L’ancien caissier de Khalifa Bank auditionné comme témoin «Abdelmoumène se servait dans les caisses»

L’ancien caissier de Khalifa Bank auditionné comme témoin «Abdelmoumène se servait dans les caisses»

2014-Agence_Khalifa_812475442.jpgA l’issue du procès de 2007, il avait écopé de dix années de prison qu’il a entièrement purgé car il s’est désisté de son droit de se pourvoir en cassation devant la Cour suprême. Akili Youcef, c’est de lui qu’il s’agit, a été auditionné pendant toute la matinée d’aujourd’hui par le tribunal criminel près la Cour de Blida dans le procès en appel de la caisse principal de Khalifa Bank.

Il n’a pas changé d’une virgule sa déposition faite devant la magistrate Brahimi il y a huit ans. Pour Akli Youcef, Khalifa Bank était une entité privée et son propriétaire pouvait en disposer à sa guise.

Il explique au tribunal que les agences envoient les recettes journalières à la caisse principale dont il était le directeur général adjoint. Il procédait alors au comptage avec les autres caissiers (une quinzaine). Les fonds étaient transportés par Amnal. Le témoin explique l’ensemble de la procédure des transferts des fonds à la caisse avec les écritures entre sièges qui les accompagnaient dans des sacs scellés.

« J’exécutais les ordres sans commentaires »

Le juge lui demande s’il remettait de l’argent lorsque Rafik Moumène Khalifa le lui demandait. « Quand il veut de l’argent, il m‘envoie la personne et je lui envoie la somme qu’il désire. Il citera entre autres personnes qui défilaient à la caisse principale, Dellal Abdelouhab, Abdelouahab Réda (protection rapprochée de RAK), Mir Ahed (inspecteur général), Salim Bouabdalah (conseiller de RAK)). Akli Youcef précisera qu’aux tous débuts, c’était le PDG du groupe Khalifa qui se déplaçait en personne et se servait dans la caisse. Il envoyait ensuite Chachoua Abdelhafid, le directeur de Khalifa protection, supposée transporter les fonds. Ensuite RAK a informé Akli Youcef qu’il avait désigné des gens qui pouvaient l’appeler en son nom pour qui leur préparer l’argent. Il s’agit notamment de Krim Smail (vice-président de la banque), Chachoua et Bouabdallah.

A la question de savoir comment il justifiait les sorties des fonds, l’ex-caissier principal dira qu’il les enregistre dans l’extra-comptabilité. « Je les laisse en suspens. » Et ajoute : « A chaque fois qu’il y a un montant qui sort, je l’inscris sur un bout de papier pour pouvoir arrêter la caisse en fin de journée. » Le juge lui demande qu’il était caissier à la BDL avant Khalifa Bank et qu’il ne pouvait agir de la même manière. « Pour moi, c’était son argent et pouvait en disposait comme il le voulait. Moi, je ne fais qu’exécuter les ordres et les instructions ». Ces ordres et instructions ne lui étaient pas adressés par écrit mais verbalement, souvent par téléphone. Il explique que personne n’est venu lui faire une visite d’inspection. Même pas les inspecteurs de la Banque d’Algérie.

Le tribunal insiste. Akli Youcef, qui dit avoir assez payé et que c’est aux autres d’assumer leurs responsabilités, répond que « tous les cadres de la banque savaient comment l’argent sortait et qu’il y avait un trou ». Il précisera que le déficit global était de trois milliards de dinars, monnaie nationale et devises comprises.

A propos des 11 écritures entre sièges (EES), objet du scandale, le témoin affirmé avoir été convoqué à la direction où se trouvait Nanouche et Chachoua Abdelhafid. C’était après l’arrestation de Guelimi et deux cadres de la banque à l’aéroport d’Alger avec la somme de deux millions d’euros. Akli Youcef explique qu’on lui a dit que RAK avait donné instruction de régulariser les EES. Discipliné, il s’exécute et fait saisir les écritures par l’un des caissiers qui les signe. Ce qui lui vaudra huit ans de prison pour faux et usage de faux. Ensuite, Akli les donne à Nekkache pour signer. Celui-ci refuse.

Antar Menouar appelle RAK et lui demande ce qu’il avait à dire à propos de de la déposition de Akli youcef. Ce à quoi il répondra : « C’est illogique, je ne peux pas donner l’ordre de sortir de l’argent sans document. Ces EES n’ont pas été établies à la caisse principale mais dans une maison. Ce sont des faux ». Le magistrat lui rappelle qu’il y a quand eu un trou de trois milliards de dinars. « Encore faut-il qu’il soit confirmé par des commissaires aux comptes. Ce qui n’est pas le cas », affirme l’ex-golden boy.

Akli Youcef maintient ses propos jusqu’à la fin de son audition et ira jusqu’à confronter Aziz Djamel, ex-directeur de l’agence de l’agence d’El-Harrach qui soutenait mordicus que l’argent qui y sortait été transféré à la caisse principale par ceux qui venaient sur instruction de Khalifa. Le caissier principal le dément en précisant que les écritures entre sièges lui parvenaient sans les fonds. Et ce sont des centaines de milliards qui sont partis en fumée. Aziz Djamel fera ensuite semblant de ne pas se rappeler ni des montants ni des gens qui venaient le voir et encore moins des cadeaux qu’il offrait à ceux qui déposaient les fonds. Le magistrat lui lance : « Je sais que vous mentez ! Pourtant, vous êtes témoin, vous avez purgé votre peine ». Quant au procureur, il lui fera remarquer qu’ « il ne pouvait en aucun cas convaincre le tribunal qu’il s’est enrichi en l’espace de huit mois avec seulement le salaire de 50.000 DA. Il lui rappellera la villa de trois étages où se trouvent une clinique dentaire et une autre d’hémodialyse de son épouse. Aziz Djamel a persisté dans son « amnésie ».

Faouzia Ababsa