Le Qatar et le pétrole du Sahel

Le Qatar et le pétrole du Sahel

petrole.jpgL’émirat du Qatar, sous-traitant des opérations occidentales en Libye et en Syrie, fer de lance avec les pétromonarchies voisine de la répression du « printemps arabe » au Bahrein, qui ne cesse de racheter des actifs en Europe et de propager sa propagande via la chaîne Al-Jazeera, est aussi actif au Sahel.

Selon le journal malien l’Indépendant, le vendredi 6 avril dernier (le lendemain de l’enlèvement du consul d’Algérie par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), un cargo qatariote a atterri à l’aéroport de Gao pour livrer des armes et des stupéfiants aux rebelles. Un comité d’accueil a été formé autour de l’appareil sous la conduite d’Iyad Ag Ghaly, leader touareg du mouvement islamiste salafiste Ansar Eddine qui contrôle Tombouctou et Kidal en coopération avec l’AQMI.

Celui-ci, ancien consul du Mali à Djeddah (Arabie Saoudite), avait profité dans les années 2000 de son statut de diplomate pour nouer des relations avec des organisations islamiques de la région. Au point que l’Arabie Saoudite, son pays d’accréditation, l’avait menacé d’expulsion en 2010. Revenu au Mali il y a organisé le développement de le salafisme. Selon d’autres sources maliennes, juste après la prise de Tessalit le 10 mars 2012 par les nationalistes touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), un avion cargo du Qatar avait aussi atterri dans cette localité avant de déverser une importante quantité d’armes sophistiquées, des munitions et des 4×4 pour le compte des assaillant, probablement lorsque Ansar Eddine a évincé le MNLA de la région.

Depuis lors des islamistes affluent du Sud du Niger, du Tchad et du Nigeria (Boko Haram) dans le Nord du Mali, plaçant l’Algérie par principe non-interventionniste dans la position délicate d’accepter soit le développement de l’insurrection extremiste à sa frontière sud, soit une intervention militaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) très contrôlée par les Etats-Unis et la France. Le nouveau régime malien, issu d’un coup d’Etat récent mené par des mutins proches de Washington, lui, est déjà engagé dans les négociations avec la CDAO pour la restitution du pouvoir aux civils et le règlement de la crise du Nord.

Outre son engagement au Mali, le Qatar fait aussi pression sur la Mauritanie voisine. En janvier dernier il se brouillait avec l’homme fort de Mauritanie, le président Ould Abdel Aziz, en tentant de lui donner des leçons de droits de l’homme (ce qui n’est pourtant pas le fort de l’émir du Qatar). Le Figaro du 12 janvier dernier, plus précis relate même ainsi les faits : « L’émir a voulu donner certaines directives au président Abdel Aziz, usant d’un ton quasi comminatoire, et menaçant d’utiliser sa chaîne al-Jazeera pour faire éclater une révolution en Mauritanie, comme en Tunisie et en Egypte.

Le chef de l’Etat mauritanien, un militaire, a alors explosé et a congédié l’émir »… Ce faisant Ould Abdel Aziz (dont le geste a été salué par des groupes non-gouvernementaux mauritaniens commel’initiative nationale pour la sauvegarde de la constitution de Salka Mint Sid’Ahmed) compromettait provisoirement le développement d’un projet de prospection pétrolière mené dans ce pays conjointement avec Total (la coopération Total-Qatar est ancienne et remonte à 1936…). Mais Total et le Qatar pourraient bien utiliser les pressions de la rue en Mauritanie pour imposer à nouveau leurs desiderata : hier des milliers de jeunes manifestaient à Nouakchott pour exiger le départ du président. Un de ses principaux organisateurs, le petit parti (5 députés sur 95) islamiste Tewassoul bizarrement qualifié de « modéré » par les agences occidentales, a appelé au « Djihad politique » le 21 avril.

L’odeur du pétrole pourrait bien motiver également l’action du Qatar au Mali, car le bassin pétrolier de Taoudéni dont les réserves ont été découvertes récemment couvre les deux pays ainsi que le Niger (1,5 million de kilomètres carrés)… Total et Sipex, filiale internationale de la Sonatrach, société nationale algérienne, ont signé en 2011 un accord visant à unir leurs forces pour obtenir des concessions dans ces pays du Sahel.

Ainsi le chaos sahélien ne serait pas une perte pour tout le monde…