Les Algériens veulent savoir qui a tué Krim Belkacem

Les Algériens veulent savoir qui a tué Krim Belkacem

a18-krim-belkacem.jpgIl s’est rendu de Düsseldorf à Frankfurt pour rencontrer un mystérieux couple d’amis qui l’a entraîné vers la mort.

Il y a 42 ans jours pour jour, le 18 octobre 1970, Krim Belkacem, le héros de la révolution algérienne a été retrouvé étranglé à l’aide de sa cravate dans une chambre d’hôtel à Frankfurt, en Allemagne. Qui l’a tué? La Sécurité militaire dirigée à l’époque par Kasdi Merbah? A-t-il été exécuté sur instruction de l’ancien président Houari Boumedienne? A qui profite le crime? Parti de sa résidence au Maroc le 14 octobre 1970, pour un rendez-vous avec des émissaires venus d’Alger pour le convaincre de regagner le pays en vue de reconquérir le pouvoir. Il convient de noter que cet épisode intervient trois ans après le coup d’Etat échoué qu’avait mené le colonel Tahar Zebiri pour renverser le président Boumediene. Selon l’acte de décès établi par la police allemande

«Krim Belkacem né le 15 décembre 1922 est mort entre le 18 et le 20 octobre 1970». La police allemande a précisé que le défunt a été retrouvé délesté de tous ses objets, sa bague, sa montre et ses papiers. En fait, il n’y a point de mystère sur les raisons qui ont conduit à l’élimination physique de ce chef de la Révolution algérienne. Méfiant? Krim l’a toujours été. A-t-il été attiré dans un guet-apens? Certainement lorsqu’on connaît l’homme. Certaines sources évoquent, non sans raison, le nom d’un certain Abadou, ami du défunt, un Algérien établi à Beyrouth où il dirigeait un casino. Des témoins décrivent M. Abadou comme un sulfureux personnage qui aurait aussi trempé dans le commerce des armes. D’autre part, des sources sûres, rapportent que c’est ce même Abadou qui aurait joué le rôle de go between pour la rencontre de Krim avec des émissaires dépêchés d’Alger. Arrivé en Allemagne, Krim aurait suspecté un climat délétère. Trouble.

Il a préféré retarder le rendez-vous avant de rencontrer à Düsseldorf, ses interlocuteurs. Ensuite, à l’issue de ses entretiens il a quitté Düsseldorf pour Frankfurt où l’avait rencontré un couple d’amis, à l’hôtel Intercontinental. Précision: Krim n’y avait pas réservé de chambre dans cet hôtel.

Et c’est dans l’une des chambres de cet établissement que l’on retrouvera le corps inanimé et violacé de Krim 48 heures plus tard. Qui était ce mystérieux couple? Un demi-siècle après l’Indépendance du pays, les citoyens ont le droit de connaître la vérité. Toute la vérité sur leur Histoire.

Que notre révolution ait dévoré ses enfants n’est pas une spécificité algérienne. Comme dans toutes les grandes révolutions qui ont marqué l’Histoire de l’humanité, leurs chefs s’entretuaient et s’éliminaient entre eux. Pour ne citer que ces deux exemples: dans la révolution bolchevique de l’ex Urss, Staline a exécuté Trotski et la révolution chinoise a vu l’élimination de son ministre de la Défense Lin Piao qui trouve la mort dans un accident d’avion. C’est dire que l’Histoire est jonchée de grandes purges entre chefs. Mais Il y a un temps pour la guerre, un temps pour la paix. Encore faut-il avoir le courage de dire toute la vérité des faits à la génération qui n’a pas connu la guerre de Libération nationale pour assainir tous ces contentieux historiques. Car 50 ans après l’Indépendance, l’Algérie peut-elle encore se permettre un autre scandale comme celui de l’affaire du colonel Amirouche et Si El Haouès? Les dépouilles des deux colonels tués par l’armée française le 29 mars 1959 ont été séquestrées dans le plus grand secret.

Il aura fallu attendre 1984 pour que le défunt président Chadli Bendjedid décide de lever le secret et que les deux corps soient exhumés des caves de la Gendarmerie nationale pour être enterrés au cimetière d’Al Alia, à Alger. 50 ans après l’Indépendance, est un temps suffisant pour déclassifier le dossier tout autant d’ailleurs que ceux des autres assassinats de Mohamed Khider ou Abane Ramdane.

Le signataire des accords d’Evian a été le seul parmi les neuf chefs historiques de la Révolution à échapper aux rets du Sdece (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage français) et à tous les coups tordus de la Main rouge. Rabah Bitat a été arrêté en mars 1954, soit 4 mois après le déclenchement du 1er Novembre 1954. Didouche Mourad est tombé au champ d’honneur le 18 janvier 1955 à Condé-Smendou, près de Constantine. Ben M’hidi a été arrêté par hasard le 23 février 1957 à Alger. Benboulaïd a été liquidé en mars 1956 par un colis piégé des services français. Mohamed Boudiaf, Ahmed

Ben Bella, Mohamed Khider et Hocine Aït Ahmed ont été arrêtés le 22 octobre 1956 par l’armée française suite au détournement de l’avion civil marocain qui les menait vers la Tunisie. Et enfin, Abane Ramdane a été exécuté par les siens entre le 24 et le 26 décembre 1957, dans une ferme isolée entre Tétouan et Tanger au Maroc. Restait donc seul maître à bord de la Révolution, le Lion des djebels. On ne présentera jamais assez Krim Belkacem qui a gagné ses galons sur le champ de bataille d’abord, et ensuite dans le tapis vert à Evian pour la conclusion de la paix après sept ans et demi de guerre. Krim a pris le maquis contre le colonialisme dès 1947 à la tête d’une armée de près de 2000 hommes et a signé la paix le 19 Mars 1962. Une vraie légende qui appartient aux Algériens et qui ont le droit de savoir qui a tué leur symbole de courage et de liberté.