Finance Algérie : BEA, la mutation d’un géant bancaire

Finance Algérie : BEA, la mutation d’un géant bancaire

846-bea-algerie.jpgPartenaire historique de la compagnie pétrolière Sonatrach, la Banque extérieure d’Algérie a mis en oeuvre un ambitieux plan de diversification. Aujourd’hui, c’est une véritable banque universelle.

Hier presque totalement dévolue au secteur des hydrocarbures, la Banque extérieure d’Algérie (BEA) s’est transformée en quelques années en une banque universelle de grande envergure. Première banque du pays et troisième d’Afrique du Nord, elle est aujourd’hui présente dans l’épargne, l’immobilier, le financement des PME et des microentreprises, le crédit-bail et les assurances.

Lancé en 2005, son programme de diversification a été mis en oeuvre dans le cadre d’une large réforme de l’ensemble des banques publiques. L’échec de l’ouverture du marché bancaire aux capitaux privés algériens – notamment après les banqueroutes de Khalifa Bank, d’Union Bank et de BCIA – avait alors incité les autorités algériennes à revoir le mode de fonctionnement de l’ensemble des banques publiques pour contrer l’arrivée en force de grands groupes étrangers. Sans mise à niveau urgente, les banques algériennes ne pouvaient faire face à la concurrence, et la nécessité de disposer d’un grand leader du secteur public finit par s’imposer.

Minirévolution

Pour remplir ce rôle, BEA disposait d’atouts appréciables : assise financière importante, partenariats solides, expérience dans le commerce extérieur. Mais les problèmes de management et la dimension de son réseau d’agences se révélaient de véritables handicaps. Depuis 2005, c’est donc une nouvelle équipe qui mène cette minirévolution, dirige le programme de développement et de mise à niveau. À sa tête, Mohamed Loukal, financier de formation qui a fait l’essentiel de son parcours professionnel en qualité de représentant de BEA au sein de structures internationales : British Arab Commercial Bank, Banque du Maghreb arabe pour l’investissement et le commerce et Banque intercontinentale arabe.

Le groupe s’est rapproché d’une catégorie de clients qui n’était pas une priorité : les ménages.

Après avoir renforcé les capacités financières de BEA (le capital a été porté de 200 millions à 750 millions d’euros en trois ans), Mohamed Loukal a étoffé le réseau avec l’ouverture de dix agences par an en moyenne. Le programme d’extension a permis au groupe de se rapprocher d’une catégorie de clients qui ne constituait pas une priorité : les ménages. Les crédits à la consommation, pour l’achat de véhicules notamment, et le crédit immobilier ont séduit les particuliers. En parallèle, la banque a renforcé sa présence sur le marché du crédit aux PME.

En plus des offres classiques proposées par ses agences, elle a opté pour le développement de l’idjar, formule de crédit-bail conforme à la charia. En 2009, un partenariat a été signé avec le portugais Banco Espírito Santo et le financier Swicorp (finalement expulsé du projet) pour lancer une filiale baptisée Ijar Leasing Algérie. Enfin, BEA préparerait aujourd’hui un système d’épargne électronique pour la communauté algérienne installée à l’étranger. La première étape sera de conquérir le marché français.

Bancassurance

Le règlement du litige franco-algérien, né de la nationalisation des compagnies d’assurances françaises, a également offert à BEA une nouvelle opportunité. Alger l’ayant désignée pour être partenaire du groupe Axa aux côtés du Fonds national d’investissement, la banque s’est lancée dans un nouveau métier avec un des leaders mondiaux de l’assurance. Opérationnelle depuis décembre 2011, la société Axa Algérie prépare une série de produits de bancassurance qui devraient être proposés dans les agences de BEA.

L’établissement n’a cependant pas délaissé pour autant son statut de banque corporate. Dans son portefeuille clients, elle compte ainsi la quasi-totalité des grandes entreprises exportatrices. Son rôle stratégique a d’ailleurs été mis en exergue lors de la crise qui a secoué la filiale algérienne d’ArcelorMittal, au début de 2012. Le groupe sidérurgique indien, qui gère depuis 2000 le complexe d’El-Hadjar, avait sollicité un crédit de 140 millions d’euros auprès de BEA pour financer de nouvelles lignes de production et assurer le rachat d’une dette contractée auprès de Société générale. La banque algérienne avait décliné dans un premier temps, son partenaire ayant refusé de présenter des garanties solides en contrepartie. Après un bras de fer qui aura duré plusieurs semaines, BEA, soutenu par les pouvoirs publics, obtiendra gain de cause, et ArcelorMittal finira par accepter toutes les conditions imposées par la banque algérienne pour décrocher le crédit.

Mais sa véritable force, BEA la tire de son partenariat historique avec Sonatrach. Grâce aux activités du groupe pétrolier, elle a pu afficher un total de bilan de 34,7 milliards de dollars (26,8 milliards d’euros) en 2011 et, au titre du même exercice, rapatrier 67 milliards de dollars de recettes pétrolières pour le compte de l’État algérien. Au mois de juillet 2012, Sonatrach et BEA ont signé un nouvel accord de partenariat. Celui-ci prévoit la mise en place d’un mécanisme de cash management qui permettra à la banque de faire fructifier une partie des excédents de trésorerie du groupe pétrolier.

Que reste-t-il à faire ? Après avoir réussi sa mutation et développé ses activités, BEA pourrait s’engager à l’international. Pourquoi pas une présence active au Maghreb ou dans certains pays africains ? Le projet serait actuellement en cours d’étude.

Acclimatation réussie pour les étrangères

Malgré quelques freins, les banques internationales se développent vite sur le marché algérien.

Les relations entre la Banque d’Algérie (banque centrale) et les établissements étrangers sont au beau fixe, et la « tempête » qui s’est abattue contre une majorité d’opérateurs n’est plus qu’un mauvais souvenir. Oubliée la plainte déposée par l’institution monétaire pour une série d’infractions en matière d’« opérations de commerce extérieur » effectuées par les quatorze banques étrangères accréditées. Les amendes infligées en première instance (plus de 1,5 milliard d’euros) ont été annulées par la Cour suprême en 2011.