La guerre d’Algérie a-t-elle commencé le 8 mai 1945 ?

La guerre d’Algérie a-t-elle commencé le 8 mai 1945 ?

728-bcda9-500x330.jpgDéjà en 1871, en Kabylie et dans l’Est algérien et en 1916 dans les Aurès, l’insurrection était au programme. Chaque fois que la France coloniale s’est trouvée engagée dans une guerre (1871, 1914, 1940), l’espoir de mettre à profit ces évènements pour réformer le système colonial ou libérer l’Algérie s’est emparé des militants algériens. La défaite de la France en juin 1940 a modifié les données du conflit entre la colonisation et les nationalistes algériens. Avec le débarquement américain en novembre 1942 en Algérie, le climat politique se modifie.

Les nationalistes prennent au mot l’idéologie anticolonialiste de la Charte de l’Atlantique (12 août 1942 à Yalta). Le courant assimilationniste algérien se désagrège. Aux partisans d’un soutien inconditionnel à l’effort de guerre allié, rassemblés autour du Parti communiste algérien et des «Amis de la démocratie», s’opposent tous ceux qui, tel le chef charismatique du Parti du peuple algérien (PPA), Messali Hadj, ne sont pas prêts à sacrifier les intérêts de l’Algérie colonisée. Vient se joindre à eux un des représentants les plus prestigieux de la scène politique de l’époque : Ferhat Abbas. L’homme qui, en 1936, considérait la patrie algérienne comme un mythe se prononce pour «une République autonome fédérée à une République française rénovée, anticoloniale et anti-impérialiste».

Avant d’en arriver là, Ferhat Abbas avait envoyé aux autorités françaises, depuis l’accession au pouvoir de Pétain, des mémorandums qui restèrent sans réponse.

En désespoir de cause, il transmet aux forces américaines, présentes à Alger, un texte signé par 28 élus et conseillers financiers, qui deviendra le 10 février 1943, avec le soutien du PPA et des oulémas, le «Manifeste du peuple algérien».

Les réformettes

de la France coloniale…

A partir de là, l’histoire s’accélère. De Gaulle, le libérateur de la France, n’a pas compris l’authenticité des poussées nationalistes dans les colonies. Contrairement à ce qui a été dit, son discours de Brazzaville, le 30 janvier 1944, n’annonce aucune politique d’émancipation, d’autonomie (même interne). Cette incompréhension se manifeste au grand jour avec l’ordonnance du 7 mars 1944 qui, reprenant le projet Blum-Violette de 1936, accorde la citoyenneté française à 65 000 personnes environ et porte à deux cinquièmes la proportion des Algériens dans les assemblées locales. Ces mini-réformes ne touchent ni à la domination française ni à la prépondérance des colons, et l’on reste toujours dans une logique où c’est la France qui accorde des droits.

Quand la jeunesse urbaine bouge !

La riposte à l’ordonnance du 7 mars intervient le 14 : à la suite d’échanges de vues entre Messali Hadj pour les indépendantistes du PPA, Cheikh Bachir El Ibrahimi pour les oulémas et Ferhat Abbas pour les autonomistes, l’unité des nationalistes se réalise au sein d’un nouveau mouvement, les Amis du Manifeste et de la liberté (AML). Le PPA s’y intègre en gardant son autonomie. Plus rompus aux techniques de la politique moderne et à l’instrumentalisation de l’imaginaire islamique, ses militants orientent leur action vers une délégitimation du pouvoir colonial. La jeunesse urbaine leur emboîte le pas. Partout, les signes de désobéissance se multiplient. Les antagonismes se durcissent. La colonie européenne prend peur et s’agite.Au mois de mai 1945, lors du congrès des AML, les élites du PPA affirmeront leur suprématie. Le programme initial convenu entre les chefs de file du nationalisme, la revendication d’un Etat autonome fédéré à la France, sera rangée de coté. La majorité optera pour un Etat séparé de la France et uni aux autres pays du Maghreb et proclamera Messali Hadj «leader incontesté du peuple algérien». L’administration coloniale française s’affolera et fera pression sur Ferhat Abbas pour qu’il se dissocie de ses partenaires.Les dirigeants du PPA, et plus précisément les activistes, avec à leur tête le Dr Mohamed Lamine Debaghine, sont séduits par la perspective d’une insurrection, espérant que le réveil du peuple et l’appel au «djihad » (effort légitime à se libérer) favoriseront le succès de leur entreprise. Dans le camp colonial, où l’on craint de voir les Algériens rejeter les «Européens» à la mer, le complot mis au point par la haute administration, à l’instigation de Pierre-René Gazagne, haut fonctionnaire du Gouvernement général, pour décapiter les AML et le PPA , prend, jour après jour, de la consistance.L’enlèvement de Messali Hadj et sa déportation à Brazzaville, le 25 avril 1945, après les incidents de Reibell (actuel Ksar Chelala), où il est assigné à résidence, préparent l’incendie. Exaspéré par le coup de force contre son leader, le PPA fait de la libération de Messali Hadj un objectif majeur et décide de défiler, à part, le 1er mai 1945, avec ses propres mots d’ordre (ceux de la CGT et des PC français et algérien restant muets sur la question nationaliste). A Oran et à Alger, la police et des Européens tirent sur le cortège nationaliste. Il y a des morts, des blessés, de nombreuses arrestations, mais la mobilisation continue . Rachid Moussaoui.