Gaz de schiste: Don de Dieu, souveraineté nationale, contrats en catimini

Gaz de schiste: Don de Dieu, souveraineté nationale, contrats en catimini

arton4103-00fff.jpgAttendu par les citoyens de In Salah et d’autres contrées sur le gaz de schiste qui mobilise et immobilise toute une région du territoire qui n’en veut pas, Bouteflika a eu cette seule réponse : «un don de Dieu qu’il faut fructifier», point barre, profitant de l’occasion pour magnifier le bilan, usurpant même celui de ses prédécesseurs. Le pouvoir en place pouvait-il faire mieux, mais surtout, avait-il le pouvoir de se désengager auprès de ceux qui ont pris en charge cette nouvelle manne gazière ?

«Un don de Dieu», dit Bouteflika ou celui ou ceux qui ont rédigé le message du Président, à ceux qui demandent l’arrêt du gaz de schiste et tous ceux, et il y en a eu quoi que l’on dise et sur tout le territoire mardi à l’appel de l’opposition, qui se sont solidarisés avec les citoyens du Sud. Quoi de plus simple pour le pouvoir en place, que de faire appel au sentiment religieux, suggérant ainsi que l’on ne peut rejeter cette manne venue des cieux, faisant ainsi un appel du pied aux islamistes de l’opposition qui ont tenté de renouer le contact avec le pouvoir.

La persistance dans la poursuite de l’exploration (et même l’exploitation) du gaz de schiste est à tout le moins étrange, d’autant qu’elle se poursuit, alors que les citoyens ne cessent de crier haut et fort, à raison ou à tort, qu’ils n’en veulent pas. De toutes les lectures qui peuvent être données à cette persistance, une seule nous paraît plausible : le pouvoir est trop engagé, il ne peut faire marche arrière.

Engagé, il l’est certainement si l’on se réfère non pas aux déclarations de nos gouvernants qui continuent à faire leurs affaires en catimini sans rendre compte à quiconque, agissant comme si le pays et son sous-sol leur appartenaient, mais à la simple lecture des déclarations des possibles contractants et notamment des autorités françaises qui ne s’en sont pas cachés (voir à cet effet la déclaration de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères français en décembre 2012, reprise par la presse française et évoquant «un futur accord permettant à la France d’expérimenter, sur le territoire algérien, une alternative à la fracturation hydraulique».

Depuis, en dehors de ceux qui ont accordé les accords de prospection et d’exploitation (en contrepartie d’accord d’aide au maintien de Bouteflika au pouvoir ?) le citoyen algérien ne sait pas aujourd’hui où on en est dans l’exploitation du gaz de schiste ni qui en a pris la charge, sachant que technologiquement parlant et contrairement à ce que l’on veut faire croire, la technologie dans ce domaine énergétique est encore loin d’être maîtrisée ni techniquement ni économiquement par les experts étrangers et encore moins algériens.

Quant à la question où on en est, les mensonges s’accumulent et ont tendance à prendre les citoyens pour des crédules : selon qu’on a affaire au Président, au Premier ministre, au ministre de l’Energie ou au P-dg par intérim de Sonatrach, l’on est parfois dans l’exploration et d’autres dans l’exploitation et les mêmes évoquent parfois les deux étapes. Face à tous ces mensonges et face à ce mépris jamais égalé des citoyens, ceux dont on occupe l’espace sans aucune transparence, disent nous ne voulons plus de votre gaz de schiste.

Même ceux initialement convaincus qu’il s’agit d’une énergie qu’il faudra à terme prendre en compte, disent aujourd’hui non, parce qu’ils voient dans son exploitation par le pouvoir actuel, non comme une source qui devra être prise en compte et intégrée à un modèle de consommation énergétique clairement défini, mais comme une manne, qui va, comme pour toutes autres formes d’énergie, profiter aux intérêts de ceux qui veulent se maintenir encore au pouvoir et ceux — étrangers — qui les y aident, trouvant en cela des intérêts convergents.

La déclaration dans ces conditions dans le message du Président «du processus d’affirmation de la souveraineté nationale» est plus qu’un leurre et ne peut résister aux pratiques devenues mœurs ancrées dans la gouvernance actuelle.

La démonstration importante, même si elle n’a pas été massive, de mardi dernier par l’opposition de son refus du gaz de schiste, en solidarité avec la population du Sud, et qui a amené des milliers d’Algériens à sortir, malgré la mobilisation colossale de policiers et malgré le traitement violent observé, et le refus de prise en compte de l’opinion exprimée, a très opportunément constitué une preuve que la souveraineté nationale n’est plus qu’un slogan qui ne peut plus faire illusion.

Le pouvoir a beau parler de manne céleste, il ne pourra amener à lui les opposants islamistes (Nahdha, Hamas…) qui battaient le pavé mardi avec l’opposition, plus parce que ce n’était là pour eux qu’une étape dans la longue marche pour arriver au pouvoir. L’opposition républicaine et démocrate, sait, sans aucun doute (beaucoup l’espèrent en tout cas), que cette alliance et ce regroupement hétéroclite ne peut éternellement durer et ne peut surtout pas durer lorsqu’il faudra se battre sur le projet de société que tous les démocrates algériens attendent.

Khedidja Baba-Ahmed