Les Algériennes sont agressées et insultées à Alger

Les Algériennes sont agressées et insultées à Alger

n38233_files_imagecache_300_pixels_pierre_puchot_photos_dsc_0034_1.jpg«Rentre chez toi et habille-toi correctement, fille des rues. Sale graine! Tu n’as pas honte de discuter avec un garçon que tu ne connais pas ?», le sarcasme fuse d’un bus.

Un jeune garçon, la vingtaine révolue, le kit man suspendu à l’oreille, la tête coiffée d’une casquette et portant une barbe, lance cette flèche contre une fille qui discutait avec un garçon, sur le trottoir, au pied de la mairie de Kouba, à Alger.

Touchée dans sa dignité, la fille réplique par «un doigt d’honneur» ou «d’horreur», c’est selon.

Le bus redémarre et le garçon replonge dans «le monde d’Ali Baba et les quarante voleurs» du kit man.

La scène se déroule un jour de Ramadhan, vers 16h30. En provenance de Ben Omar, le bus continue son chemin vers la place du 1er-Mai.

L’incident suscite des commentaires. «Comment peut-on se permettre de porter atteinte à des filles que l’on ne connaît pas de la sorte ?», fulmine un passager, apparemment d’un niveau d’instruction élevé.

Son compagnon l’invite à se calmer et relativise: «Nous sommes au mois de jeûne. Les nerfs sont à fleur de peau. Se sentant agressé par la tenue et le comportement de la fille, le garçon a réagi violemment».

Peu convaincu, l’autre reprend en s’exclamant: «Hé! Mais c’est de l’atteinte aux libertés individuelles qu’il s’agit là.» Alors que le garçon semble ne pas broncher, un autre passager intervient: «Ces dernières années, nous assistons à une remontée inquiétante de l’intolérance dans la société».

Diplômé en sciences politiques à l’université d’Alger, ce dernier raconte: «J’étais étudiant à la faculté des sciences politiques de l’information. Un jour, j’étais en compagnie de ma copine. Nous étions assis, adossés au mur d’une salle qui sert d’endroit à la prière. J’ai dû quitter ma compagne quelques instants. A mon retour, j’ai été surpris par la présence d’un autre étudiant qui exigeait de ma copine de quitter les lieux».

L’ancien étudiant se souvient encore de la réaction dudit étudiant: «Devant l’insistance de l’intrus, j’ai dû faire preuve de fermeté. Devant mon intransigeance, l’étudiant a rebroussé chemin et regagné la salle des prières».

Un autre intervenant, ancien émigré a, pour sa part, été «choqué par une scène qui s’est déroulée, ces derniers jours, à la rue Mauritania».

Ecoutons-le: «Arrivé sur les lieux, je fus attiré par un incident. Prenant pour cible une fille, un garçon déverse sur elle des vertes et des pas mûres».

Un moment, puis, «l’imigri» renchérit: «A quelques encablures du lieu où se déroulait la scène se trouvaient deux policiers.» «L’ imigri» s’attendait à une réaction de leur part. Il fut servi. Jugez-en, ou laissons, plutôt «l’imigri» continuer le récit.

Apprécions: «La fille partie, le garçon rejoint les deux policiers…Le récit intéresse de plus en plus les autres.» «Quelle a été la réaction des policiers?», demande l’un d’eux.

«Des plus inattendues», réplique «l’imigri» qui continue: «En vrais camarades d’occasion, les trois se sont mis à palabrer. L’un des policiers est allé jusqu’à traiter la fille de traînée! Hachakoum».

Là se pose le problème de l’absence de l’autorité de l’Etat sur la voie publique.

Pis, ceux qui sont censés faire respecter la loi, à l’instar des deux policiers, cautionnent des pratiques négatives de la chose publique.

Entre-temps, le bus fait escale devant la cour d’Alger. Une halte, puis, la discussion reprend.

Cette foi-ci, c’est «l’instruit» qui reprend la parole. Ce dernier raconte: «A Sahat Chouhada (place des Martyrs), j’ai vu un vieillard agresser une fille».

Voici l’histoire telle que racontée par «l’instruit». Vêtue d’une tenue légère, mais pas extravagante, l’adolescente passe devant le vieil homme.

A ce moment, le vieux bondit et lui donna un coup avec sa canne. D’un geste vif, la fille échappe et fuit. A bout de nerfs, le vieux lança sa canne sur la pauvre fille qui fut touchée.

L’histoire terminée, le receveur du bus annonce l’arrivée à la place du 1er-Mai. Tout le monde descend.

Pour sa part, «l’imigri» prend la direction de la place Audin. Devant lui, une fille, élancée et svelte, le pas nonchalant, marche en toute confiance.

Soudain, un garçon venu de nulle part, surprend la fille d’une «bise volée».

Son «forfait» accompli, le garçon prend très rapidement la direction inverse.

Le suivant des yeux, «l’imigri» ne peut s’empêcher de se demander: «Où va-t-on à cette allure?» La réponse à cette question exige un diagnostic honnête d’une société en perte de repères.

Mohamed Sadek LOUCIF