La situation du pays exige un gouvernement de technocrates

La situation du pays exige un gouvernement de technocrates

boutef-nouveau-500x250.jpgAbdelmalek Sellal a réuni samedi les walis à la résidence El Mithak dans une grand-messe pour les mettre au parfum de la situation économique du pays, conséquence de la baisse drastique des revenus pétroliers du pays.

Même si Sellal s’est bien gardé de noircir le tableau, de donner dans l’alarmisme, qu’il reproche aux partis d’opposition, il a dit à demi-mots que la situation économique du pays n’est pas bonne du tout et qu’il incombait désormais aux walis d’abord d’être en première ligne pour porter la nouvelle politique économique fondée sur l’initiative locale.

Une mission presque impossible pour des représentants locaux de l’exécutif formatés et habitués à agir selon le mode de l’injonction qui ne laisse point de marge à l’initiative personnelle.

En fait, ce que demande Sellal aux walis, même si cela mérite d’être applaudi, ne s’improvise pas par la force d’une sommation. C’est toute une culture de la gouvernance qui découle d’un mode de gestion politique fondée sur une décentralisation poussée, selon le nouveau concept de la démocratie de proximité avec un rôle prééminent pour les élus locaux. Ce qui est tout simplement impossible pour le moment au vu du corset bureaucratique qu’est le code de wilaya, voté il y a deux ans par l’APN.

En vérité les injonctions de Sellal aux walis, loin de procéder d’une vision économique cogitée (et à ce propos Louisa Hanoune a tout à fait raison de revendiquer un débat sur la nouvelle stratégie économique), mais de l’improvisation dictée par la nouvelle situation qui a provoqué une véritable panique au sein du gouvernement où, faut-il l’admettre humblement, on a cruellement manqué de visibilité et d’anticipation.

Si la situation actuelle n’est pas dramatique, il y a matière à sourire en se souvenant des fanfaronnades de Sellal, lors de la campagne électorale, assurant que « l’Algérie n’a pas un problème d’argent, mais de management ». Hélas, aujourd’hui, le premier commence à se raréfier et le second toujours non acquis. Les observateurs conviennent à dire que la situation économique actuelle dépasse largement les capacités d’Abdelmalek Sellal, quand bien même son engagement et sa loyauté envers le président de la république ne sont pas en cause.

« Pétrole contre nourriture »

Il n’est plus l’homme de la situation, pas plus que ne l’était d’ailleurs ses prédécesseurs (Benflis, Ouyahia, Belkhadem) dont la politique économique se résume en gros à exporter le pétrole pour importer des biens de consommation et d’équipement. C’est un peu la fameuse formule en vogue à l’époque de la première guerre du Golfe « pétrole contre nourriture ».

Avec le recul, on s’est rendu compte, que malgré la confiance dont ils étaient investis de la part du président de la république, ces quatre Premiers ministres n’avaient aucune vision ni aucune capacité à développer une véritable politique économique. En fait, celle qu’ils préconisaient tous les quatre n’était ni une économie dirigée, ni une économie de marché.

Le pays était géré à la petite semaine.On distribue l’argent du pétrole pour importer de quoi se nourrir, se soigner, acheter pour plusieurs dizaines de milliards des véhicules de tourisme, importer pour 200 à 300 milliards de dollars de camelote, (60% des produits importés sont contrefaits selon le DG des Douanes).

Le crédit documentaire (CREDOC) instauré par Ouyahia et maintenu par Sellal, a entrainé la sortie de dizaines de milliards de dollars et a surtout permis l’introduction de la camelote et des produits contrefaits, la loi 49/51 chère à Ahmed Ouyahia et maintenue également par Sellal a vite fait de faire disparaitre les investisseurs étrangers, le conseil national des investissements (CNI), un organe bureaucratique présidé par le même Sellal (qui ne s’est réuni que 2 ou 3 fois depuis 2012) qui a freiné lui aussi les investissements, les augmentations de salaires sans vision économique, les subventions des produits de première nécessité pour acheter la paix sociale, les banques publiques bureaucratisées à l’extrême qui ne jouent aucun rôle économique à part servir de coffre fort pour les citoyens et les commerçants, du moins pour ceux qui font confiance aux établissements bancaires.

Loin d’engager le pays dans une dynamique de développement, les quatre Premiers ministres se sont contentés de distribuer la rente provenant de la vente des hydrocarbures, ne se rendant pas compte qu’ils ont paralysé le pays.

Alors que l’argent coulait à flots, pas un seul hôpital de référence n’a été construit, bien au contraire on a laissé les algériens souffrir dans des hôpitaux mouroirs, des hôpitaux pour la plupart construits durant la colonisation, alors que des mosquées jaillissaient dans chaque coin de rue.

La situation actuelle du pays et les perspectives d’évolution imprévisibles incombent au président de la République de passer au premier plan. Et cela en procédant à un changement d’exécutif, l’actuel étant au bout de ses limites. Et dans cette perspective, pourquoi pas un gouvernement de technocrates dirigé par une personnalité indépendante qui aura à gérer cette période de crise, en ayant pour seul souci le salut du pays, loin de toute préoccupation partisane.

Notre pays, Dieu merci, compte beaucoup de compétence et de cerveaux, comme on le lit à travers leurs propositions pour la sortie de crise dans les différents médias. Et c’est aujourd’hui l’occasion historique pour eux de mettre leur expertise au service de l’Algérie. Et une telle option, c’est-à-dire un gouvernement de compétences, n’est en rien antinomique avec la légalité des institutions, notamment le Parlement qui aura à dire son mot dans le programme que ce gouvernement aura à présenter. Evidemment, la décision, en dernier ressort, appartient au président Bouteflika.