Kidnappings, chômage et malaise social,Cette Kabylie qui gémit…

Kidnappings, chômage et malaise social,Cette Kabylie qui gémit…

P121022-14.jpgLa région est la cible d’attaques multiformes

Surprenant! Sur les 71 kidnappings en Kabylie, aucun cas n’a été élucidé. L’Etat est-il à ce point incapable de protéger ses citoyens?

Au moment où tous les regards sont braqués sur le tribunal criminel de Tizi Ouzou qui rejugera, ce matin, les assassins présumés de l’entrepreneur Hand Slimana, les brigands, les bandits des grands chemins viennent de sévir.

Le jeune Ghilas Hadjou (19 ans), fils d’un entrepreneur à Azzefoun, a été enlevé dans la nuit de jeudi à vendredi derniers, à M’lata (ex-Tardieu), un village situé à quelques kilomètres du centre-ville d’Azzefoun. Quelle autre interprétation donner à ce 71e enlèvement en Kabylie si ce n’est celui d’une démonstration de force, un défi à la justice et aux services de sécurité stationnés en nombre dans la région? Encore une fois, les citoyens se sont mobilisés. Ils ont marché, revendiqué la libération de Ghilas, dénoncé cette situation, scandé leur courroux mais seront-ils entendus? Pas si sûr quand on voit que cette situation perdure curieusement depuis dix ans.

Une partielle mobilisation contre le terrorisme, une pareille leçon de solidarité et de patriotisme ne suffisent pas à dissoudre une prétendue collusion des citoyens de cette région avec les terroristes. Voilà une grave imprudence suffisamment nourrie par des cercles qui se font pousser des urticaires rien qu’à l’évocation du mot Kabylie. La région est la cible d’attaques multiformes terriblement mortelles induites par une terrorisme et une insécurité endémiques.

Chaque semaine, chaque mois, la presse rapporte un attentat perpétré, un terroriste abattu, un policier tué, un faux barrage, des citoyens rackettés et pour clore ce décor des entrepreneurs, ceux-là mêmes qui nourrissent des milliers de familles sont enlevés.

Que des terroristes ou des assassins tuent, pillent et kidnappent, ils sont dans leur rôle. Mais quand des partis politiques, qui claironnent l’unité nationale jusqu’à l’overdose, se taisent face à ce massacre, cela s’appelle une non-assistance à des citoyens en danger.

Un fait par ailleurs condamnable par la justice internationale. Que dire alors de nos parlementaires? Immunisés par la loi, aveuglés par le confort du poste de député, ils préfèrent regarder ailleurs.

Ni la précédente assemblée, ni l’actuelle n’ont daigné diligenter une commission d’enquête parlementaire pour s’enquérir de cette situation au moment où on assiste à la mise en place d’une véritable industrie du kidnapping.

Jamais depuis 1857, cette région montagneuse et frondeuse, n’a connu une pareille situation d’instabilité sécuritaire. Dans l’imaginaire kabyle, la montagne a toujours été un symbole de sécurité, d’assurance et de confiance. Ne dit-on pas: «Adrar ne ennif», «adrar l’aâz».

Nous avons choisi de vivre là-haut dans les montagnes, nous avons choisi la rudesse du relief et du climat pour échapper aux basses servitudes des plaines, avait expliqué Mouloud Mammeri à Jean Pelligri qui l’interrogeait sur la signification de la montagne. Cette certitude a cessé d’exister pour la première fois en 1857 quand la colonisation française s’est étendue à toute la Kabylie. C’était la première cassure dans cet imaginaire nourri de paix et de sécurité. La seconde rupture s’est produit à la fin des années 1990, plus précisément en 1998, avec la constitution par Hassan Hattab du premier noyau du Gspc (Groupe salafiste pour la prédication et le djihad) et ensuite avec le reflux des terroristes des autres régions du pays pour trouver refuge dans les montagnes kabyles.

Depuis, cette région surnommée au début des années 1990, «la petite Suisse», a cessé d’être un havre de paix et de refuge pour les intellectuels, les patrons et tous les persécutés de l’islamisme extrémiste. Son histoire a fait d’elle un pôle de résistance aux conquérants successifs. Elle a été à la pointe de tous les combats pour la liberté et la dignité, ce qui l’a placée au premier plan des mouvements pour la reconnaissance de l’identité amazighe en Afrique du Nord. Vidée de ses patrons, sevrée de sa jeunesse qui part en quête d’horizons plus cléments, la Kabylie d’aujourd’hui gémit.