Les scandales financiers en Algérie menacent la sécurité nationale

Les scandales financiers en Algérie menacent la sécurité nationale

2013_02_Khelil_482330232.jpgLes scandales à répétitions qui touchent la majorité des secteurs, repris par la majorité des médias internationaux discréditent l’image de l’Algérie au niveau international, en précisant que toute personne est innocente sauf preuves à l’appui.

Il devient impérieux pour des plus hautes autorités, aux segments actifs de la société, aux intellectuels, aimant ce beau pays qu’est l’Algérie, d’arrêter cette dérive et de réagir avec fermeté car la sécurité nationale est menacée.

La corruption existe de par le monde et depuis l’indépendance  politique en Algérie mais depuis quelques années elle a pris des proportions inégalées classant l’Algérie comme un des pays les plus corrompus au monde. Et l’erreur est d’avoir déversé une masse monétaire colossale sur le marché avoir sans prévu des mécanismes de contrôle et de surcroît gelant certains institutions comme la Cour des comptes.

Le bilan doit être fait sans complaisance, ni sinistrose, ni autosatisfaction. Il est évident que l’impact de la dépense publique de 500 milliards de dollars entre 2004/2013, est très mitigé. Outre la faiblesse d’affectation de la ressource financière aux secteurs dynamisant, ce qui se traduit par des pertes considérables pour la nation, faute de cohérence dans la politique socio-économique, si on avait économisé seulement 10% par une meilleure gestion et une lutte efficace contre la corruption, le gain net serait de 50 milliards de dollars soit 1850 milliards de dinars algériens.

Aussi, me limitant à la rente des hydrocarbures, qui constitue le poumon du pouvoir, car les autres secteurs sont irrigué par cette rente, l’Algérie ne pourra aller vers un Etat de droit, une bonne gouvernance que si  six conditions questions fondamentales sont traitées dans la plus grande transparence.

1.- Revoir le fonctionnement de l’Etat en s’attaquant au fonctionnement de la société réelle et non pondre de institutions bureaucratiques budgétivores condition d’une justice indépendante  non aux ordres de l’exécutif. L’efficacité des institutions passe par une nouvelle gouvernance, un Etat de droit, plus de libertés et une réorientation de toute la politique socio-économique en s‘attaquant à l’essentiel.

Il existe un théorème en sciences politiques dit 80/20%. 80% d’actions mal ciblés que l’on voile par de l’activisme ministériel, ne donnent qu’un impact sur 20%, alors que 20% d’actions bien ciblées donnent au contraire un impact de 80%. A ce propos, combien d’entreprises publiques et privées ont la comptabilité analytique indispensable pour cerner les coûts et combien de Ministères et administrations algériennes sont régies par la rationalisation des choix budgétaires où sans ces instruments le contrôle externe est presque impossible ?

2.- Établir un audit financier  indépendant  de la  gestion de la rente de Sonatrach qui est la propriété de tout le peuple algérien impliquant un calcul cumulé sur plusieurs décennies  pour déterminer les évolutions, et la part investis par Sonatrach structurellement et le versement au trésor.

3.- Établir un audit de la distribution de la rente (98% des exportations étant constituées des hydrocarbures) structurellement depuis plusieurs décennies  impliquant l’audit du système financier notamment public, appendice  de la rente des hydrocarbures, les banques publiques accaparant 90% des crédits globaux octroyés, véritable enjeu de pouvoir expliquant que les réformes souvent annoncées sont renvoyées au calendes grecques.

4.- Établir un audit sur la gestion des réserves de change d’environ 200 milliards de dollars début janvier 2013 non compris les 173 tonnes d’or, 86% étant placées à l’étranger devant préciser, la nature, en bons de trésor, en obligations européennes ou dans des banques internationales privées , dans quel pays et à quel taux d’intérêt avant  et après la crise de 2008.

5.-Un audit  sur le fonds de la régulation des recettes, qui n’existe nulle part dans le monde, devant le différencier des fonds souverains qui a montré son inefficacité. Nous assistons  périodiquement à des lois de fiances complémentaires, le gouverneur de la banque d’Algérie ayant affirmé récemment que l’Algérie fonctionne sur la  base d’un cours  de 110 dollars le baril alors que les lois  de finances entre 2000/2012 a été établi sur la  base de calcul au départ de 19 dollars et ensuite à  35 dollars. Ce fonds est géré  d’une manière occulte, à l’instar des différents comptes spéciaux, qu’il convient  de supprimer après l’audit, devant établir chaque année la loi de fiances sur la base du cours  du marché quitte à placer l’excédent dans un fonds pour les  générations futures.

6.- Un  audit sur les impacts de la dépense publique, entre 2000/2012 mettant en relief à la fois la dépense monétaire et les réalisations physiques, avec des comparaisons internationales pour des projets et pays similaires. Et particulièrement son impact sur le taux de croissance notamment l’émergence d’entreprises compétitives, sur le taux de chômage non artificiellement gonflé mais le réel, sur le social notamment sur le niveau de l’inflation et sur le pouvoir d’achat de la majorité de la population en spécifiant la répartition du revenu national et du modèle de consommation entre les différentes couches sociales.

7.- Un audit sur la balance services renvoyant à une quantification de la perte due à l’exode des cerveaux et la marginalisation des compétences locales et donc du pourquoi le passage d’un montant de 2 milliards de dollars en 2002 à plus de 12 milliards de dollars fin 2012 ?

Ce sont-là les sept questions fondamentales auxquelles le pouvoir algérien doit répondre en urgence, loin de tout discours démagogique qui ne porte plus ou se complaisant dans le silence en espérant qu’avec le temps on oubliera. C’est une lourde erreur politique car n’existe pas d’oubli dans la conscience populaire et comme l’ont montré les psychanalystes avec des refoulements qui peuvent conduire à des violences. Que l’on évite d’incomber la responsabilité à l’extérieur alors que le mal profond est en nous, ou à des force occultes internes, personne ne pouvant se targuer d’être plus nationaliste qu’un autre.

Ainsi, sans le rétablissement de la morale et la démocratisation, tous les discours et toutes les institutions bureaucratiques mis en place demeureront inefficaces avec le risque d’une implosion sociale à terme que l’on couvre par la distribution de la rente aboutissant à une corruption socialisée. Evitons la sinistrose, l’Algérie ayant  toutes les potentialités pour réussir face à cette mondialisation impitoyable où toute nation qui n’avance pas recule, mais également l’autosatisfaction à l’image de Narcisse : c’est moi qui ai raison et tout le reste est mensonge.

La sécurité nationale étant posée, il y a urgence de redresser la situation de l’Algérie qui traverse une crise multidimensionnelle. Des débats contradictoires productifs, un dialogue serein et responsable loin de tout autoritarisme bureaucratique ère des années passées, deviennent nécessaires. Continuer dans l’actuelle voie où la société algérienne devient anomique (désintégration des normes sociales où la moralité devient absente) est suicidaire pour le pays à l’image du Titanic où les gens dansaient pendant que le bateau coulait.

La démobilisation de la population algérienne qui traverse, à travers les différents scandales financiers, une névrose collective, se traduit  par un divorce croissant Etat/citoyens. Pour la plupart des experts internationaux algériens et étrangers il s’agit d’éviter cette utopie de disserter sur la possibilité de l’Algérie comme pays émergent, de surcroît micro-Etat devant s’insérer dans une espace plus large pour profiter des économies d’échelle, des recettes techniques efficaces sous d’autres cieux.

L’économie algérienne est caractérisée par le syndrome hollandais (exportation que des hydrocarbures et important presque tout) où la crise  est avant tout politique devant passer par la refondation de l’Etat pour asseoir un Etat de droit , sur des bases démocratiques tenant compte de notre anthropologie culturelle.

Les fondateurs de l’économie et récemment les institutionnalistes prix Nobel  ont nettement mis en relief que l’économie est avant tout politique. Méditons cette phrase pleine de sagesse du grand philosophe Aristote : « Le doute est le commencement de la sagesse« .

Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités