’y opposera…

Louisa Hanoune a évoqué également des « chantages extérieurs » notamment de la « France et des Etats-Unis qui exercent des pressions sur notre pays pour orienter sa politique de défense et sa diplomatie. Elle pour jouer un rôle de gendarmes en Libye et au Mali ».

Salaire des députés : la répulsion

Au sujet de la proposition de révision du statut de députés qui suscite des réactions de rejet, Mme Hanoune la qualifie « d’acte de provocation qui n’a aucun lien avec la morale politique. Ces députés légifèrent pour leur intérêt personnel étroit ». Les députés qui veulent augmenter les indemnités et obtenir un passeport diplomatique « suscitent la répulsion et l’indignation de tout militant attaché à la démocratie ».