L’Algérie changera « en douceur »

L’Algérie changera « en douceur »

arton5124-57926.jpgL’Algérie a les capacités de changer paisiblement, sans révolte ni effusion de sang. C’est le constat auquel est parvenu, William B.Quandt, un conseiller politique américain chevronné qui a passé sa carrière à observer l’Algérie et le monde arabe.

Lors d’une rencontre-débat avant-hier avec la presse au siège de l’ambassade des Etats-Unis, Quandt, ancien membres du staff de l’administration du président Jimmy Carter, a estimé que l’Algérie « a réussi à contenir les soubresauts nés de ce qui a été baptisé +le printemps arabe+ car elle avait déjà opéré, non sans douleur, sa mue vers une transition démocratique sérieuse ».

Quandt a tout d’abord relevé qu’en 2011 au fort des révolutions arabes, « beaucoup d’observateurs avaient oublié que l’Algérie s’était d’orès et déjà engagée, au lendemain des évènements d’octobre 1988, dans la voie de la démocratisation de la société après une rupture avec un pouvoir autoritaire bâti sur l’unicité de pensée. » « Les algériens sont certes attachés à un changement mais sans pour autant opter pour la violence », a-t-il dit rappelant la hantise des algériens d’un retour à un cycle de violence qui a causé énormément de dégâts pour le pays et dans les esprits.

« Les citoyens algériens ont pris conscience que le changement interviendra tôt ou tard mais ont appris en même temps à être patients », estimant que les évènements d’octobre 1988 ont été précédés par une situation qui était intenable à tout point de vue.

La crise économique aigue, la montée du chômage, conjugués à un ostracisme exercé par un pouvoir autoritaire ont constitué autant d’ingrédient objectifs ayant conduit à la révolte, a-t-il dit, en soulignant qu’aujourd’hui « ces substrats ont disparu compte tenu du fait que le pays a fait d’énormes avancées sur le chapitre démocratique ».

A une question sur les chances des mouvances islamistes à accéder au pouvoir à l’image de l’Egypte ou de la Tunisie, Quandt a tenu à rappeler qu’il a été parmi les rares observateurs de la scène algérienne ayant prédit un échec de l’islamisme car le pays n’était pas à l’origine confronté à une crise autour de la religion mais avec son pouvoir.

« La victoire du Front islamique du salut (FIS) en décembre 1991 était le résultat d’un vote sanction qui était l’expression de 30% du lectorat algérien », a-t-il ajouté, arguant que la majorité des algériens était hostile au parti unique (NDLR : Le FLN) mais n’était pas pour le FIS ni en faveur d’un Etat islamique.

Pour le spécialiste démocrate, l’Algérie possède aujourd’hui les atouts qui l’autorisent à s’engager dans un changement sérieux loin des révoltes vécues par les pays arabes « sans oublier les efforts consentis par l’Etat algérienne dans la réforme des institutions y compris à travers l’amendement de la constitution et le recours du dialogue qui a impliqué la société civile ».

S’agissant des révoltes dans les pays arabes, M. Quandt estime que « la révolution Tunisienne semble réussir sa mutation mais à un moindre degré, la révolution égyptienne ». Dans les deux cas d’espèce, « les armées ont choisi de sacrifier leurs présidents, Hosni Moubarak et Zine Al Abidine Ben Ali, en s’alliant, du moins conjecturalement, avec les revendications populaires.

Les institutions en Egypte et en Tunisie incarnées par l’armée, sont restées solides et ont accompagné les révolutions. Ils se sont rangés du côté du peuple assurant ainsi la survie des institutions. Ce qui n’était pas le cas en Libye et le Yémen où le chaos a remplacé la stabilité », », a-t-il fait remarquer.

L’expert américain n’a pas manqué de livrer son sentiment s’agissant d’une telle situation affirmant qu’il préfèrerait des institutions stables aux révolutions qui débouchent sur le chaos car il y va, a-t-il dit, « de la survie du pays et des populations ». Toutefois, il a estimé que la situation actuelle en Egypte consécutive à la prise du pouvoir par le général Abdelfatah Sissi est devenue « pire qu’au temps de Moubarak ».

Quandt qui enseigne la politique extérieure américaine et le Moyen-Orient dans le département de politique de l’université de Charlotte-Ville, en Virginie, avaiet séjourné Avant d’occuper ce poste, il était membre principal de l’institution Brooking, un influent think thank américain, où il a mené une recherche sur le Moyen-Orient, la politique américaine dans le conflit israélo-arabe et la politique de l’énergie.

Auparavant, il a été conseiller au Conseil de sécurité national de 1972 à 1974 et de 1977 à 1979. Il a également participé aux négociations ayant conduit aux accords de Camp David (1978) et le traité de paix égypto-israélien (1979).