Elections législatives du 10 mai, Le rapport accablant de la Cnisel

Elections législatives du 10 mai, Le rapport accablant de la Cnisel

319712_des-assesseurs-commencent-a-depouiller-les-votes-le-10-mai-2012-a-alger.jpgLe rapport final de la Commission nationale indépendante de surveillance des élections législatives (Cnisel), composée de représentants de partis politiques n’a pas été tendre avec les autorités publiques, en charge de l’organisation du scrutin du 10 mai.

Le contenu du document rendu public hier, après plusieurs jours de tergiversations et de tractations, ne diffère pas trop du constat des formations politiques ayant contesté les résultats du scrutin.

Le rapport en question, qui sera remis au président de la République au courant de cette semaine, fait état de plusieurs dépassements et irrégularités durant toutes les phases de l’élection, de la campagne électorale jusqu’à la proclamation des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel.

A première vue la commission présidée par Mohamed Seddiki relève «le fossé entre le discours officiel garantissant la neutralité du scrutin et les pratiques traditionnelles qui consistent à manipuler les voix des électeurs». «L’élection législative du 10 mai 2012 a perdu de sa crédibilité au vu des transgressions et des dépassements enregistrés durant toutes les étapes qui ont accompagné l’organisation du scrutin», a conclu la Cnisel. Cette dernière pointe du doigt l’administration dans les dépassements qui ont émaillé le déroulement du scrutin.

Pour elle, des militants du parti qui a raflé la majorité des sièges à l’APN (le FLN ndlr), «sont intervenus directement dans la gestion et l’orientation de l’opération de vote». La Cnisel prend pour cible, sans aucune complaisance, des présidents d’APC qui «ont pesé de tout leur poids pour influencer le processus de l’élection».

«Le procès-verbal établi après le dépouillement des bulletins dans la commune d’Oum Ali, à Mila, donne les résultats suivants : nombre d’électeurs inscrits, 3 071 personnes ; nombre de votants, 1 900 ; nombre  de voix  gagnées par le FLN, 3 848 ».

À Kouba, une commune de la capitale également gérée par le FLN, «un citoyen de Tamanrasset a signé une procuration pour un proche habitant à Naâma et qui a voté à Kouba», souligne la Cnisel. La Commission de Mohamed Seddiki souligne dans son rapport «la non-conformité  de certains PV délivrés aux partis politiques avec ceux remis aux commissions de wilaya, présidées par des magistrats».

La commission fait état également état de «PV signés à blanc» ! «Dans certains cas, on a empêché les partis de consulter ces PV», déplore cette instance. Autre défaillance relevée : «l‘inscription du même électeur dans plusieurs  communes».

Concernant le vote des militaires, le rapport final dénonce «le recours abusif aux procurations, estimées à des milliers, délivrées par les autorités militaires sans le respect des dispositions prévues dans la loi électorale». Le taux de participation a suscité un tollé auprès de cette instance. Dans son document, elle a remarqué que le taux de  participation  a grimpé d’une manière assez inhabituelle   le matin du 10 mai, en passant de 4 % à 15 % en  l’espace de deux heures.

CNISEL, UNE COMMISSION SANS PRÉROGATIVES

La Cnisel n’est qu’une simple structure alibi. Les membres qui la compose se sont rendu compte que leur instance n’a fait que cautionné un vote «non transparent». Dans son rapport final, la Cnisel évoque les difficultés rencontrées par ses membres sur le terrain. «Des surveillants ont étés forcés  de quitter les  bureaux de vote».

La commission reconnaît implicitement son incapacité totale à intervenir le jour du vote, affirmant qu’elle était absente et écartée de 7 heures du matin à 20 heures. Sans omettre «le flou et le manque de clarté» des informations fournies par l’administration. Le rapport soulève en outre «un manque  de coopération» de la Commission de supervision des élections  dirigée par les magistrats.

Ces derniers  se sont contentés dans plusieurs cas  de  formuler des instructions orales, et lorsqu’ils ont agi, «ils l’ont fait avec beaucoup de retard». Enfin, la commission regrette l’attitude du  ministère de l’Intérieur qui a fait d’elle «un adversaire» alors que les deux parties étaient censées travailler de concert. A noter que ce rapport doit être adopté dans l’après-midi d’hier en assemblée générale ouverte par les membres de la commission.

La Cnisel demande l’ouverture d’une enquête sur le scrutin du 10 mai. Qualifiant les résultats validés par le Conseil constitutionnel d’«illogiques» et de «bizarres», la commission a émis 17 recommandations. Parmi celles-ci, l’assainissement du fichier électoral, «en coordination avec tous les partis politiques», la révision de la loi électorale et la suppression du seuil des 5 % qui a disqualifié plusieurs partis lors des législatives.

Au moment où nous mettons sous presse, le rapport en question n’a toujours pas été validé. Une source proche de la Cnisel a affirmé que la commission subit des pressions de la part du FLN et du RND, notamment qui souhaitent «un rapport souple et superficiel».

Mehdi Ait Mouloud