Les sans-domiciles fixes : Un quotidien infernal.

Les sans-domiciles fixes : Un quotidien infernal.

Seuls, en famille, petits et grands… ceux que l’on baptise les sans-domiciles fixes (SDF), ces exclus de la société, vivent dans la rue pour différentes raisons. Ils souffrent le martyre, non seulement à cause de l’insécurité, mais aussi des conditions déplorables et dramatiques dans lesquelles ils évoluent. Ils sont des milliers en Algérie.

Quand le froid arrive, il est encore plus insupportable de voir la détresse de cette catégorie vulnérable qui est livrée à la rue. En effet, ce phénomène des sans-abri prend de plus en plus de l’ampleur dans notre société, notamment, au vu de la croissance des problèmes familiaux. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants, qui sont affectés par ce fléau social qui n’a pas de remède. A travers, cette enquête effectuée, par nos soins, nous essayons de découvrir et de comprendre les causes de ce phénomène croissant.

Plusieurs questions se manifestent à ce propos. Qui sont ces SDF ? D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Sont-ils condamnés à suivre le chemin qui mène à l’enfer ? Quelles sont les causes qui les ont fait rompre leurs liens avec leur famille et la société pour se retrouver sans toit, ni travail.

Il faut dire qu’être sans-abris ne consiste pas uniquement à dormir dans la rue… On considère aussi comme sans-abris les personnes contraintes de vivre dans des logements temporaires, insalubres ou de piètre qualité. Les sans-abris peuvent être confrontés à une espérance de vie réduite, des problèmes de santé, des discriminations, de l’isolement et des difficultés d’accès aux prestations et services publics de base.

Il s’est avéré que la plupart d’entre eux ont été pourchassés de leurs domiciles plus particulièrement suite à des conflits familiaux (orphelins, veuves, divorcées, handicapés). Ils se trouvent face à un dilemme… ils sont abandonnés à leur triste sort, d’une part, et sont négligés par les autorités concernées, d’autre part. Il va sans dire que ces derniers ont des comportements arrogants.

Ceci, en plus des dangers qui les menacent à chaque instant, principalement la nuit, ils sont exposés constamment aux agressions des délinquants. Ces victimes de la société sont livrées à elles-mêmes sans aucune ressource financière. Face à leur situation déplorable, sont-ils vraiment considérés comme des damnés de la terre ?  Ces gens ne sont classés dans aucune catégorie sociale du pays.

En majorité beaucoup sont ceux qui les méprisent et les traitent le plus souvent de parias car, selon eux, ils salissent et ternissent l’image de la Capitale… et pourtant les SDF sont partout même dans les plus belles et plus grandes villes du monde. Dans ce cas, pourquoi ne pas les prendre en charge ? Pourtant, il existe des services pour prêter assistance à ces personnes en détresse. La hantise se lit sur leurs visages livides. Ils sont condamnés à lutter contre la canicule, le froid glacial, la faim, ceci sans aucune perspective d’avenir. Ce sont des personnes en détresse psychologique, car ayant perdu tout moyen de réintégrer la société.

CRA, Protection civile et services de sécurité sur tous les fronts

Afin de venir en aide à cette catégorie de la société, les éléments de la protection civile effectuent une double mission. Les interventions dans la rue, effectuées quotidiennement par les équipes mobiles, et le secours psychologique, social et médical, dans le cas où ces personnes se trouveraient en détresse sociale, mais aussi en cas d’urgence médicale.

D’autre part, ils sont appelés à accompagner ces malheureux aux centres de transit qui les recueillent durant quelques jours avant d’effectuer un autre voyage vers une autre destination. Par ailleurs, il a été constaté que ces marginaux battent le pavé pendant des années dans cette situation déconcertante. Ils errent à longueur de journée dans les quartiers mal famés de la capitale. Ils sont le plus souvent étendus à proximité des décharges publiques. Beaucoup d’entre eux sont exposés aux morsures des rats et des chiens errants qui prolifèrent dans ces endroits malsains, surtout après les chutes de pluie.

Selon des statistiques, des dizaines de sans-abri meurent dans l’anonymat le plus total, particulièrement pendant la période hivernale suite à la baisse sensible de la température. Nous avons pu constater, à maintes reprises, que des véhicules appartenant au Croissant-Rouge algérien (CRA) sillonnent tous les jours les grandes artères d’Alger pour porter aide et assistance à ces SDF, en leur distribuant des repas chauds. De toute évidence, la protection civile et le CRA viennent toujours au secours de ces personnes en détresse, dans les  moments difficiles.

Ces oubliés de la société… sont condamnés à vivre dehors sept jours sur sept. Nuit et jour, ils luttent contre la canicule, le froid glacial, la faim, sans aucune perspective d’avenir, et ce sont des personnes en détresse psychologique car ayant perdu tout moyen de réintégration. Cette déshonorante appellation d’une personne ou d’une famille qui, faute d’avoir un toit comme tout le monde, se retrouve malgré elle à la rue dans un hiver très froid. Il est à rappeler que ces sans-abri, hommes, femmes, adolescents, enfants en bas âge passent des nuits terribles dans des endroits qui ne sont pas sécurisés.

D’autres les passent devant des commissariats de police. La majorité d’entre eux préfèrent aussi les passer sur des trottoirs jusqu’à ce qu’ils soient dérangés par des locataires d’un immeuble ou par la venue surprise d’un chien errant. Devant cet état de fait, ces sans-abri de tous âges et sexes confondus souffrent terriblement de la malnutrition et du manque de sommeil. Certains les regardent avec compassion, d’autres avec mépris.

Un spectacl affligeant

Comment sont-ils arrivés à cette situation dégradante ? Il faut connaître leur histoire pour découvrir la vérité. Chacun d’eux à son histoire. La plupart d’entre eux ont été chassés par leur propre famille, dont les causes principales sont multiples. D’autres personnes ont fui leurs villes ou villages natals pour mener une vie aventureuse à la recherche d’un travail dans la capitale et sa banlieue.

Confrontés aux déboires de la vie qu’ils ont subis, ils sont contraints de demeurer dans la capitale dans l’espoir de trouver un emploi. Malheureusement, ils se retrouvent parfois piégés… L’étau se resserre davantage autour d’eux. Ainsi, ils se trouvent dans l’obligation de faire la manche ou à défaut s’adonner à des activités malhonnête pour survivre ou amasser de l’argent pour retourner chez eux après avoir fait chou blanc.

Les enfants sont, dans la plupart des cas, des victimes de divorces de leurs parents. ils se trouvent du jour au lendemain décramponnés dans la rue à leur triste sort, sans aucune ressource. Devant une telle situation répugnante, ils doivent se débrouiller au péril de leur vie pour survivre tant bien que mal. Ils se retrouvent obligés de commettre des vols et même parfois d’agresser des passants pour leur soutirer de l’argent ou un objet de valeur. Les filles, quant à elles, sont une proie facile pour les violeurs ou recrutées à la débauches. Un vrai calvaire pour ces innocentes victimes de la société.

En outre, ils sont vulnérables aux diverses maladies contagieuses et chroniques qu’ils peuvent contractés suite aux endroits insalubres qu’ils fréquentent pour s’adonner à leurs activités le plus souvent malhonnêtes. Ils se livrent à la drogue et s’adonnent à la boisson pour oublier les problèmes engendrés par leur famille. Ils sont tout déguenillés errent sans but précis dans les rues de la capitale. Ils se contentent de dormir et de manger à même les trottoirs sans prêter attention aux passants qui défilent devant eux.

Pas de place dans les centres d’hébergement

Dans la wilaya d’Alger, les SDF, qui sont nombreux, sont recroquevillés dans leurs misérables couvertures et emmitouflés dans des habits de fortune, ne laissant apparaître que des yeux hagards et désespérés…

Ils squattent le boulevard Che Guevara, le Square Port Said, la rue Abane Ramdane, la rue Amirouche vu que toutes ces rues sont dotées d’arcades où ils ont élu domicile, au cours des cinq dernières nuits pluviales et glaciales, dans les cages d’escaliers, sous les arcades ou aux alentours des mosquées aux aguets du moindre point de chaleur permettant à ces SDF d’être protégés de la pluie et des bourrasques.

Fatiha âgée de 35 ans, divorcée, vit aujourd’hui une situation difficile dans la rue avec sa fille âgée de 6 ans qui fait la manche aux passants, contrairement aux enfants de sont âge qui sont scolarisés et vivent leurs enfances.

Une vue qui donne mal au cœur. Il y a aussi Hayet, qui elle, a trois enfants, le plus jeune a, à peine 2 ans et l’aînée 5 ans, fille d’une mère célibataire, sa vie n’a pas été tout aussi rose, elle se retrouve très jeune marié et mère de famille, mais son bonheur est de courte durée, son mari se retrouve en prison pour possession de drogue, n’ayant pas le moyens de payer une modeste chambre elle se retrouve à la rue avec ses enfants. Bien entendu, en pleine période glaciale elle s’empresse de contacter les centres qui lui permettront elle et sa petite famille de dormir au chaud et en sécurité, hélas ! Au centre de Dely Ibrahim on lui dit qu’il faut attendre juin, celui de Zghara carrément la réponse est «il n’y a pas de place».

L’aide des âmes charitables

En cette période hivernale, des campagnes de prise en charge de cette catégorie sont lancées par des âmes sensibles. Des associations, non gouvernementales, participent à ces actions en assurant des couvertures, des repas et des vêtements chauds. Ces cas sociaux ne trouvent même pas un coin où se réfugier à la tombée de la nuit.

Dans l’obscurité le plus fort fait sa loi… les piétons évitent les ruelles pour ne pas se faire agresser. De nombreux citoyens interrogés à ce sujet pensent qu’il est inadmissible de laisser ces personnes vivre dans ces conditions.

La prise en charge de ces personnes exige une action sérieuse pour couvrir leurs besoins et les prendre en charge convenablement. Le mouvement associatif est également présent avec panache dans les rues de la capitale, l’association Joie des cœurs, l’une des nombreuses associations caritatives qui œuvrent quotidiennement avec les plus démunis, l’un de ses créneaux est l’aide aux sans-abri. Ne nous voilons pas la face, c’est vrai que le nombre de SDF augmente d’année en année…

    Sihem Oubraham


Alger

Les jeunes s’y mettent

Un groupe de jeune formé de quinze personne ont pris l’initiative, la nuit du jeudi au vendredi dernier, de faire une tournée nocturne dans la perspective d’apporter de l’aide aux sans domicile fixe. Lors de cette tournée qui a été entamée à 20h ces jeunes dont l’âge ne dépassant pas les 29 ans ont distribué des repas chauds, des couvertures et des vêtements. «Nous sommes un groupe d’amis qui avions pris cette initiative depuis longtemps», nous dira Abdelhamid Larbi. Ce dernier qui avait créé un groupe sur facebook qu’il avait baptisé « Clubbing VIP », qui compte plus de 13.000 membres. Un espace où les jeunes peuvent partager des avis et des expériences.

Contacté par nos soins, ce jeune opticien de profession et administrateur du groupe a expliqué «cette idée nous est venue d’une jeune femme membre, qui avait mis un message pour nous proposer d’être aux côtés des SDF, en nous informant qu’elle avait des vêtements à mettre à la disposition de ces malheureux… c’est de là que tout le monde a décider d’y participer…, chacun ses moyens» , a-t-il dit.

Tout en remerciant tous ceux qui ont contribué à la réussite de cette opération, Abdelhamid a tenu à souligner «nous étions une quinzaine de personne sur le terrain et on a pu aider un nombre important de sans abris… Il y a même ceux qui ont proposé des sommes d’argents que nous avons refusé». «Grâce à eux nous avons pu distribuer plus de 150 repas, des bouteilles d’eau, des fruits, des produits laitiers, des couvertures, et des vêtements chauds pour hommes, femmes et enfants en sillonnant quelques communes de la capitale… Place du 1er Mai, Square Port Said, Place Des Martyrs et Bab El Oued».

Et d’ajouter «si nous ne sortons qu’une nuit par semaine, c’est pour laisser aux associations et groupes qui essayent, eux aussi, de distribuer de la nourriture», conclut-il.     S. O.

Selon la DGSN

92,86% des SDF sont issus de l’intérieur du pays

La vie de SDF est une réalité qui ne touche pas seulement la capitale Alger. Des statistiques ont dévoilé que les SDF sont comptés par milliers. Sur un pourcentage de 100 à  90% sont des hommes et 10% sont des femmes. Aussi, 92,86% des SDF sont issus d’autres wilayas. Selon les statistiques de la DGSN, Alger compte pas moins de 7.959 personnes sans domicile fixe.

En 2015, il a été enregistré plus de 1.500 sans-abris au niveau de la Capitale. Ce chiffre témoigne, à lui seul, de l’ampleur de ce drame qui dévoile la face cachée de l’Algérie. D’autre part, il est à rappeler que le nombre des sans-abris augmente chaque jour.